Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Le karaté en mode olympique, première !
Assia Oukhattou et Cécil Boulesnane en éclaireurs lors des Jeux olympiques de la jeunesseDu 6 au 18 octobre 2018, Buenos Aires a vécu au rythme des Jeux olympiques de la jeunesse. Pour la première fois, le karaté était au programme. Seule combattante française engagée, Assia Oukhattou a pu découvrir l’ambiance et le contexte propres à un événement frappé du sceau de l’olympisme. Retour sur une expérience inédite, aussi bien pour la jeune athlète et son coach Cécil Boulesnane que pour la discipline.
C’était une mise en bouche, une sorte de grande répétition générale avant un baptême du feu tant attendu. À deux ans des Jeux de Tokyo, le karaté était pour la première fois au programme des Jeux olympiques de la jeunesse, qui se sont déroulés à Buenos Aires (6-18 octobre). Une seule Française est parvenue à s’extirper de l’exigeant tournoi de qualification : Assia Oukhattou. Pendant près de deux semaines, la karatéka de 17 ans a vécu dans l’effervescence du village olympique, a assisté à des épreuves depuis des tribunes archicombles, s’est liée d’amitié avec d’autres athlètes… et même si elle n’a pas remporté de médaille, la combattante entraînée par Cécil Boulesnane a fait le plein de souvenirs qui resteront gravés dans sa mémoire. Le karaté, quant à lui, a soigné son entrée dans la grande famille olympique.
Une cérémonie d’ouverture… en pleine rue
Le ton a été donné d’entrée. Une fois n’est pas coutume, la cérémonie d’ouverture n’a pas eu lieu dans un stade, mais en pleine rue. Le 6 octobre, les délégations des 206 pays représentés ont défilé sur l’Avenida 9 de Julio, en direction de l’obélisque de Buenos Aires. « La cérémonie était merveilleuse, avoue Assia. Je ne m’attendais pas à voir autant de nations différentes. D’ailleurs, je dois admettre que je n’ai pas reconnu tous les drapeaux ! » Acclamés par la foule, les quatre mille athlètes engagés ont pu prendre conscience de la ferveur populaire qui allait accompagner ces JOJ. Un engouement qui, gratuité des places aidant, n’a jamais faibli tout au long de la quinzaine. « Il y avait énormément de monde, partout, quelle que soit la discipline, affirme Cécil. J’ai même vu des files d’attente devant certaines infrastructures. Les tribunes étaient pleines à craquer et quand un Argentin entrait en scène, la clameur était telle que l’on se croyait dans un stade de foot ! » Du stade d’athlétisme à l’Urban Park, en passant par la piscine et les dojos, le bruyant public sud-américain a toujours été au rendez-vous. En attendant les épreuves de karaté, programmées lors des deux dernières journées de compétition, Assia a pu s’imprégner de cette ambiance surchauffée en allant elle-même prendre place dans les gradins.
« L’impression de faire partie d’une seule et même équipe »
Unique combattante tricolore ayant composté son billet pour l’Argentine, Assia n’a cependant pas traversé l’Atlantique toute seule. L’Arlésienne s’est envolée avec une partie de la délégation française, réunie au siège du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) avant le grand départ. Car c’est une nouveauté : les karatékas sont désormais membres de l’équipe de France olympique. Sur place, la vice-championne d’Europe juniors (-59kg) a notamment fait chambre commune avec une boxeuse, Tallya Brillaux. Accompagnées par un karatéka belge, Quentin Mahauden, les deux jeunes filles ont passé le plus clair de leur temps libre à se promener dans le village olympique, ce qui leur a permis d’échanger avec d’autres sportifs. « C’était une bonne manière de travailler mon anglais, » s’amuse Assia, qui allait encourager ses compatriotes dès qu’elle le pouvait. Quand il ne s’occupait pas de sa protégée, Cécil restait avec d’autres entraîneurs nationaux. « J’étais dans la même chambre que les coaches de lutte et de roller, explique le technicien du pôle Relève au CREPS de Châtenay-Malabry. Nous mangions ensemble, nous évoquions la préparation et les résultats de nos athlètes… Cela donnait vraiment l’impression de faire partie d’une seule et même équipe. Et quand nous croisions un Français qui avait obtenu une médaille, nous allions évidemment le féliciter. »
Gérer l’attente
Chaque jour, Assia enchaînait une séance de préparation physique le matin et quelques exercices techniques l’après-midi, programme à peine perturbé par une petite gêne au genou. La sociétaire du Club Arlésien Karaté Do devait progressivement monter en puissance et rester concentrée sur son objectif, ce qui n’était pas forcément évident dans le contexte très festif entourant les JOJ. « C’était un nouveau paramètre à prendre en compte, car lors d’une grande compétition de karaté, nous arrivons généralement sur les lieux quelques jours à peine avant de combattre, rappelle Cécil. Là, nous avons eu une attente inhabituellement longue à gérer. » Assia, elle, était impatiente à l’idée d’en découdre. « Mes amis terminaient leurs épreuves les uns après les autres mais moi, je n’avais encore rien fait, s’exclame-t-elle. J’avais hâte de monter sur le tapis ! »
Organisé à deux jours du début des épreuves, le « Focus Day » a offert aux karatékas engagés l’opportunité de réellement entrer dans la compétition. Deux grands noms de la discipline, Ivan Leal et Nassim Varasteh, sont venus exprès pour échanger avec les jeunes combattants, qui se sont tous réunis dans le cadre d’un entraînement collectif conclu par une photo de famille.
