Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Laurence Fischer : « Pas de complexe à avoir »
Membre de la commission des athlètes de haut niveau auprès du CNOSF et ambassadrice de la discipline auprès de la candidature parisienne pour les Jeux olympiques de 2024, Laurence Fischer était aux anges lors des Journées Olympiques que vient d’accueillir la capitale française. Pour la triple championne du monde, le karaté n’a plus qu’à être ce qu’il est pour être conservé dans le programme après Tokyo 2020.
Quel regard portes-tu sur ces Journées Olympiques qui ont mis la candidature de Paris en lumière ce week-end ?
C’est une journée qui existe déjà depuis pas mal de temps, en référence au 23 juin 1894 qui est la date de création du CIO par Pierre de Coubertin à la Sorbonne, mais la dimension qui lui a été donnée ce week-end par tous les acteurs du sport français est exceptionnelle, tant au niveau des infrastructures que de la mobilisation. Je n’avais jamais vu ça, surtout en ces lieux mythiques qui sont l’histoire de Paris. Ça en jette ! Le tout dans un esprit festif, avec une vraie communion, qui font de ces journées le dernier point culminant de notre programme avant la désignation du 13 septembre. Ça a suivi une certaine logique depuis le début du travail autour de la candidature. L’envie de vouloir accueillir les Jeux est demeurée intacte et est même montée crescendo grâce à toutes ces initiatives. Cela témoigne d’une candidature construite, qui a pensé à tout et n’a oublié personne. En 2005, dans le cadre de ma scolarité à l’ESSEC, je m’étais engagée sur le volet marketing de la candidature de Paris pour les Jeux de 2012, et j’avais donc pu suivre ce qui avait été mis en place. Ce n’est pas du tout comparable avec ce qui a été fait cette fois-ci, la sensibilisation n’était pas du tout la même, ainsi que la logistique.
« Tout a été réfléchi avec bon sens, et c’est une vraie force d’avoir pensé à l’impact social des Jeux. »
Pour le karaté français, cet environnement est quelque peu nouveau. Comment le vit-on ?
Ça a créé une véritable émulation, avec une implication immédiate et très enthousiaste, car il y a cette volonté au sein de notre fédération d’être reconnue. Nous faisons partie de la famille olympique et on se doit de le communiquer à travers toutes nos actions. Proposées comme des démonstrations pour rendre le karaté plus accessible, nous savions heureusement déjà le faire auparavant, mais là, nous nous retrouvons aux côtés des autres sports de combat olympiques. Enfin, ai-je envie de dire !
À titre personnel, quel est ton apport à cette candidature parisienne ?
Je suis engagée sur deux commissions consultatives, parmi lesquelles la commission « Sport et Société ». Nous avons œuvré sur l’impact et l’héritage de cette candidature, en particulier sous l’angle éducatif, qui m’anime depuis plus de dix ans maintenant. C’est dans ce cadre que nous sommes allés promouvoir dans le monde « PL4Y International », un programme extrêmement innovant d’éducation par le sport qui montre au CIO que si nous respectons parfaitement son cahier des charges, nous sommes capables de mettre en place des initiatives qui vont bien au-delà des Jeux. Tout a été réfléchi avec bon sens, et c’est une vraie force d’avoir pensé à l’impact social des Jeux, comme les logements qui vont être construits pour les athlètes et qui vont être réutilisés derrière, ce projet de piscine olympique en Seine-Saint-Denis qui va venir combler un vrai manque en la matière, ou encore le bond que va connaître l’emploi dans cette région. Sur la partie éducative, on insiste sur les valeurs de l’olympisme, comme l’amitié, le respect, l’excellence, qui transpirent de toutes nos disciplines et qui sont intrinsèques à la performance selon moi. Par le jeu, nous arrivons à transmettre ça aux jeunes que nous rencontrons. C’est tout bonnement extraordinaire, et démontre que le sport n’est pas seulement synonyme de performance. Il s’agit d’une formidable école de la vie.
Ce doit être excitant de faire partie d’une telle aventure ?
