Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Stéphane Mari : « Initier un effet boule de neige »
Avant les championnats de France de Reims, le point sur le projet du kata français avec l'ancien médaillé mondialAppelé l’été dernier au sein du staff national pour épauler Ayoub Neghliz auprès des techniciens, le médaillé mondial 1998 en kata par équipes, multiple médaillé national, espère avant tout transmettre une certaine idée du kata à la française. Un travail de fond qu’il entreprend avec sincérité et passion.
Ce week-end se tiennent les championnats de France kata. En quoi est-ce un moment important de la saison pour les techniciens tricolores ?
Pour les seniors, c’est tout simplement la confrontation de l’élite, et il y a forcément un peu de pression en amont. Sitôt passé l’Open de Rotterdam, notre n°1 Enzo Montarello était par exemple déjà focalisé sur Lille alors que sa préparation est davantage axée sur les grandes échéances internationales à venir. Pour les jeunes, il s’agit de l’une des étapes en vue des championnats d’Europe 2019, avec des places à prendre du fait des changements de catégorie d’âge et du turnover récurrent des performances. On va surveiller de près tous ceux qui ont été convoqués par le passé en collectif national, mais on peut très bien voir éclore des graines semées çà et là que l’on n’attendait pas forcément tout de suite au top. Et ce serait tant mieux pour notre vivier appelé à constituer les futures équipes de France. Il s’agit donc d’un grand rendez-vous, qui constitue un bon marqueur dans la progression de chacun, mais il ne faut pas pour autant arrêter sa saison à cette épreuve qui ne constitue pas une sélection. Certains jeunes se croient parfois arrivés au but lorsqu’ils se qualifient pour ces championnats de France, avec l’international comme cerise sur le gâteau ensuite. Pour moi le premier, qui ai dû attendre ma deuxième année en seniors pour décrocher mon tout premier titre national, il s’agissait de la compétition la plus importante. Ce fut une erreur de gestion de ma carrière, qui doit aujourd’hui servir aux nouvelles générations afin de ne pas la reproduire.
Leur faire profiter de votre expérience, est-ce tout le sens de votre mission ?
Jeune, j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont appris beaucoup de choses, et c’est effectivement un devoir pour moi de partager à mon tour mes connaissances. Mon ambition est de faire en sorte que les gens intègrent mon message, s’en servent pour produire un meilleur karaté que ne fut le mien et initier ce que j’appelle un effet boule de neige. C’est un travail de fond extrêmement plaisant pour le pratiquant passionné que je suis resté, sans aucun enjeu personnel si ce n’est celui de rendre service, qui plus est au sein d’une équipe d’entraîneurs nationaux très dynamique et extrêmement engagée. Ça ne se voit pas toujours de l’extérieur mais, je peux en témoigner, à voir tout ça de près désormais, c’est impressionnant en termes d’investissement.
Quelle est votre plus-value ?
En plus d’avoir été un ancien sportif de haut niveau, je suis un élève de Jean-François Tisseyre, qui est une véritable référence sur les fondamentaux techniques du karaté. Sur les stages équipe de France jeunes ou seniors, je viens donc assister Ayoub sur la technique basique du karaté, tout en le suppléant sur les compétitions où il y a toujours à faire.
Quel état des lieux avez-vous pu dresser depuis votre arrivée dans le staff ?
Malgré un bon niveau d’ensemble, avec notamment une équipe masculine que je n’avais pas vue aussi forte depuis l’époque de Mickaël Milon et qui aurait pu légitimement prétendre à un titre mondial si l’on n’avait pas dû retirer Enzo pour le concentrer sur son projet olympique en individuel, on a pu constater qu’il n’y pas de marque de fabrique française chez nos techniciens. Quand un Italien, un Espagnol ou une Japonaise présente un kata, on reconnaît le style propre à son pays, tandis que le technicien français propose un style qui lui est propre. Pour un Mickaël Milon, c’était l’explosivité par exemple. Et ce manque d’identité nuit à notre aura à l’international.
Comment y remédier ?
Cela passe par encore beaucoup d’investissement, notamment aux côtés de nos experts nationaux que sont les Serge Chouraqui, Jean-François Tisseyre et autres Alain Auclert. Pas la peine d’aller voir ailleurs, les pointures, nous les avons chez nous ! C’est un travail collectif de longue haleine qui doit nous permettre de créer une cohérence globale, avec une adhésion des athlètes et de leurs professeurs de club, mais aussi du corps arbitral, qui nous épaule pour avancer tous ensemble. Il faut que chacun prenne confiance dans ce projet, qui est loin d’être une lubie isolée. Ce qui n’est pas évident car, comme avec tout travail de fond, les effets ne sont pas immédiats et les jeunes doivent faire la part des choses pour comprendre que les bénéfices arriveront plus tard. C’est à eux de s’approprier le projet avant tout. Enzo Montarello est, à ce titre, un très bon exemple : il a pris des risques en intégrant tout ce qu’on lui demandait, notamment en termes de développement musculaire, quitte à régresser au départ. Aujourd’hui, sa « mutation » prend bien et il franchit des caps en Karate 1 Premier League. Ça avance bien aussi pour Alexandra Ferracci et Jessica Hugues, les deux filles du collectif olympique. Mais on voit aussi le temps que ça demande pour un athlète qui s’entraîne tous les jours de manière professionnelle… À nous de les soutenir dans cette voie pour qu’ils tirent l’ensemble du niveau national vers le haut.
Texte Antoine Frandeboeuf – Sen No Sen
Photos Denis Boulanger – FFK