Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Alain Formaggio : « Grand rendez-vous à venir ! »
Événement krav-maga les 6 et 7 avril prochains à la Halle CarpentierAlain Formaggio, 6e dan, expert fédéral de krav-maga pour la FFK, et de self-défense pour les forces de l’ordre, évoque la spécificité de cette self-défense particulière et nous annonce un grand rendez-vous pour ce début du mois d’avril.
D’où vous vient ce goût de la self-défense ?
Vers treize ans, j’ai commencé le karaté par sentiment d’injustice. Je crois que c’est à l’école que l’on vit d’abord les enjeux de la vie à venir, avec des émotions puissantes. Je voulais pouvoir faire quelque chose contre ces grands qui, sous prétexte qu’ils étaient les plus forts, se permettaient de faire régner leur loi sur les plus jeunes. C’était aussi l’époque Bruce Lee, Docteur Justice, qui renforçaient cette conviction que le karaté pouvait faire de vous un héros. J’ai commencé avec Yvan Simon et j’ai adoré mon premier stage, ceinture verte, avec Francis Didier, Roger Paschy… Je m’entraînais comme un fou. Et puis il y a eu le full-contact de Dominique Valéra. On s’est dit « c’est ça qui est bon », et on a enfilé des protections au club. J’ai fait de la boxe française avec Robert Paturel. En 2004, j’ai même été vainqueur au mondial de Corée avec l’équipe de la fédération française de boxe française. À vingt-deux ans, je suis entré dans la police. Avec mon expérience et trois diplômes en full, boxe française et kick, je suis rapidement parti en formation pour devenir instructeur de self-défense, mais aussi de tir de combat, une autre grande passion. Dans le monde du guerrier, l’arme est toujours le prolongement externe des capacités du corps. En qualité d’expert pour les forces de l’ordre, j’ai pu aider Robert Paturel, de retour des USA, à introduire le tonfa en France.
Et finalement, vous adoptez le krav-maga…
J’étais déjà instructeur pour les forces de l’ordre depuis 1985 quand j’ai croisé le krav-maga. Cette discipline a rencontré mon obsession du « petit qui peut vaincre le fort » comme on dit dans le milieu martial – et que je traduisais volontiers en langage plus fleuri. J’ai beaucoup bourlingué dans cette discipline qui a tout de suite éveillé mon intérêt, car elle proposait exactement ce que je recherchais depuis le début. J’ai fait de nombreux stages avec Haïm Zut, le premier diplômé du fondateur Imy Lichtenfeld, j’ai été initié par un instructeur de Daren Levine, qui a fait adopter le krav-maga par les SWAT (unité d’élite) de Los Angeles, puis le FBI. J’ai derrière été diplômé par Eyal Yanilov en 1998. Depuis 2010, je travaille beaucoup avec Itay Gil, un ancien des forces spéciales israéliennes, instructeur au YAMAN, qui est l’équivalent du RAID ou du GIGN là-bas. Mais mon passé de boxeur et mon expérience professionnelle m’ont conduit à une synthèse pédagogique un peu personnelle. La boxe a notamment renforcé, chez moi, l’idée de supprimer toute attaque préconçue. Il faut aiguiser les réflexes naturels et instinctifs, bien les orienter pour en faire une capacité efficace de protection. Il faut réactiver le primitif tout en automatisant les bons réflexes, les bonnes attitudes, comme le font les bons boxeurs. Les techniques sophistiquées apprises à l’entraînement ne marchent jamais en situation de stress.
« C’est toujours un très gros atout d’avoir une bonne expertise dans les arts martiaux fondamentaux »
Pouvez-vous nous éclairer sur les principes fondamentaux du krav-maga ?