Ce qui est juste génial, c’est que Tony Estanguet et Bernard Lapasset ont eu la volonté d’impliquer à 200% les athlètes et ils l’ont fait. Chacun, en fonction de son expertise et à hauteur de ce qu’il est, a ainsi pu apporter sa pierre à l’édifice, pour réfléchir à tous les aspects de la candidature, comme par exemple l’après-carrière, qui est une vraie problématique à ne pas sous-estimer, ou la venue des proches qui permettent aussi aux athlètes de s’exprimer au mieux le jour J. Car si les gens ne voient que les résultats, il ne faut pas pour autant oublier tout le reste. Vivre ça de l’intérieur est donc profondément intéressant pour moi, surtout que nous avons tous été admirablement informés de toutes les étapes et les décisions clés qui nous ont mené jusqu’à ces Journées Olympiques et qui vont nous conduire jusqu’au 13 septembre à Lima (lieu de la décision de la ville hôte des Jeux olympiques de 2024, NDLR). Les fédérations ont pu suivre le déroulement de toute la candidature, se sentant par conséquent davantage impliquées au projet, qui a fait montre d’une belle unité entre tous. Tout le monde a tiré dans le même sens, comme cela peut être le cas d’une compétition par équipes par exemple. Ce serait tellement triste que nous ne remportions pas la mise…
« Ce week-end, j’ai vu les gens déambuler sur les bords de Seine, et j’ai envie de revoir ça pendant quinze jours en 2024. »
Quels sont pour toi les atouts majeurs de cette candidature ?
Je ne suis pas Parisienne à la base, mais j’apprécie vraiment le côté compact de cette candidature, qui s’appuie sur une expérience forte d’accueil d’évènements mondiaux. Et puis, imaginer les épreuves d’équitation à Versailles, le beach-volley au pied de la Tour Eiffel, le tir à l’arc aux Invalides, le taekwondo et l’escrime au Grand Palais, c’est juste sublime ! Ce week-end, j’ai vu les gens déambuler sur les bords de Seine, et j’ai envie de revoir ça pendant quinze jours en 2024, avec de grands champions qui partagent leur passion avec des supporters venus des quatre coins du monde, à même de visiter notre beau pays derrière.
Comment a été intégré le karaté dans cette mouvance olympique ?
Nous réclamions cette place depuis plusieurs olympiades et, si nous l’avons obtenue, c’est que nous en sommes légitimes. Notre organisation, tant à l’échelle nationale qu’internationale, fait que le karaté est fin prêt à prendre part aux Jeux. Aux athlètes d’assurer leur partition derrière, car il s’agit de la plus belle compétition à laquelle ils pourront participer. Cette perspective de consécration va sûrement engendrer une pression accrue sur leurs épaules mais il faut bien se rendre compte que les adversaires seront les mêmes que lors des championnats d’Europe ou du monde, et que tous seront novices en la matière et dans le même état d’esprit, quels que soient leurs palmarès ou leur expérience. Nous avions un peu connu ça aux mondiaux de Bercy en 2012 : soit les athlètes se mettaient la pression en se disant que ça se passait à la maison et que tout le monde les attendait au tournant depuis l’annonce de l’organisation, et prenaient le risque de passer à côté, soit ils donnaient le meilleur d’eux-mêmes en se servant de ce soutien et cette ferveur. Et on a vu le résultat !
Quel message vas-tu faire passer aux karatékas qui vont briguer les tickets pour Tokyo ?
En faisant partie de la commission des athlètes de haut niveau, je suis en train de comprendre cette grande institution qu’est l’olympisme, les attentes du CNOSF envers les athlètes, pour faire ainsi en sorte que ces derniers s’épanouissent et donnent le meilleur d’eux-mêmes, dans les meilleures conditions. Ça passe par l’expérience et le vécu, car tous les olympiens nous disent que c’est quelque chose de complètement à part. Nous devons encore engranger de ce point de vue-là, même si nous possédons déjà de nombreuses valeurs communes. En conscience de tout ça, nous n’avons pas de complexe à avoir ! À nous de mettre en place le travail psychologique nécessaire pour maîtriser cet environnement olympique, car il ne faudra pas passer à côté des Jeux sous prétexte que c’est nouveau et que nous restons fascinés par ce rêve qui s’est réalisé. Nous aurons tout le temps d’en profiter une fois les combats terminés et les premières médailles décrochées, je l’espère. Il ne faut pas perdre à l’esprit qu’un combat restera toujours un combat.