Corentin Séguy «Je ne lâcherai pas»
Il a 21 ans, était il y a quelques mois titulaire en équipe de France espoirs, mais aussi déjà coopté dans l’équipe de France seniors championne d’Europe et médaillée mondiale 2016. Le voici qui passe en 2017 une étape décisive en obtenant, grâce à sa régularité en tournoi, une première sélection en seniors pour les prochains championnats d’Europe. Corentin Séguy entre dans la lumière.
Raconte-nous tes débuts en karaté…
J’ai commencé chez moi, du côté de Brignoles. J’ai fait de la compétition et j’ai vu que cela me convenait. Alors, vers 16 ans, je suis allé trouver Alexandre Biamonti à Marseille. Je savais que c’était un immense champion et son club n’était pas si loin que ça de chez moi. Il fallait que je profite de cette opportunité. Il m’a suivi à partir de ce moment-là et m’a amené jusqu’à mes premières sélections en juniors puis en espoirs.
Comment as-tu convaincu Alexandre Biamonti ?
Au début, j’étais très impressionné, et j’avais aussi beaucoup de lacunes. Mais, pour moi, il n’était pas question de faire deux heures de route aller-retour juste pour le plaisir, et je le lui ai dit d’entrée. C’est mon père, qui est responsable d’une trentaine de boulangeries et qui a autre chose à faire, qui faisait cet effort pour ma sœur Charline et pour moi. J’ai fait comme d’habitude, j’ai cherché les bons exemples, les modèles et je me suis appliqué à devenir plus fort qu’eux. Il a vu que j’étais motivé. J’ai compris que c’était un passionné, comme moi, et qu’il ne se prenait pas la tête. Nos relations sont devenues naturelles. Il sait que je ne lâcherai pas, et moi je sais qu’il ne lâchera pas.
As-tu douté de toi dans la difficulté ?
Non ! Je n’ai jamais douté, mais c’est vrai que, en commençant les choses sérieuses en cadets deuxième année, ça a été très difficile. Il a fallu fournir un effort personnel très important tous les jours, faire de la préparation physique et remettre en question beaucoup de choses. Avec Alexandre Biamonti, nous avons commencé par un gros travail technique, pour me permettre de m’appuyer sur un contenu. Je jouais sur la vitesse et l’explosivité, je précipitais les choses, il m’a aidé à poser le jeu. Ensuite, on a abordé le travail tactique. Je faisais tout à l’instinct et ça ne payait pas. J’ai beaucoup acquis grâce à lui.
« Je sais ce qui est positif dans ma pratique et ce qui est négatif. »
De cette époque à aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ?
J’ai mûri. Maintenant, je sais comment les choses fonctionnent. J’ai eu l’opportunité de sortir au niveau international en junior et en espoir et cela m’a donné de l’expérience. Je m’entraîne mieux aussi et je me connais mieux. Je sais ce qui est positif dans ma pratique et ce qui est négatif…
Quel est justement, selon toi, ton point fort et ton point faible ?
Mon point fort, c’est sans doute ma détermination. Il y a longtemps que j’ai décidé de mes objectifs et que je fais ce qu’il faut pour les atteindre. Je veux faire les championnats du monde, gagner le titre. Je vois aussi les Jeux olympiques en ligne de mire. Mais j’ai aussi du recul par rapport à tout ça, c’est un bon complément pour garder la tête froide. Quoiqu’il arrive, je sais que j’ai une famille sur laquelle je peux compter et un métier qui m’attend. Quant au point faible, je manque encore parfois un peu de confiance en moi, il m’arrive encore de me dévaloriser par rapport à certains adversaires…
Peut-être par rapport à Logan Da Costa, qui était le représentant en individuel dans ta catégorie ces deux dernières années et qui te bat en finale des derniers championnats de France ?
Avec Logan, on se connaît très bien depuis des années, alors non, ce n’est pas le regard que je porte sur lui. Un adversaire comme Logan Da Costa dans ma catégorie, je le prends comme un « boost », ce n’est que du plus. Je le respecte beaucoup, comme tout le monde j’admire sa détermination. Je sais que sur le tapis, on va se battre. Mais notre rivalité est de bonne guerre, et, en dehors, on rigole ensemble. Nous sommes aussi partenaires en équipe de France et ça forge des liens forts. Sur les championnats de France, j’étais venu pour prendre des repères, déjà concentré sur les championnats d’Europe. Je perds cette finale, mais ce n’est pas vraiment un problème. Je prends le positif, le négatif, je le travaille.
Y-a-t-il quelque chose que tu aimerais lui prendre ?
Lui prendre ? Sa détermination ? J’ai la mienne… Son mawashi court jambe arrière qui monte à la g… ? [sic] Ça, c’est lui. On ne peut pas le lui enlever ! En fait, on a chacun nos styles, nos façons d’aller chercher les points. Alors non, rien.
Que vas-tu chercher sur ces championnats d’Europe ?
Je veux finir cette bonne année en apothéose, créer la surprise sur le plan individuel, faire gagner l’équipe.
« Charline a ses objectifs et moi les miens, mais c’est la même souffrance. »
La catégorie des -75kg, c’est celle de Rafael Aghayev. Imagines-tu votre rencontre ?
Quand on a une légende comme lui devant, cela donne encore plus de motivation, d’envie de se battre et de le battre. J’ai toujours fonctionné comme ça. Rien n’est impossible ! Evidemment, avec lui, il faudra être très pointu. J’ai regardé les combats qu’il a perdus, notamment celui que gagne Olivier Beaudry, je sais ce qu’il faut travailler contre lui. Tenter de maîtriser la distance pour l’empêcher de démarrer, attaquer sans hésitation, parce que, souvent, c’est ce qui se passe contre lui. Utiliser le bras avant, car il lui arrive d’en prendre et mon explosivité pourrait être utile. On verra… Idéalement, ce serait bien en finale !
Ta petite sœur Charline a été vice championne d’Europe cadettes en 2015 et elle est en équipe de France juniors. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?
C’est le top ! On s’entraîne au quotidien ensemble et c’est quelque chose en plus. Elle a ses objectifs et moi les miens, mais c’est la même souffrance. Et, quand elle combat, c’est très intense, je suis beaucoup plus stressé que pour moi. Je vois les Da Costa, leur fratrie est une très grande force. Nous aussi, nous avons ça. Charline et moi, nous deux en équipe de France aux Jeux olympiques, c’est un rêve que je veux voir se réaliser.