Format inédit, issue malheureuse
Le format de l’épreuve olympique s’est lui aussi avéré très inhabituel pour les karatékas. Dans chaque catégorie, les huit participants étaient répartis en deux poules de quatre, les deux premiers de chaque groupe étant ensuite qualifiés pour les demi-finales. « Ce format, qui devrait aussi être en vigueur aux JO, laisse un petit droit à l’erreur puisqu’une défaite lors du premier combat n’est pas rédhibitoire, relève Cécil. Par ailleurs, les athlètes ne sont pas départagés s’ils sont toujours à égalité à la fin du temps imparti, ce qui leur permet d’engranger un point. Il faut néanmoins éviter de se lancer dans ce genre de calculs et, au contraire, tout donner dès le début. » Les assauts se succédaient sur une seule aire de combat, qui concentrait donc l’attention de tous les spectateurs. De quoi faire peser une certaine pression sur les épaules d’Assia, qui a perdu son premier combat sur disqualification alors qu’elle menait au score. « J’étais trop stressée et j’ai mal géré la distance, soupire-t-elle. Sortir trois fois du tapis en si peu de temps, cela ne m’était jamais arrivé… » Mal embarquée, la Française a vu ses espoirs de médaille s’envoler après un deuxième revers d’affilée. Dans un dernier sursaut d’orgueil, elle a dominé la Britannique Charlotte Hope, qui l’avait battue en finale de l’Euro juniors quelques mois plus tôt. « Je savais que je n’avais plus rien à perdre et je me suis lâchée, raconte celle qui, quoi qu’il arrive, restera la première Française à avoir participé à une épreuve olympique de karaté. Au moins, j’ai pris ma revanche et j’ai pu finir sur une bonne note ! »
« Le karaté a prouvé qu’il avait sa place aux JO »
Venue à Buenos Aires avec la ferme intention de monter sur le podium, Assia a ainsi dû se résoudre à rentrer au pays sans breloque autour du cou. « En tant que seule karatéka française, je me devais de ramener une médaille de ce premier rendez-vous olympique de l’histoire de notre discipline, souffle-t-elle. Je suis évidemment très déçue, et je pense que cet échec va me trotter dans la tête pendant encore un long moment. Mais je suis aussi persuadée que je pourrai m’appuyer là-dessus pour grandir. Et puis, je ne peux pas faire abstraction de tout ce que j’ai vécu pendant ces deux semaines. C’était inoubliable, et j’espère bien le revivre plus tard ! » À Paris, par exemple ? « J’avoue que je commence à penser aux JO de 2024, sourit la combattante tricolore. D’ici-là, j’ai encore le temps de me forger une belle expérience. » Cécil, lui, prend un peu de recul afin de dresser un bilan concernant les premiers pas du karaté dans le monde de l’olympisme. « Il y a encore quelques éléments à ajuster, souligne le champion du monde 2000 (-60kg). J’ai par exemple trouvé que l’arbitrage était un peu trop sévère. Mais, dans l’ensemble, mon ressenti est très positif. Ce format de compétition est agréable à suivre et a donné lieu à des combats spectaculaires, surtout durant la deuxième journée. Le public s’est souvent enflammé, les spectateurs semblaient conquis. De mon point de vue, le karaté a donc prouvé qu’il avait totalement sa place aux JO. » À confirmer dès 2020 à Tokyo.
Raphaël Brosse / Sen No Sen