Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Suite de notre tour de France des territoires à la rencontre des nouveaux ceintures noires.
Retrouvez le premier épisode, dans l’Essonne, la Meuse, le Bas-Rhin et la Nouvelle Calédonie ici
Ils (et elles) ont obtenu leur 1er dan il y a quelques semaines. Une étape importante dans leur vie de karatékas, et souvent dans leur vie tout court. Rencontres avec les nouvelles ceintures noires du karaté français à travers toute la France. Une série de témoignages avec, en creux, leurs motivations, leurs doutes, leurs espoirs, la relation à leur professeur, leur club et leur partenaire. Le karaté et eux, épisode deux de cette pour nouvelle rubrique du MAG’ que vous êtes de plus en plus nombreux à consulter.
Georges Aoudia
« Jamais voulu passer en handisport »
« Ce grade, c’est le symbole d’un combat contre moi-même. Il y a une dizaine d’années, j’ai eu un grave accident de moto. Un automobiliste a grillé un stop et m’a renversé. La moto m’est retombée dessus. Depuis, je suis en partie handicapé de l’épaule. Je suis venu au karaté il y a quatre ans et demi, via mon kiné. Sur les tatamis, j’ai petit à petit remplacé la douleur négative par une douleur positive. Les premiers entraînements, je me suis senti un petit peu démuni par rapport à ceux dont le corps fonctionne bien, mais je n’ai jamais voulu passer en handisport. Mon épaule, je considère que c’est comme si j’avais eu une blessure dans un vrai combat. Quand on est touché, il faut toujours maintenir sa garde, faire face et avancer. Mon handicap, j’essaie de passer au-delà et de ne pas en parler. J’ai tenté le 1er dan une première fois en juin 2016 mais j’ai été recalé. Je n’ai pas donné tout ce que je pouvais par rapport à quelqu’un de complètement valide. C’était une grosse déception, mais c’est aussi là que je me suis aperçu à quel point j’étais motivé, parce que je me suis tout de suite remis au travail. Et quand je l’ai obtenu six mois plus tard, c’était une telle délivrance, une telle fierté par rapport à mon histoire. De savoir d’où je suis parti et de voir où je suis arrivé aujourd’hui… c’est énorme ! »
ASK Narbonne (Aude)
42 ans, 4 ans de pratique
, préparation d’un BPJEPS animateur social
Sarah Brahmi
« Les garçons n’osent pas m’embêter »
« J’ai commencé à 7 ans. Je n’avais aucune activité sportive et je devais en choisir une. Mon père pratiquait quand il était jeune. Du coup, il m’a guidée vers le karaté. Et comme j’étais très très timide, c’était idéal pour apprendre à me défendre et à prendre confiance en moi. Ça m’a vraiment débloqué et permis d’acquérir de l’assurance. La ceinture noire, je n’imaginais pas forcément l’avoir un jour, ça me semblait être quelque chose d’exceptionnel. Et puis, plus j’avançais et plus je me disais : « si ça se trouve, moi aussi un jour je l’aurai ». Quand le l’ai préparée, mon père m’a beaucoup aidée. À la maison, on a travaillé les techniques tous les deux, et le jour J il m’a rassurée parce que j’étais très stressée. Comme il est déjà passé par là, il a su trouver les mots pour me détendre. Ce 1er dan, il n’y a pas de meilleur cadeau en récompense des efforts. Et puis, au collège, les garçons savaient déjà que je faisais du karaté et que j’étais ceinture marron. Ce n’est pas qu’ils avaient peur, mais ils savaient qu’il y avait des limites. Depuis que je suis ceinture noire, ils font encore plus attention, ils n’osent pas m’embêter (rires). Je trouve ça bien que les filles puissent se battre, se défendre. On a souvent tendance à se dire que les garçons sont plus forts, mais là ça prouve que les filles peuvent rivaliser avec eux. »
KC Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne)
15 ans, 8 ans de pratique
, lycéenne en seconde
Cyril Venturelli
« Valider des années de pratique »
« La karaté, ça a toujours été une passion. J’en ai fait trois ans à l’adolescence, mais j’ai arrêté pour me lancer dans la boxe anglaise. Après 10 ans de combats, j’ai commencé à avoir des problèmes aux yeux : j’ai failli faire des décollements de rétine et je me suis aussi cassé l’os maxillaire. Je me suis dit qu’il fallait que je prenne soin de moi, alors j’ai repris le karaté. En boxe, à partir d’un certain âge, on commence forcément à décliner, alors que le karaté on progresse tout le temps ! Même si, physiquement, on régresse, on se met à travailler autrement pour être efficace différemment, voir plus efficace. Par exemple, on va davantage chercher à améliorer sa position. Si j’ai repris, c’est aussi pour passer les grades. En boxe, je n’avais rien qui validait mes années de pratique, c’était frustrant. Là, passer ma ceinture noire, c’est comme si je validais toutes ces années-là. En boxe, mes objectifs, c’étaient les combats. Maintenant, mes objectifs ce sont les grades. J’hésite même à refaire de la compétition, parce que je n’ai pas forcément envie de me retrouver à nouveau dans cet esprit de confrontation. Je suis plus dans quelque chose d’interne, dans une recherche de sensations. Le 1er dan, je vois ça comme le démarrage de quelque chose, une route qui va me mener plus loin. Je veux continuer à perfectionner ma technique, passer les grades suivants et comprendre ce que je fais, comprendre ma discipline. »
CSMB Montolivet (Bouches-du-Rhône)
32 ans, 7 ans de pratique, praticien énergétique et pompier volontaire
Sofia Tran
« À chaque fois un sourire d’émotion »
« La ceinture noire, c’est un signe de prestige. Mon frère et mes deux sœurs, qui sont tous plus âgés, font ou ont fait du karaté, et sont tous ceinture noire. Quand tout le monde l’a dans ta famille tu te dis : « il me la faut aussi ! » (rires). Ils m’ont tous conseillé, m’ont aidé à l’obtenir et, aujourd’hui, ils sont super fiers de moi. Quand je l’ai eue, nous sommes tous sortis fêter ça en famille, au restaurant. C’est l’une de mes sœurs qui m’entraîne, avec son copain. Sur le tatami, ce sont mes entraîneurs, ce ne sont plus ma sœur et mon beau-frère, mais le lien reste très fort. À la remise de la ceinture, j’avais encore du mal à y croire. J’étais très émue, parce que ce sont mes deux entraîneurs qui me l’ont remise. Ils m’ont toujours guidée, alors que ce soit eux qui me la remette, ça lui donnait un sens encore plus grand. La ceinture noire, je suis toujours très fière de la mettre à l’entraînement. À chaque fois que je la sors, je la regarde, et je suis tellement fière que je suis obligée de sourire d’émotion. En compétition, c’est encore plus fort. Quand tu montes sur le podium avec ta ceinture, comme c’était le cas aux championnats de Picardie, c’est quelque chose ! »
KC Saint-Quentinois (Aisne)
17 ans, 12 ans de pratique, lycéenne en terminale ES
Propos recueillis par Gaëtan Delafolie / Sen No Sen
la rédaction