Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Tout au long de la saison, le Mag’ de la FFKaraté va à la rencontre des professeurs afin de recueillir leurs avis et conseils sur des sujets qui concernent le plus grand nombre d’entre vous. Après vous avoir donné les clés d’une rentrée réussie, voici en ce mois de novembre leurs astuces pour accueillir au mieux les nouveaux adhérents.
Mohamad Ajouz, professeur au Lille Karaté Shito Kai (Nord), fondé en 2006 (89 adhérents)
« Les faire rêver »
« Notre club se trouve à l’est de Lille, à Fives, un quartier marqué par un fort taux de chômage et la présence de nombreuses familles en situation précaire. Les parents inscrivent leur enfant au karaté car ils savent que c’est une pratique reposant sur des valeurs fortes comme le respect, la persévérance, la modestie, etc. Avec ces jeunes élèves, nous faisons en sorte de ne pas entrer trop vite dans le vif du sujet, car sinon ils risquent de décrocher. Nous leur proposons des jeux éducatifs, en ayant recours à du matériel pédagogique par exemple. Nous essayons aussi de les faire rêver, ce qui est beaucoup plus facile depuis que le karaté a intégré le programme des Jeux olympiques de Tokyo. Nous n’hésitons pas à leur faire miroiter la possibilité de faire partie des champions de demain ! En tant que professeur, je chercher à promouvoir un karaté moderne, ludique, accessible à tous. La société a évolué, et j’estime que nous ne pouvons plus imposer à nos élèves de répéter des katas pendant des heures. Je veux les faire progresser, leur permettre de devenir plus fort, aussi bien sur le tapis qu’en dehors. Pour cela, je n’hésite pas à solliciter les membres les plus expérimentés du club. Les hauts gradés sont en effet ceux qui doivent donner l’exemple. Ils servent de modèle aux débutants, qu’ils aident autant que possible. Aux séances d’entraînement succèdent des périodes de convivialité, lors desquelles chacun fait l’effort d’aller vers les autres. C’est pour cela que nous organisons, de temps en temps, des goûters. »
Patrick Augagneur, professeur au Budokan Chalonnais (Saône-et-Loire), club fondé en 1971 (30 licenciés pour la section karaté)
« Créer un climat de confiance »
« Je remarque que les nouveaux adhérents sont souvent assez distants au début. Ils ont peur de mal faire et n’osent donc pas monter sur le tapis. C’est à moi, ainsi qu’aux autres élèves, d’aller vers eux et de créer un climat de confiance. Il est difficile, voire impossible, de définir le karaté en quelques mots seulement. C’est pourquoi nous devons d’abord nous concentrer sur des exercices basiques, en laissant chacun prendre ses marques à son rythme. Généralement, nous organisons un pot de bienvenue deux à trois mois après le début de la saison. Cela permet aux pratiquants, récents et plus anciens, de se rencontrer hors du tapis, d’échanger, de sympathiser… En résumé, de créer un lien que nous ferons en sorte de maintenir par la suite.
À Chalon-sur-Saône, l’offre en termes d’arts martiaux et de sports de combat est très importante. La concurrence est donc rude pour notre club de karaté traditionnel. Afin de garder nos adhérents, nous faisons en sorte de les valoriser. Pas forcément en les envoyant participer à des compétitions, qui ne représentent qu’une facette de notre sport. Mais en les aidant du mieux possible à obtenir de nouvelles ceintures. Ainsi, il n’est pas rare que des élèves passent avec succès un ou deux grades par saison. Cette réussite les stimule et les encourage à poursuivre à nos côtés. Certains pratiquants issus d’autres clubs nous rejoignent et s’aperçoivent également que nous préconisons un karaté de qualité, synonyme de progression pour tous. En résumé, nous travaillons dans le but de mettre nos élèves en réussite, tout en faisant preuve de bienveillance à leur égard. »
Stéphane Le Gac, professeur au Karaté Bretagne 29 Le Conquet (Finistère), fondé en 2008 (34 licenciés)
« Rassurer ceux qui ont une image erronée du karaté »
« Nous sommes un petit club, situé dans un village qui se trouve au bout du monde (ndlr : Le Conquet est la commune la plus occidentale de France continentale) ! Il arrive que nous ne connaissions aucun renouvellement au sein de notre effectif mais, lorsque des curieux osent franchir la porte du dojo, nous faisons tout pour les convaincre de rester parmi nous. Certains pensent que le karaté est un sport violent, or ce n’est pas le cas. Notre première mission consiste justement à rassurer ceux qui ont une image erronée de la discipline. Le professeur doit se mettre à leur niveau et prendre le temps de leur montrer quelles sont les techniques de base, qui constitueront le début de leur apprentissage. Nous insistons aussi sur le fait que des stages avec des experts ont lieu pendant l’année. C’est un élément qui pourra leur donner envie de rester, avec la perspective de progresser.
Avec les enfants, je mets d’emblée l’accent sur une notion fondamentale : le respect. Chacun est tenu de respecter le dojo et les règles qui y sont en vigueur, ainsi que ses camarades d’entraînement et le professeur. Le salut est la marque de ce respect mutuel, sans lequel il est impossible d’exercer sereinement notre art martial. Tout cela est clairement expliqué dès le premier cours. Malheureusement, ces jeunes ne restent jamais très longtemps. Tôt ou tard, ils sont contraints de rejoindre Brest ou Rennes afin de poursuivre leurs études. Je suis malgré tout persuadé que tout ce qu’ils ont appris sur le tapis leur sera ensuite utile dans la vie de tous les jours. »
Raphaël Brosse / Sen No Sen
Olivier Remy