Je viens de vous donner le premier. Apprendre à survivre, avec de bons réflexes défensifs, les plus naturels possible. Cultiver la simplicité des réponses et apprendre à frapper systématiquement les points vitaux : yeux, oreilles, gorge, parties génitales. Un de mes élèves détient le record d’Europe de force athlétique. Il fait cent trente kilos pour un mètre soixante-quinze et soulève trois cents kilos au développé-couché et cinq cents en squat. Ce genre d’homme est totalement ingérable avec des techniques traditionnelles. Mais une femme peut parvenir à le faire reculer en visant les points vitaux. Il est aussi très important d’apprivoiser les effets du stress, de la surprise, l’élévation du rythme cardiaque, le rétrécissement du champ de vision, la perte de lucidité… On le crée artificiellement à l’entraînement pour s’approcher de l’effet « street ». Enfin, la mentalité du krav-maga, c’est le refus de rester figé sur des acquis. J’ai la chance d’avoir beaucoup de retours d’expérience de tout le monde dans mon métier et c’est passionnant d’avoir tous ces débriefings sur des situations variées. Cela alimente ma passion de chercheur permanent dans un monde en évolution constante. J’ai toujours voulu coller à la réalité du terrain. À mon âge, je suis apaisé, j’aime les gens et je ne vois pas des agresseurs partout, mais j’ai plaisir à transmettre et je souhaite offrir la méthode pratico-pratique la plus utile possible. Je veux donner du concret et j’ai le sentiment du devoir accompli quand un collègue vient me dire qu’il a pu gérer une situation chaude, qu’une femme a échappé à un problème dans la rue. Et au-delà de ces situations, on a au krav-maga les mêmes bénéfices que dans les pratiques martiales. Les dos se redressent, les regards se font plus affirmés… C’est un grand plaisir de voir arriver un « petit gros » et de savoir qu’il a fini par entrer aux pompiers de Paris après s’être totalement transformé.
Que vous reste-t-il du karaté ?
C’est une base très intéressante pour le pied-poing appliqué à la self-défense. Le karaté est incomparable dans la recherche du « kime », de l’explosivité appliquée de façon précise. De façon générale, c’est toujours un très gros atout d’avoir une bonne expertise dans les arts martiaux fondamentaux, donc d’être un bon karatéka. Dans la police, on en croise souvent, et je me suis beaucoup appuyé sur leur expertise pour avoir une vision générale, notamment, moi qui viens du pied-poing, du côté du judo, du sanda, etc. Récemment, j’étais au Brésil pour montrer le krav-maga à leurs services d’intervention. J’avais face à moi des experts en jujitsu brésilien qui vont au contact au quotidien. Du sérieux. Il fallait bien toute cette expérience accumulée au fil des années pour être crédible à leurs yeux et les intéresser.
« Intéressant de donner cette expérience de la compétition aux pratiquants de krav-maga »
Pouvez-vous nous dire justement ce que vous proposez lors des stages fédéraux ?
Nous avons récemment fait un stage en duo avec Jérôme Roesch, 6e dan, ancien militaire et formateur dans l’armée. Cela a été l’occasion de proposer un krav-maga moins « club » et plus orienté « intervention », pour sortir un peu des sentiers battus. Cela permet aux professeurs, aux ceintures noires, de venir chercher autre chose, et aussi des outils pédagogiques nouveaux. Sur le dernier stage, nous étions quatre intervenants, Jérôme Roesch et moi donc, ainsi qu’Éric Benamou et Marc Fesler. Personnellement, j’ai insisté sur le corps-à-corps, les saisies, les étranglements et sur les enjeux de la menace avec arme, qui est différente de ceux de l’attaque proprement dite. C’est important car depuis quelques années, le nombre d’agressions à l’arme blanche – tranchante, perforante ou contondante, et toute arme par destination, c’est-à-dire le cric ou le tournevis que l’on utilise pour menacer ou attaquer – est désormais supérieur à celui des agressions à mains nues. Rappelons que ces stages sont gratuits pour tous ceux qui possèdent une licence à la FFKaraté. Le prochain stage sera important car, le 6 avril prochain, nous aurons la visite d’Itay Gil. Et le 7 avril, nous proposons le premier championnat de France combat de krav-maga.
Vous lancez un modèle de compétition de krav-maga combat ?
Nous avions déjà le championnat de France technique en binôme. Cette fois, il s’agit d’une compétition individuelle avec protections, casque et plastron, où le KO est autorisé. Une catégorie seniors, une catégorie vétérans, hommes et femmes, avec quatre catégories de poids. Chaque combattant se retrouve dans le rôle de l’attaquant et du défenseur, un round à mains nues, un autre avec arme, couteau ou bâton, factices évidemment. Décision finale des arbitres, pour pouvoir apprécier la valeur des coups, malgré les protections. Bien sûr, il y a des règles, c’est un compromis. Mais c’est intéressant pour donner cette expérience de la compétition à nos pratiquants, qui allaient souvent, jusque-là, la chercher dans d’autres disciplines. Rendez-vous donc les 6 et 7 avril pour un grand week-end total krav-maga !
Emmanuel Charlot / Sen No Sen
Photos Denis Boulanger (couverture) et Alexis Sciard / FFKaraté