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Apprendre et transmettre, paroles d’experts
Kenji Nakata, Yukinobu Shimabukuro et Naoki Omi se confient avant le stage des experts japonais (31 mars-1er avril)Onze experts japonais réunis en un même lieu, et tout un week-end pour apprendre auprès d’eux. C’est le riche programme du stage qui se déroulera au Centre National d’Entraînement (CNE) de Castelnau-le-Lez, samedi 31 mars et dimanche 1er avril. Un rendez-vous désormais traditionnel, mais une expérience à chaque fois renouvelée… pour les stagiaires dont vous serez peut-être, et pour les experts eux-mêmes. Nous avons discuté apprentissage et transmission avec trois de ces enseignants réputés.
Élargir son horizon
Le stage au CNE rassemble des experts qui font autorité dans des styles très différents et parfois complètement inconnus des participants. « Je pratique le Qi-qong, un travail profond sur la maîtrise de l’énergie et de la respiration, explique Kenji Nakata, 8e dan. C’est souvent complètement nouveau pour les stagiaires. Si vous êtes venus au karaté pour les coups de pied et les techniques spectaculaires, ça ne va pas forcément vous plaire. » (rires) Face à un auditoire concentré et motivé, les sensei déroulent leur karaté et leur philosophie. De quoi ouvrir son esprit et sa pratique à des rivages encore inexplorés. « Même si le style est différent de celui que vous pratiquez habituellement, vous allez reconnaître la même idée, la même discipline à la base », pose Yukinobu Shimabukuro, représentant emblématique du uechi-ryu. « Je ne cherche pas à imposer mes techniques, conclut Naoki Omi, 8e dan, spécialiste shito-ryu et shukokaï. Je montre ce que je fais, et c’est au stagiaire de juger ce qui est bon pour lui, ce qu’il peut piocher dans mon style. L’invitation est là ».
Expliquer, appliquer, échanger
Peu importe quel expert est en démonstration, tous mettent en avant l’importance d’échanger avec les stagiaires. « Comme mon style est nouveau pour presque tout le monde, il y a une part de dialogue pour expliquer ce que je fais, rappelle sensei Nakata. Et si, pendant le stage, je vois quelqu’un qui s’intéresse vraiment à ce que je fais, on peut prendre le temps pour discuter un quart d’heure après la démonstration. » Disponibilité et pédagogies sont les maîtres mots. « En fait, le professeur doit devenir le repère des stagiaires », renchérit Yukinobu Shimabukuro, 8e dan. Aux mots s’ajoutent surtout les passages de chacun au centre du tatami, au milieu de dizaines de paires d’yeux attentifs. « On a peu de temps, on doit aussi faire passer notre message avec notre technique et notre capacité physique, de manière à convaincre les pratiquants », poursuit celui qui est professeur à Carrières-sur-Seine depuis 1986. « Ce que je fais, on pourrait en parler pendant des heures, rien ne remplacera votre ressenti, reprend Kenjii Nakata dans un sourire. C’est ça, le plus important. Après avoir discuté, on va essayer et vous allez me dire ce que vous ressentez. »
Un week-end de transmission
Pendant deux jours, avec ces onze experts présents, ce sont des centaines d’années d’expérience cumulées sur les tapis du CNE qui s’annoncent. Et la volonté partagée, essentielle, d’en faire profiter les élèves. « J’ai la chance d’avoir parcouru un petit chemin tout au long de ma vie, déroule Nakata, le spécialiste du Qi-qong, avec modestie. Ce chemin, très peu de personnes l’ont suivi jusqu’où je suis arrivé aujourd’hui. Je peux donc guider ceux que ça intéresse sur cette route. J’aime beaucoup partager ce petit chemin parcouru. Surtout pendant les stages où l’ambiance est très sympa ». Un costume de témoin, de relais, qu’endosse aussi Shimabukuro sensei : « Le karaté uechi-ryu que je pratique est un style très particulier. J’ai pensé que c’était mon rôle de le diffuser en France. Je forme mes élèves avec l’idée qu’ils deviennent les successeurs de ce style et perpétuent la tradition. » Alors, le natif d’Okinawa est ravi de l’occasion, avec le stage, de pouvoir toucher d’autres pratiquants. « Chaque rendez-vous est différent du précédent ». Avant de conclure par un « je souhaite à travers mon enseignement que tous les pratiquants comprennent que le karaté n’est pas seulement un art martial, mais qu’il est une voie de l’éducation de l’homme jusqu’à la fin de sa vie. En tant qu’expert, nous avons cette responsabilité. »
En quête de perfection
De perfectionnement à perfection il n’y a qu’une poignée de lettres, mais un chemin presque sans fin. Ce stage permet « de faire un pas de plus sur sa propre voie, de s’enrichir et d’améliorer sa pratique », répondent les experts sans s’être concertés. « Le pratiquant exigeant cherche toujours à faire mieux et plus, mais il n’y arrive pas car la perfection est impossible, énonce Naoki Omi. Si l’on arrive à faire exactement ce que l’on veut à chaque fois, alors il n’y a plus d’intérêt à poursuivre le karaté. Je pense que les stagiaires viennent ici à la recherche de ce quelque chose en plus, auprès des experts japonais », poursuit le professeur de plusieurs clubs au sud de Paris. Et pour tirer le meilleur d’un tel stage et progresser, Kenji Nakata a un conseil précis : « Le plus important n’est pas de retenir toutes les techniques, d’autant plus qu’il y a beaucoup de choses. En revanche, on peut apprendre beaucoup de l’attitude des maîtres japonais, sur leur manière de pratiquer, en les regardant avec attention. » Et on ne se rend pas toujours compte de ce que l’on retient sur le moment. « Lorsque j’étais ceinture blanche, je pensais comprendre ce que me disaient et me montraient les experts, reprend sensei Omi. Puis, au fil des ans, ma compréhension a changé et elle évolue encore. » Pour les stagiaires qui vont une nouvelle fois venir s’imprégner de l’art de ces experts au CNE, le message résonnera peut-être encore dans quelques années.
Les experts présents :
Naoki Omi, Okubo Hiroshi, Hiroo Mochizuki, Seisuke Adaniya, Tsutomu Kamohara, Zenei Oshiro, Yuichi Sato, Hiroshi Aosaka, Kenji Nakata, Eiji Kawanishi, Yukinobu Shimabukuro.
Gaëtan Delafolie / Sen No Sen