Objectif ceinture noire, épisode 7
Suite de notre tour de France des territoires à la rencontre des nouveaux ceintures noiresSophy Hazimeh
(Aveyron)
Christophe Tagliaro
(Ardennes)
Alicia Robinault
(Ille-et-Vilaine)
Sabri Medjid Ayaz
(Tarn-et-Garonne)
Ils (et elles) ont obtenu leur 1er dan il y a quelques mois. Une étape importante dans leur vie de karatékas, et souvent dans leur vie tout court. Rencontres avec les nouvelles ceintures noires du karaté français à travers toute la France. Une série de témoignages avec, en creux, leurs motivations, leurs doutes, leurs espoirs, la relation à leur professeur, leur club et leur partenaire. Le karaté et eux, épisode deux de cette nouvelle rubrique du MAG’ que vous êtes de plus en plus nombreux à consulter.
Sophy Hazimeh
« J’ai vaincu mon stress et ma timidité »
« Lorsque j’ai obtenu mon premier dan, tout le monde m’a dit que ma pratique du karaté commençait réellement maintenant. À vrai dire, mon entraîneur m’avait pousséz à tenter d’avoir mon premier dan à 14 ans mais j’avais trop de pression. Le karaté m’a aidée dans plusieurs domaines. J’ai mieux contrôlé mon stress, j’ai réussi à vaincre ma timidité et, ainsi, à aller vers les autres. Sincèrement, je ne me vois pas arrêter le karaté, à moins qu’une personne ne m’en dégoûte. Le karaté est un sport avec des valeurs et un code moral. L’histoire de cet art martial est quelque chose de super important pour moi et il doit continuer d’être transmis d’année en année. Si je devais revivre un moment fort dans le karaté, ce serait sûrement ma dernière démonstration de fin d’année dans mon ancien club, le KC Flavin. C’était un moment riche en émotions mais aussi un super show que l’on avait préparé à sept. Toutes les personnes, présentes ce jour-là, se sont levées pour nous. Je m’en souviens d’ailleurs toujours comme si c’était hier. »
FKC Onet-le-Château (Aveyron)
17 ans, 10 ans de pratique, lycéenne
L’avis de son ancien professeur au KC Flavin – Jacques Ennequin, 2e dan
« Une jeune fille dynamique »
« Sophy ? Le genre d’élève que tout prof aimerait avoir ! Une superbe fille, souriante et dynamique, pointilleuse, sérieuse et qui se donne des objectifs. Depuis son arrivée au club vers 6-7 ans, je pense ne l’avoir jamais vu faire la tête ! Avant de partir pour Rodez dans le cadre de ses études, elle m’assistait pour le cours du vendredi soir. Son examen de ceinture noire ? Cela s’est passé sans problème. À ce propos, il faut noter que chaque année nous recevons Jessica Buil. Cette dernière s’occupe des élèves qui vont passer un examen dans l’année et a donc pu prodiguer quelques précieux conseils à Sophy. C’est d’ailleurs une joie pour notre club de recevoir régulièrement une telle championne. Vous savez, nous sommes un « petit » club, avec 63 licenciés cette saison. Nous sommes tous bénévoles pour dispenser des cours de karaté traditionnel et de body karaté. Notre credo ? Cela n’a rien d’original mais il s’agit pour nous de donner des valeurs : le respect, le contrôle de soi, l’entraide… Tout cela en même temps qu’une fortification physique de nos élèves. L’idée ? Apprendre à combattre dans un cadre symbolique riche de valeurs qui pousse, justement, à éviter au maximum la confrontation physique. »
Christophe Tagliaro
« Fier d’en être là grâce à Carlo »
« J’ai découvert le karaté à six ans. Des copains en faisaient. Nous nous sommes retrouvés là-bas et j’ai tout de suite aimé. Pourquoi ? La rigueur, les traditions, la discipline. Très vite, j’ai compris que ce n’était pas le foot (rires) ! Cet amour du karaté, j’ai l’impression de l’avoir toujours eu en fait. Il ne m’a jamais lâché. En 1987, je suis devenu ceinture marron. Après en avoir fait de manière épisodique lorsque j’étais au lycée puis lors de mes études, j’ai repris régulièrement il y a quinze ans. Malheureusement, je n’ai pas pu envisager de passer ma ceinture noire car, pendant longtemps, j’ai travaillé la nuit, les week-ends et les jours fériés. Impossible donc de m’inscrire pour les examens. L’année dernière, j’ai changé de poste avec des