À bras ouverts
Le Mag' pousse les portes du KC Vauréen, dans le TarnCréé en 1993 à Lavaur, le Karaté Club Vauréen est rapidement devenu le plus grand club du Tarn, avec plus de 250 licenciés. Une croissance qu’il a fallu gérer. Comment ont-ils fait ? Quels écueils ont-ils su éviter ? Quelle a été la ligne directrice ? Nous sommes allés leur poser la question.
C’est une charmante cité de briques rose dont les fondations descendent jusqu’aux rives de l’Agoût. Sa taille est modeste, 11 000 habitants, mais Lavaur est une capitale : celle du pays de Cocagne, une terre aux couleurs pastel et baignée de soleil, au centre d’un triangle Albi-Toulouse-Carcassonne. Mais c’est aussi la capitale du karaté dans le département, le Tarn. Car c’est ici, au cœur d’une région pourtant acquise au rugby, et malgré l’ombre des voisins Albi (50 000 habitants) et Castres (41 000), que s’est développé le plus grand club affilié au CDK 81. Le Karaté Club Vauréen revendique aujourd’hui 250 licenciés, après avoir atteint un pic de 281 il y a deux ans. Comment une association fondée il y a tout juste 25 ans, inscrite auprès de la FFKaraté en 1993, a-t-elle pu grandir si vite ?
« Quand je me suis lancé, j’avais un projet, une vision de développement à long terme », se souvient Yann Alamelle. À cette époque, le professeur a 42 ans. Il n’est alors qu’un pratiquant encore modeste, qui a commencé le karaté sur le tard, 10 ans plus tôt, mais qui s’est forgé une volonté de fer sur les tatamis. « Lorsque j’ai commencé le karaté, je n’ai pas toujours été très bien accompagné. J’étais un peu âgé, souvent sur la touche. Et puis, je n’étais pas si habile, et j’ai dû batailler pour avoir mes grades. C’est ce qui m’a donné envie de me battre. » Avec son ami José Rojo, actuel président du KCV, ils lancent un club à leur image : ouvert, et qui accueille tous les publics. Une philosophie liée au milieu d’où vient le binôme, puisque le premier est éducateur spécialisé dans un IME (Institut Médico Éducatif), et le second gestionnaire dans un complexe médico social pour adultes. Encore fallait-il réunir les éléments permettant au club, 10 licenciés à ses débuts, de progresser pour coller à ce grand projet.
Déménagement, la famille s’agrandit
Pour grandir, il a d’abord fallu pousser les murs. Après sept ans dans le gymnase de l’IME de Yann Alamelle, et un pic à 60 licenciés, le club commence à être à l’étroit. Un des élèves, membre de la police municipale de Lavaur, facilite le lien entre l’association, qui cherche un nouveau toit, et la mairie. C’est José Rojo qui raconte la suite : « À partir de janvier 2000, la municipalité a mis à notre disposition gratuitement un local qui n’était pas utilisé. Nous, en échange, nous avons formé les policiers au karaté défense. » Cent mètres carrés de tatamis posés, une bonne dose d’huile de coude des bénévoles pour repeindre les lieux, et voilà le KCV qui dispose d’un dojo pour lui seul. Et qui se débarrasse ainsi des restrictions de créneaux avec lesquelles la plupart des clubs doivent composer. « Mon idée de départ, c’était de pouvoir proposer des cours tous les jours de la semaine », savoure le professeur, désormais 5e dan.
Avec un outil de travail à la hauteur des leurs ambitions, les dirigeants ont pu lancer de nombreux nouveaux cours. Au karaté sportif et à la self-défense, viennent très vite s’ajouter le tai-chi (2001 puis 2005), le karaté traditionnel et le baby karaté (2007), puis le body karaté (2008) et le karaté bien être (2011). « La mode des nouvelles disciplines a été très importante pour attirer de nouveaux licenciés, notamment un public féminin », souffle le président. La barre des 100 inscrits est franchie en 2005, celle des 150 en 2009. Si le club veille à ne jamais négliger ni sa base, adossée aux cours combat et kata, ni la compétition, il continue de s’ouvrir au fil des années. « Dans le karaté, dans la tradition, il y a toujours eu une orientation santé, explique Yann Alamelle. Il ne doit pas se réduire aux jeunes et à la compétition. » Avec l’appui financier du Conseil départemental, le club accueille des personnes âgées et/ou avec des problèmes de santé. « J’ai un élève atteint de Parkinson que j’ai emmené jusqu’à son premier dan, se félicite le professeur, un peu ému. J’en ai un autre de 80 ans. Le karaté est un tel moyen de développement personnel… On ne le dira jamais assez. »
Une œuvre à poursuivre
Grâce à l’énergie de ses membres, le KCV est devenu un acteur majeur de la vie associative de Lavaur. Incontournable au forum des assos ou lors de la nuit des arts martiaux, il propose aussi des événements ponctuels, comme ces cours de tai-chi en plein air organisés avec la municipalité. Le tout avec une équipe entièrement bénévole et des tarifs attractifs (171€ pour un adulte, 129€ pour un enfant). Pour accompagner la croissance des licenciés et des cours, il a aussi fallu former de nouveaux professeurs. Ce que Yann Alamelle a fait avec un plaisir non feint : « Dès que je voyais quelqu’un s’investir beaucoup, se passionner pour une nouvelle discipline, je l’encourageais, lui confiais des animations puis un cours, tout en veillant à ce qu’il ou elle passe ses diplômes ». Résultat : dix professeurs diplômés encadrent aujourd’hui les différents créneaux. La relève du fondateur, 68 ans en mai, se trouve parmi eux.
« Je me suis laissé trois ans pour passer la main, confie le professeur, alors que sa voix se fait plus douce. J’aurais pu rester fermé sur moi, être le seul à enseigner et avoir 40-45 licenciés comme la plupart des clubs Mais je voulais diffuser le karaté au plus grand nombre. Avoir toute une équipe autour de moi. Ce club, c’est ma fierté, mon bébé, mais il faut savoir lâcher prise. » Un futur vers lequel le président José Rojo est déjà tourné : « Pour dépasser le pic de 2015 (281 licenciés, NDLR), nous devrons imaginer un autre projet associatif, sans doute migrer vers un autre espace pouvant accueillir des groupes plus nombreux. Et se préparer aux effets des Jeux olympiques de Tokyo 2020 ! Mais c’est une autre aventure… »
Gaëtan Delafolie / Sen No Sen