Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Ils n’en sont pas toujours les pièces les plus visibles mais ils sont les pièces essentielles du puzzle qui constitue le karaté français. Eux ? Ce sont les clubs, à la rencontre desquels nous vous proposons de prendre le temps d’aller. Ce mois-ci, direction la région Centre-Val de Loire et une salle aux 90 âmes et aux cinq décennies d’histoire : le Karaté Club Châteauroux.
« Un sport zen dans un corps sain ». Quasi invisible à l’œil nu, le double jeu de mots figure en larges lettres blanches et fond vert sur la page d’accueil du site Internet du Karaté Club Châteauroux. Sept mots pour résumer la philosophie de cette institution dont les bases furent posées dès 1963 dans les locaux du club local de judo. Yvan Simon, le premier professeur, travaillait alors sur la base que l’armée américaine occupait depuis 1951 en terre berrichonne, dans le cadre d’un accord international prévu lors de la création de l’Otan. En 1967, le départ des troupes US entraîna celui du professeur Simon et son remplacement par l’un de ses élèves, Alain Auclert, futur entraîneur de équipes de France kata et aujourd’hui 8e dan.
Depuis 2014, le KCC travaille avec le Docteur Xavier Roy pour proposer des cours aux femmes souffrant d’un cancer du sein.
Génération. En 1974, le président Pierre Vignand et ses adhérents emménagent au 112 rue de Belle-Rive avant, sept ans plus tard, d’investir la salle voisine, dont les 360 m2 de tapis sont aujourd’hui encore le QG du KCC. « C’étaient les années Bruce Lee, rappelle Alain Auclert avec la voix calme de celui qui a depuis longtemps fait le deuil d’un éventuel retour à cette période dorée. Nous montions alors jusqu’à 250 licenciés et voyions à chaque rentrée de septembre débarquer tout un tas de nouveaux débutants, alors que ces dernières années si nous en voyons arriver cinq ou six c’est déjà bien. C’était une autre époque ! » Alors en situation de quasi-monopole sur l’agglomération castelroussine, le club qui forma nombre d’enseignants et vit notamment transpirer dans ses murs Dominique Charré, futur DTN, vit peu à peu arriver la concurrence sur le département de l’Indre, mais aussi cette bascule vers une génération plus individualiste et moins demandeuse en persévérance tant elle croule sous les offres. « Et puis, nous restons avant tout une ville moyenne de 45 000 habitants, avec tout ce que cela implique en matière de perspectives pour les étudiants, renchérit l’actuel président Rolland Broc. Après le bac, nos jeunes se tournent vers Orléans, Tours ou Limoges, c’est-à-dire là où réside le vivier universitaire de la région. »
Fidèles. Ouverte du lundi au samedi inclus, la salle qui porte désormais le nom de son emblématique professeur – Alain Auclert eut notamment sous sa responsabilité d’entraîneur national des Michaël Milon ou des Minh Dack – n’en continue pas moins de s’appuyer sur une équipe pédagogique large et de proposer des créneaux pour toutes les classes d’âge, avec une mention spéciale pour son groupe d’anciens – « un noyau dur de fidèles, des potes avant tout » poursuit Rolland Broc. Depuis 2014, le KCC travaille avec le Docteur Xavier Roy, médecin rééducateur au Centre de soins de suite et de réadaptation du Centre hospitalier de Châteauroux. L’objectif ? Proposer des cours aux femmes souffrant d’un cancer du sein. « Au début, cela n’a pas été facile » , déclarait en décembre dernier l’une des pratiquantes à notre confrère Pierre-Olivier Lombarteix du quotidien La Nouvelle République, avant de détailler : « C’est compliqué sur le plan physique mais aussi psychologique. J’étais, et suis encore, sous traitement, mais le karaté m’aide à affronter la maladie. Les cours calment les douleurs, mais occupent aussi l’esprit. Pendant l’activité, on ne pense plus à la maladie. On en ressort détendu et puis l’autre aspect positif est que nous sommes traitées comme les autres pratiquants. C’est aussi cela que l’on recherche ». Une démarche qui en est encore à ses balbutiements mais qui reste cohérente avec l’esprit des lieux, où les cours de shotokan côtoient ceux de kobudo, et où la traditionnelle sortie à moto de fin de saison cimente les 90 licenciés actuels autant qu’un bon entraînement.
Rolland Broc, en compagnie d’Hiroo Mochizuki.
Alain Auclert, professeur emblématique du club.
Fierté. Le karaté aux JO ? « Nous attendions cela depuis vingt ans, en salive d’avance Alain Auclert. Souvent nous étions en stage pendant les Jeux mais nous arrangions pour avoir du temps libre pour pouvoir suivre les épreuves. Combien de karatékas ai-je connu qui ne comprenaient pas ce paradoxe : représenter la France pendant quatre ans et se retrouver l’été comme condamnés à rester spectateurs de la plus grande fête du sport qui soit… C’est désormais chose réparée, avec en plus tout le prestige que possède le Japon pour nous, karatékas. » Vu du KCC, ces JO de la fierté retrouvée donnent à beaucoup des envies de pèlerinage, et pas que pour le seul temps de la compétition. « Le Japon, c’est La Mecque, conclut Rolland Broc. Nous en discutons déjà au sein du club. La seule certitude que nous avons pour l’instant, c’est qu’il faudra mettre des sous de côté ! »
Un club, une région
Le KC Châteauroux est une pièce parmi d’autres du vaste puzzle que constitue le comité départemental de l’Indre, d’une part, et la ligue régionale Centre-Val de Loire d’autre part, où l’Indre cherche à se faire une place au soleil entre le marteau du Loiret et de l’Indre-et-Loire – 55 % des clubs et 62 % des licenciés de la Ligue sont situés dans les seules agglomérations orléanaise et tourangelle – et l’enclume des comités du Cher et du Loir-et-Cher, avec l’Eure-et-Loir en juge de paix. De 15 clubs et 766 licenciés en 2012, le comité de l’Indre est passé à 808 licenciés pour le même nombre de clubs au 31 mai 2017. C’est un peu moins qu’en 2016 (811 licenciés) mais beaucoup mieux qu’en 2013 (716). Ramenée à l’échelle des six comités départementaux qui composent la ligue Centre-Val de Loire, cette statistique classe l’Indre en cinquième position ex-aequo avec le comité du Loir-et-Cher en nombre de clubs et en cinquième position en termes de licenciés, la Ligue en étant respectivement à 174 clubs pour 8984 licenciés, dont 45 % de seniors et 38 % de féminines.
(Remerciements : Chantal Marmion, présidente de la ligue Centre-Val de Loire)
Anthony Diao / Sen No Sen
la rédaction