horaires de jour. Une porte s’est donc ouverte et je me suis immédiatement engouffré dedans ! Ainsi, à partir de septembre, avec mon ami Kévin Vantrimpont, nous nous sommes donnés à fond, du lundi au dimanche au club, mais aussi avec des entraînements réguliers avec Serge Serfati, des stages d’experts organisés par le comité départemental -il faut d’ailleurs remercier le président, Hocine Dehas pour tout cela-. Lorsque l’examen est arrivé, nous y sommes allés plutôt sereins car nous savions tout ce que nous avions fait pour être prêt. Tout s’est très bien passé et quand on nous a annoncé que nous étions reçus, j’ai immédiatement pensé à mes enfants et ma femme. Pendant plusieurs semaines, nous rentrions trois à quatre jours par semaine vers 22h à la maison, et je sais que ces sacrifices n’étaient pas toujours facile à vivre pour eux. Malheureusement, quelques jours après l’obtention de notre ceinture noire, notre professeur Carlo Pagnini décédait (il s’arrête quelques instants, ému). Notre grand regret est qu’il n’ait pas pu nous voir avec la ceinture noire. Il m’a toujours poussé. Je suis fier d’en être là grâce à lui. Avec un peu de distance, je suis conscient que le karaté m’a apporté beaucoup de bien-être et de recul. Quand je ne pratique pas pendant quelques jours, je ne me sens pas très bien (rires). Cette passion m’a aussi poussé à m’investir dans le club puisque je suis président de la section du Fumay depuis deux ans, après avoir été vice-président de la section de Chooz (deux des quatre sections qui forment le KC de la Pointe, NDLR). Par ailleurs, j’ai obtenu mon diplôme d’animateur fédéral (DAF), presque en même temps que ma ceinture noire. Ma volonté ? Faire grandir ce club et dès que je le pourrai, commencer à préparer mon deuxième dan. »
42 ans, 25 ans de pratique, Responsable des achats, Karaté Club de la Pointe
L’avis du partenaire – Kévin Vantrimpont, 1er dan
« Comme un frère »
« Christophe, c’est avant tout un passionné. Cela fait plus de trente ans qu’il est au club ! On sent chez lui une envie de transmettre et qu’il est dévoué à la cause. Je suis Belge et j’ai déménagé dans la région il y a trois ans. Dès que je suis arrivé au club, j’ai été très bien accueilli et, tout de suite, ça a accroché avec Christophe. On a décidé de passer notre examen ensemble. Je le considère un peu comme un frère car il est très prévenant et je sais pouvoir compter sur lui. Par exemple, je suis papa depuis peu et il m’aide beaucoup dans ce rôle, nouveau pour moi. Bon, après, il a parfois tendance à se répéter souvent et est un peu maniaque (rires). Mais je pense que c’est l’envie de bien faire. Son dévouement et l’ambiance au sein du club m’ont entraîné, presque naturellement, à m’investir aussi dans la structure. Cela allait presque de soi. Car il n’y a rien de mieux que de voir les enfants sortir avec la banane après un bon entraînement. Notre idéal est d’en faire venir toujours plus sur le tatami, pour qu’ils pratiquent une discipline à la fois sportive et éducative. Parce que c’est mieux d’être sur un tatami que devant la télé, non ? »
Alicia Robinault
« Le karaté m’aide à contrôler mes émotions »
« Mon grand-cousin faisait du karaté et j’ai été le voir lors d’une démonstration. Et tout de suite j’ai voulu essayer ! Ça m’a plu tout de suite car je voyais la pratique du karaté comme un moyen de me défouler et comme une aide dans la maîtrise de mes émotions et de mon stress. J’ai fait rapidement de la compétition (entre 10 et 13 ans), avec les championnats de kata par équipes. Mais honnêtement, ça n’a jamais été vraiment mon truc. En effet, je ne pratique pas le karaté dans un but de confrontation, car c’est un côté de la discipline qui ne m’intéresse pas vraiment. Après un an de ceinture marron, j’ai décidé, en janvier dernier, de commencer à me préparer pour la ceinture noire. J’ai suivi trois cours hebdomadaires, dont un réservé à ceux qui se présentaient à un examen de grade. En mars-avril, j’ai réfléchi au programme kata et kihon pour consacrer tout le mois de mai aux révisions.
