Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Dans le cadre de Journée Internationale des Femmes qui a lieu ce mercredi 8 mars, la FFKDA a voulu mettre en valeur les femmes du karaté français. Elles sont professeur, cadre technique, présidente de club ou de département, arbitre… Elles se livrent sur leur pratique, leur parcours, leur relation au karaté, leur engagement et sur la place des femmes au sein de la discipline.
Première série de témoignages. Les autres seront à retrouver ce jeudi.
Marjorie Locke, 34 ans, 5e dan
Responsable et entraîneur haut niveau pour la ligue de Lorraine depuis juin 2011
«Le karaté apporte aux femmes confiance et estime de soi »
« Le karaté, pour moi, est une histoire de famille et évoluer dans ce milieu était une évidence puisque mon père est 6e dan et professeur et ma mère 5e dan. Le karaté a toujours été une hygiène de vie personnelle. C’est pourquoi, après ma période de compétitrice, pendant laquelle j’ai été championne de France juniors et membre de l’équipe de France seniors, il était logique de m’investir à mon tour. Depuis dix-huit ans, je donnais des cours dans mon club et lorsque j’ai eu l’opportunité de pouvoir apporter mon expérience, de suivre les jeunes compétiteurs, je n’ai pas hésité ! En tant que femme, je n’ai jamais eu à vivre d’expériences négatives dans ce milieu, qui est sans doute l’un des plus féminisés au sein des arts martiaux. Peut-être est-ce dû à ma personnalité. Ce que peut apporter le karaté aux femmes ? De la confiance et de l’estime de soi pour pouvoir réagir avec sang-froid dans des situations de la vie quotidienne potentiellement angoissantes.»
France Bressy, 65 ans, 1er dan
Présidente du comité départemental des Deux Sèvres depuis 2013 (657 licenciés)
« J’aime m’occuper des autres »
« Le karaté ? J’y suis venue tard ! J’avais 54 ans lorsque j’ai posé le pied sur un tatami. En 2012, je suis devenue trésorière du département puis, en 2013, j’en ai pris la présidence. C’était dans l’ordre des choses je pense en raison des compétences acquises par mon métier de technicienne administrative et commerciale et parce que j’aime sincèrement m’occuper des autres. Depuis ma prise de fonction, je donne la priorité au développement du nombre de clubs (nous sommes passés de 390 à 657 licenciés dans le département) et à des stages pour mieux faire connaître notre discipline. La féminisation ? Un objectif parmi d’autres. Il est parfois difficile d’être une femme dans une discipline essentiellement masculine : je le ressens dans certaines attitudes d’indifférence. Après, je pense que les femmes dirigeantes ont une singularité, une sensibilité différente de celle des hommes. Nous sommes plus attentives aux ressentis de chaque pratiquant. J’attache notamment beaucoup d’importance à ce que le karaté soit ludique et festif pour les enfants qui n’aiment pas forcément tous la compétition.»
Alicia Conejo, 38 ans, 3e dan
Arbitre internationale depuis 2015
« Il y a une sensibilité féminine dans l’arbitrage »
« J’ai commencé l’arbitrage à dix-neuf ans, un an après avoir arrêté la compétition. Pourquoi cette voie ? Parce que j’accompagnais les jeunes de mon club et que je trouvais intéressant d’être arbitre pour pouvoir les conseiller dans leur pratique sur cet aspect du karaté. J’ai aussi été poussée par la présidente de ligue de l’époque, à un moment où il y avait peu de femmes dans le corps arbitral ! En fait, quand je suis arrivée, il n’y avait que trois arbitres nationales féminines. Mon intégration s’est très bien passée car j’étais la petite protégée, j’ai été prise sous leurs ailes par quelques arbitres masculins confirmés qui n’hésitaient pas à intervenir lorsque des coaches se montraient un peu virulents. Avec le recul, je crois qu’il y a une sensibilité féminine dans ce domaine : je pense que nous sommes plus à l’écoute, davantage dans le dialogue, à expliquer sans avoir l’air péremptoire les raisons d’une décision ou lorsque l’on donne des conseils à des athlètes avant un combat.»
Jennifer Didier, 37 ans, 4e dan
Présidente du comité départemental de Moselle depuis 2006, (3300 licenciés)
« Faire évoluer l’image du karaté »
« Mon premier engagement dans le karaté est passé par l’arbitrage. Puis, je suis devenue responsable de la commission féminine au niveau de ma ligue. En 2006, j’ai remplacé le président démissionnaire de la Moselle. Pour être honnête, cela ne m’intéressait pas forcément lorsque le poste s’est libéré mais, finalement, j’y ai très vite pris goût car j’avais quelques idées pour dynamiser le Comité. Lorsque je suis devenue présidente, c’est plus mon âge – elle avait alors 27 ans – que mon sexe qui a créé quelques réticences… qui ont vite disparu, car certains projets, comme la féminisation des pratiquants ont bien marché. Un projet qui me tenait à cœur personnellement car je voulais, en tant que femme, casser le cliché du karaté synonyme de violence. Depuis que j’ai été élue, j’ai acquis la conviction qu’il y avait une vraie différence dans la manière de régler les problèmes entre homme et femme. J’ai l’impression que nous, les femmes, sommes dans une démarche plus douce, plus apaisée. Je m’en rends compte aussi dans la manière dont s’expriment les hommes avec moi. Ils font plus attention aux mots qu’ils emploient et, finalement, c’est du mieux vivre ensemble.»
Propos recueillis par Thomas Rouquette / Sen No Sen
la rédaction