Que deviens-tu… Emmeline Mottet ?
Elle a commencé le karaté à six ans au club Saint-Pierre La Palud, car « hyperactive et très motivée » raconte-t-elle en rigolant. Membre de l’équipe de France au début des années 2000, vice championne d’Europe en 2005, l’élève de Félicien Kondo, devenue ingénieure dans l’informatique et les télécommunications a tourné la page de la compétition avec une troisième place aux championnats de France (-68kg)… 2015. Désormais présidente et professeure à Lyon, sa ville de toujours, Emmeline Mottet, 32 ans, analyse avec acuité l’atout d’avoir été une compétitrice de haut-niveau dans le cadre de son quotidien professionnel. Entretien.
Quels souvenirs gardes-tu de ton parcours de compétitrice ?
Quelques titres et de belles médailles (rires). Il y a celle, au niveau international, de vice championne d’Europe en 2005 (+60kg), évidemment, mais aussi celle de vice championne du monde universitaire par équipes en 2006 et 3e en individuel lors de cette même compétition. En fait, en octobre 2007, j’ai subi une importante opération de la hanche qui m’a tenue éloignée plus longtemps que prévu des tatamis. Une période très dure et surtout très longue. Heureusement, j’ai retrouvé peu à peu le goût du karaté et de l’entraînement, grâce notamment au soutien de l’un de mes entraîneurs, Sébastien Viola. Je ne suis revenue sur le circuit international qu’en 2009 où j’ai terminé 3e aux championnats d’Europe universitaires (-68kg). Ce que je retiens de cette période ? Beaucoup d’émotions, une incroyable aventure humaine avec des moments que je ne pourrai jamais oublier, notamment avec mon entraîneur de toujours, Félicien Kondo : mon premier titre de championne de France cadette ou ma médaille d’argent à Tenerife aux championnats d’Europe où, quand je l’ai eu au téléphone, nous avons tous les deux pleuré de joie. Il y aussi les souvenirs des championnats du monde universitaires à New York, dans une ville extraordinaire. Au niveau des pires souvenirs, il y a cette élimination au premier tour des championnats du monde en Finlande en 2006, après une préparation particulièrement exigeante.
Comment s’est passée la transition entre la fin de ta carrière et ton entrée dans le monde du travail ?
D’une manière très naturelle en fait puisque, depuis 2010, alors que j’étais encore compétitrice, j’ai été engagée par une entreprise, Worldline, spécialisée dans les terminaux de paiement, les paiements électroniques et en ligne. J’y ai commencé à mi-temps afin de pouvoir continuer à m’entraîner à haut niveau. Depuis que j’ai arrêté ma carrière, j’y travaille à 60%.
Pourquoi ce choix professionnel ?
J’ai toujours eu des facilités à l’école et j’étais très branchée sport. Mais, j’étais asthmatique et j’avais une forte tendance à me blesser. Un jour ma mère m’a dit : « Sois maline, et choisis une formation qui t’ouvrira un maximum de portes ». J’ai suivi son conseil et j’ai postulé avec succès à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Lyon. Une école qui présentait plusieurs avantages pour moi. Il y avait une section sport-études, qui m’a permis d’effectuer ma scolarité en sept ans au lieu de cinq, alors que j’étais en équipe de France juniors puis seniors. Cela me permettait aussi de rester sur Lyon, ma ville. Enfin, cette formation m’ouvrait une multitude de jobs. Je me suis spécialisée dans les télécommunications et l’informatique. Un domaine qui m’a toujours plu pour son côté ludique et rigolo (sic). Depuis 2010, j’ai occupé plusieurs postes, différents mais tous enrichissants. Actuellement, je suis « business developer » : cela consiste, pour faire simple, à chercher de nouveaux marchés sur lesquels mon entreprise n’est pas encore présente.
Justement, dans ta vie professionnelle, que t’apporte le karaté et sa pratique à haut niveau ?
Il y a beaucoup d’avantages et quelques inconvénients. Lorsque j’étais athlète, j’ai toujours eu l’habitude que l’on me dise quand c’était bien et quand cela ne l’était pas. Un retour d’expérience permanent, franc et direct pour ne pas perdre de temps, gommer les erreurs et progresser le plus rapidement possible. J’ai été habituée à cela et, avec le recul, je trouve ça extrêmement utile dans la vie quotidienne et professionnelle. Ce n’est pas inné pour tout le monde. Et, si c’est facile à s’appliquer à soi-même, cela peut être difficile à transposer dans la relation avec d’autres collaborateurs qui n’ont pas l’habitude d’une telle remise en question systématique, même si elle est bienveillante. L’autre atout de mon expérience de karatéka de haut niveau, c’est que je cherche toujours la performance. C’est une idée qui plaît en entreprise ! Enfin, il y a le dynamisme, le fait de toujours vouloir s’améliorer et aller de l’avant. Si l’on reste sur ce que l’on sait faire, on stagne, on s’ennuie. Ça, ce n’est pas pour moi !
Est-ce que le karaté est toujours présent dans ta vie ? Continues-tu à en suivre l’actualité ?
Bien sûr ! En mars 2013, j’ai fondé un club, le No Kachi Lyon dans le 7e arrondissement. J’en suis d’ailleurs toujours la présidente ! Depuis la rentrée, j’y enseigne, dans un dojo flambant neuf. Nous avons plusieurs sections : karaté traditionnel, combat, santé/fitness et défense-training. Je suis très heureuse puisque nous sommes passés de 33 à 82 licenciés entre la saison dernière et celle-ci. Mais j’aimerais enseigner et diffuser les bienfaits du karaté dans d’autres lieux : les hôpitaux, les entreprises, les écoles en y apportant une notion sociale. Sinon, je suis avec plaisir le parcours d’Alizée Agier et d’Alexandra Recchia. Alizée, car nous étions dans la même catégorie et que c’est une fille au grand cœur. Une fois, je lui ai demandé d’intervenir dans le cadre de l’association dont je fais partie, « Un maillot pour la vie », une association qui sollicite les sportifs de haut niveau pour venir à la rencontre d’enfants malades à l’hôpital. Elle était venue avec son sourire, hyper spontanée. Et Alexandra, car c’est tout simplement la fille la plus titrée au monde, alors difficile de ne pas être admirative (sourire).
Propos recueillis par Thomas Rouquette / Sen No Sen