Le jour de l’examen, j’étais très stressée et le nombre important d’inscrits n’a pas aidé car ils nous ont mis dans une salle où il y avait du parquet et pas un tatami. Lors des premiers exercices, la mise en route a été plutôt difficile mais par la suite, j’étais plus libérée. Lorsque j’ai appris que j’étais reçue j’ai pensé immédiatement à mon cousin en le rejoignant dans le cercle des ceintures noires (il est 2e dan). Pour ne pas me mettre une pression supplémentaire, alors que je suis déjà quelqu’un de très stressée de nature, je n’avais dit qu’à quelques personnes du club que je passais mon premier dan. Depuis septembre, je suis à Rennes pour mes études. Je pratique donc dans un nouveau club et … dans un nouveau style. En effet, dans mon club de Saint-Jouan-des-Guérets, à côté de Saint-Malo, on est shito-ryu. À Rennes, j’ai découvert le shotokan. C’est une manière différente de travailler, mais je trouve ça vraiment intéressant car cela élargit ma palette technique en me faisant prendre conscience de solutions auxquelles je ne pensais pas avant. Cela enrichit mon karaté. »
18 ans, 10 ans de pratique, étudiante en 1re année de droit, Karaté Do Rance Emeraude
L’avid du prof – Gérard Gautier, 6e dan
« Petite à l’extérieur mais grande à l’intérieur »
« Alicia est une jeune femme remarquable de courage et de régularité dans sa pratique. D’autant plus qu’elle a connu un problème de croissance, étant restée de petite taille. Un handicap ? Absolument pas. Un inconvénient, tout au plus. Très attentive et exigeante avec elle-même, elle n’a jamais voulu être traitée différemment des autres. Elle a connu une progression linéaire. Et si la pratique du kumite la met clairement dans une situation inconfortable, le karaté lui a apporté une assurance et l’a convaincu qu’on n’avait pas besoin d’avoir un physique extraordinaire pour réussir à s’exprimer de manière efficace et esthétique sur un tatami. J’aime dire d’elle qu’elle est petite à l’extérieur mais grande à l’intérieur. Après la réussite de son examen, priorité a été donnée à ses études avec son départ sur Rennes. Son futur ? Je la vois très bien continuer à encadrer des jeunes puisqu’elle m’assistait, ainsi que l’autre professeur du club, lors des cours enfants grâce à son attestation fédérale d’assistant (AFA). Elle est très investie au sein de l’association, créée il y a bientôt vingt ans. Nous sommes une soixante de licenciés, adeptes du style shito-ryu shukokai, pour qui nous cherchons à ce que la pratique permettre d’être aussi bien dans son corps et dans sa tête. Il faut que la maîtrise du karaté les aide à pouvoir gérer des situations de stress ou potentiellement violentes. Il y a une phrase que je répète souvent à mes élèves : le premier combat que l’on gagne, c’est celui qui n’a pas lieu. »
Sabri Medjid Ayaz
« Dragon Ball Z m’a amené aux karaté »
