Hiroyuki Fuse : une vie de partage
Fuse Hiroyuki sensei vient en France depuis 2013 à l’initiative de Stéphane Fauchard et du groupe Karaté martial de Guy Sauvin. Il est revenu en avril dernier pour une quinzaine de jours à Romorantin et à Toulouse… Son dojo, est situé à Nerima, un des 23 arrondissements de Tokyo, dans une petite rue, au fond d’une impasse. Voici l’Interview d’un esprit de samouraï, qui vient pour la quatrième fois en France !
Au début, le Shotokan
Sensei, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer comment vous en êtes arrivé à la pratique des arts martiaux ?
Je suis né en décembre 1939. Je suis 8e dan de karaté, 7e dan de jôdô (bâton court de 120 cm, NDLR) et 6e dan de iaidô (sabre, NDLR). J’ai vécu jusqu’à l’âge de 14 ans à la campagne, chez un oncle, avant de venir m’installer à Tokyo. À mon arrivée dans la capitale japonaise, j’ai subi des brimades de la part de jeunes citadins… Étant d’une nature plutôt bagarreuse, je ne me suis pas laissé faire ! J’avais envie d’être plus efficace. C’est ainsi qu’en 1958, j’ai rejoint un groupe de pratiquants de karaté Shotokan, qui s’entraînaient dans un parc près de chez moi chaque dimanche matin. Ensuite, lorsque j’ai intégré l’administration fiscale, je me suis inscrit au dojo Shotokan qui se trouvait sur mon lieu de travail.
Vous avez donc commencé par le karaté Shotokan, avant de découvrir le style ShorinJi Ryû ?
Oui, j’ai pratiqué le style Shotokan durant neuf ans. Au cours de ces années, j’ai notamment participé à quelques compétitions. Ensuite, après mon mariage, j’ai été muté et j’ai cherché un dojo proche de mon nouveau lieu de travail. C’est ainsi que j’ai découvert le karaté ShorinJi, le ShorinJi de Kagoshima. Le dojo était dirigé par Kawamoto sensei, qui a plus tard fondé la Nihon Kindosha Karatedô. Pendant quelques années j’ai pratiqué les deux styles, le ShorinJi au dojo, et le Shotokan seul, chez moi. Lorsque j’ai intégré le Shingankan, dirigé par Nagano sensei, j’ai cessé ma pratique du style shotokan.
Qu’y avez-vous trouvé ?
En parallèle, j’avais décidé de faire des recherches sur les origines du karaté. C’est à cette époque que j’ai commencé à me rendre tous les ans à Okinawa, le berceau du karaté. J’y suivais l’enseignement de Nakazato Joen sensei, de l’école Shorinji. Il était le plus proche élève de Chotoku Kyan sensei, et sa connaissance du karaté était profonde. Nakazato sensei m’a transmis les sept katas de l’école Shorinji ainsi que Tokumine no kun, un kata de bâton. Il m’a expliqué que les formes, c’est-à-dire les katas, étaient parfaites, qu’il n’y avait rien à changer. J’ai compris que ces katas allaient me servir de support de réflexion. Tant que j’avais un doute quant à une séquence, je devais encore chercher, expérimenter. Je cherche encore ! À Okinawa, j’ai aussi découvert les Kobudô, plus particulièrement l’école de Taira Shinken.
De ton âme à mon âme…
À l’époque de votre rencontre avec Nakazato sensei, vous aviez commencé à enseigner ?
Oui, j’enseignais alors dans des dojos municipaux. Ensuite, en 1977, j’ai ouvert mon dojo, au rez-de-chaussée de ma propre maison.
Pourquoi avez-vous créé votre école ?
J’ai quitté le Shingankan sur des désaccords techniques. J’ai donc fondé l’école des hommes sincères (Shiseijuku) en 1999. Je suis libre et ne suis soumis à aucune tradition. J’y poursuis mes recherches sur l’origine du Karate-do et plus particulièrement sur le tî, la plus ancienne forme connue de l’art du combat d’Okinawa.
Qui sont vos élèves ?
À l’origine, les budô ne s’enseignaient qu’aux proches, qu’aux membres d’un même clan. L’enseignement de masse n’existait pas, le maître choisissait ses élèves. Il n’enseignait pas à certaines personnes s’il estimait qu’elles avaient l’esprit perverti. Je fais un peu pareil. À bientôt 78 ans, je ne prends plus de nouveaux élèves. Je n’enseigne plus qu’aux kodansha (5e dan et plus, NDLR). Je cherche à leur transmettre des principes, ils travaillent de leur côté et ils reviennent me voir… Je fais cours à des petits groupes. De toute façon, le dojo est petit ! (rires). J’enseigne I shin den shin, de mon âme à ton âme, de mon corps à ton corps. C’est plus rapide, plus efficace. Mais il faut que l’élève ait le niveau suffisant pour comprendre, pour percevoir la sensation.
Karaté, sabre, bâton…
Outre le karaté et le kobudô, vous pratiquez aussi le jodô et le iaidô. Pourquoi avoir fait le choix de pratiquer ces deux budô japonais ?
J’ai débuté le iaidô en 1975. L’année suivante, je me suis mis au jodô, au Budokan, puis j’ai intégré l’école Shintô Musu Ryû (Fuse sensei connaît les 72 katas de l’école et a participé avec succès à plusieurs compétitions nationales, NDLR). En étudiant Naifanchi (Tekki shodan), la forme pratiquée par Motobu Choki sensei, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il fallait mettre sa conscience dans les muscles situés dans la région lombaire. J’ai pratiqué le sabre et le bâton court dans cette optique, pour améliorer ma perception des muscles lombaires.
Et après plus de 55 ans de pratique, que faites-vous ?
Je continue à m’entraîner quotidiennement, je poursuis mes recherches et je partage mes découvertes avec quelques élèves qui me font l’honneur de venir me voir. Je leur évite certains égarements, certaines impasses.
Guy Sauvin : « Fuse sensei est un altruiste du karaté, et reste un pratiquant sincère qui poursuit son parcours avec une recherche personnelle intéressante. Il est resté curieux de tout. En 2013, il regardait mon cours. Aussitôt, il essayait de faire les exercices proposés devant les élèves. Quand il est intéressé, Fuse sensei demande des précisions et vous dit qu’il va travailler ce point. Il a gardé la curiosité du débutant. Il a l’état d’esprit qui prévaut dans le groupe Karaté martial – Énergie interne. Je l’ai invité chez moi cette année pour poursuivre nos échanges techniques. Il a été très intéressé et je pense surpris par le travail interne. »
Propos recueillis par Stéphane Fauchard / Karaté Romorantin