« Ce sont les films qui m’ont amené au karaté. Quand j’étais petit, j’adorais regarder Bruce Lee, Jackie Chan et le manga Dragon Ball Z. J’avais donc très envie d’essayer un art martial ! Et dès que je suis rentré chez moi, j’ai su que je ne voulais pas arrêter. Car quand j’ai vu le professeur démontrer, avec sa ceinture noire autour de la taille, je me suis dit : « je veux être comme lui ! ». Il y a un an, j’ai passé mon premier examen pour la ceinture noire. J’étais persuadé d’avoir bien fait mais quand on m’a annoncé que j’avais raté, j’étais désespéré ! J’ai loupé un ou deux cours après tellement j’étais dégoûté. Puis j’ai discuté avec ma mère et mon professeur, avant de m’y remettre. Je me suis entraîné tout l’été chez moi puis, à la rentrée, j’ai suivi un cours spécial d’une heure tous les mercredis jusqu’au mois de janvier. Avec les cours normaux, je m’entraînais quatre fois par semaine. Lors de mon second examen, je stressais beaucoup. Lors des kihon, j’étais presque sûr d’avoir fait quelques fautes. À la fin de la journée, j’étais découragé et j’étais sûr de ne pas l’avoir. Et puis finalement je l’ai eu ! J’étais évidemment très content. Maintenant, j’ai plusieurs objectifs : faire un podium aux championnats de France cadets (Sabri est en première année), découvrir de nouveaux styles de karaté, en particulier le « contact », pour continuer à enrichir ma technique et obtenir encore un meilleur contrôle de moi. Avant, j’étais colérique, je m’énervais facilement. Maintenant, j’arrive à me calmer très vite. Le karaté m’aide vraiment à me défouler, ce qui fait que j’adore être sur le tatami ! »
14 ans, 10 ans de pratique, élève de troisième, Arts Martiaux Montalbanais
L’avis du prof – André Nouailles, 5e dan
« Il a amené sa famille au karaté »
« Sabri est arrivé au club vers 5-6 ans. Depuis il a « amené » sa famille au karaté et maintenant, j’ai les quatre : la mère et les trois enfants (rires) ! C’est un garçon très discipliné, assidu, travailleur discret, presque effacé. Peut-être est-ce là quelque chose qu’il aurait à travailler, à savoir s’affirmer parfois, un peu plus. Sabri est un compétiteur. Ce qui lui a joué des tours lors de son premier examen pour la ceinture noire puisque sur les épreuves, il n’a pas arrêté de sautiller. Une erreur qui n’a pas plu au jury. Lui était persuadé d’avoir bien fait. Je le savais de bonne foi mais j’ai dû le convaincre, pour le prochain passage, qu’il fallait qu’il ne le fasse plus. Il est un peu têtu mais il a compris (sourire). Du coup, le second passage s’est très bien passé. Il souhaite désormais performer en compétition. Il est à un âge où c’est sa priorité, l’implication dans l’enseignement me paraissant encore un peu prématuré pour lui. Sabri a eu des résultats aux compétitions départementales et régionales. J’espère maintenant qu’il goûtera au niveau national. Il est en tout cas l’un des exemples de notre club, qui existe depuis 1967 grâce à Gérard Bosredon et qui compte cette saison 254 licenciés pour huit enseignants, collant à notre philosophie qui consiste à donner le goût de l’effort et de la progression, avec une prédilection pour le karaté traditionnel. Si seulement Montauban était une ville universitaire, nous réussirions à conserver tous les jeunes bacheliers que nous avons au club et qui nous quittent souvent après le lycée. C’est dommage mais nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur en misant un maximum sur le karaté pour les enfants. »
Thomas Rouquette / Sen No Sen