Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Début de notre tour de France des territoires à la rencontre des nouveaux ceintures noires.
Ils (et elles) ont obtenu leur 1er dan il y a quelques semaines. Une étape importante dans leur vie de karatékas, et souvent dans leur vie tout court. Rencontres avec les nouvelles ceintures noires du karaté français à travers toute la France. Une série de témoignages avec, en creux, leurs motivations, leurs doutes, leurs espoirs, la relation à leur professeur, leur club et leur partenaire. Le karaté et eux, ça commence cette semaine pour nouvelle rubrique du MAG’ que vous êtes de plus en plus nombreux à consulter.
Agnès Boulanger
« Ma fille veut me passer devant, mais je résiste »
« J’ai passé ma ceinture noire en même temps que ma fille Emma-Jane, 18 ans. On s’est encouragée mutuellement. Je m’occupais surtout de l’organisation et du mental. J’étais tout le temps en train de lire et de répéter les exercices à préparer, et elle me poussait au niveau physique. C’est elle qui disait “ Allez on y va ”, et on filait s’entraîner. On a bossé pendant quatre mois les exercices imposés. Et puis il y a tous les fondamentaux, les six années de pratique sur lesquelles s’appuyer. Les bases, on ne peut pas bachoter. Le fait qu’on l’ait obtenu toute les deux ce 1er dan, c’est le top ! Comme je suis plus âgée, je suis encore devant elle dans la ligne de salut. Elle veut me passer devant, mais je résiste (rires). Ce 1er dan, franchement, c’est quelque chose qui me semblait irréalisable au début. Je n’osais même pas l’envisager. Je suis fière d’être encore capable de la passer à 48 ans, et surtout de continuer ! C’est symboliquement fort, ça donne la pêche et je me vois faire du karaté jusqu’à 80 ans ! Avec ma fille, c’est notre activité à toutes les deux. Elle s’y est mise un an après moi. En tant qu’ado, elle est plus souvent avec ses amies, son petit-copain… Mais le karaté nous permet de garder un lien mère-fille qu’on n’aurait peut-être pas par ailleurs. Le karaté, c’est ça : du lien. »
Arts Martiaux de Brunoy (Essonne)
48 ans, 6 ans de pratique
, fiscaliste
Philippe Gloeckler
« J’ai retrouvé l’envie que j’avais gamin »
« Quand j’ai repris le karaté l’année dernière, après 18 années d’arrêt, je voulais y aller en douceur. Et, en fait, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas et je me suis vite repris au jeu. Du coup, au club, ils m’ont mis au défi de passer ma ceinture noire. J’ai bossé, et j’ai retrouvé l’envie que j’avais quand j’étais gamin. J’ai augmenté la fréquence des entraînements, j’ai fait plus de stages, j’ai fait beaucoup de pompes et d’abdos à la maison… J’ai aussi beaucoup bouquiné, épluché les DVD de experts. Aujourd’hui, c’est simple, je pense et je vis karaté. Le jour J, j’étais incroyablement stressé, comme un môme ! Puis, quand j’ai su que j’avais réussi, j’étais extrêmement ému, pas loin des larmes. J’étais heureux bien sûr, mais surtout, est revenu comme un énorme goût d’inachevé : j’avais arrêté le karaté durant mes études. J’avais alors plein de stages, le mémoire à rendre, alors j’ai lâché. Puis, la vie s’enchaîne et on entre dans une autre routine. Le karaté me manquait, mais j’avais peur de ne pas y arriver physiquement, alors je me faisais pas violence. Avoir arrêté aussi longtemps, c’est la grosse erreur de ma vie. Aujourd’hui, même si physiquement c’est beaucoup plus dur que quand j’avais vingt-ans, je prends un pied pas possible. C’est aussi devenu une échappatoire au stress. J’ai un travail qui m’accapare beaucoup et j’ai beaucoup de pression au quotidien. Le karaté m’aide à penser à autre chose, à prendre du recul, à me poser, à remettre au centre ce qui est essentiel. »
Karaté Do Geispolsheim (Bas-Rhin)
40 ans, 6 ans de pratique, responsable développement
Aurore Vaysset
« Bizarre de la nouer la première fois »
« Ma mère travaille en garderie. Quand j’étais petite, elle transportait un enfant qui faisait du karaté et je me demandais pourquoi il allait au sport en pyjama. J’ai voulu essayer et j’ai adoré. Quand j’ai commencé, je me suis tout de suite dit “ je n’arrête pas tant que je ne suis pas ceinture noire ”. Ceux qui l’avaient étaient des modèles. C’étaient les anciens, ceux qui donnent le rythme à l’entraînement et qui te donnent des conseils. La ceinture noire, c’est comme le graal mais ce n’est pas une fin en soi. On continue d’apprendre et de recevoir. Ça m’a fait bizarre de la mettre pour la première fois. J’avais l’habitude de ma petite ceinture de couleur et, tout d’un coup, je devais me placer à côté des anciens dans le salut. J’étais très fière. Mon club, je le considère comme une deuxième famille parce que j’y passe la plupart de mon temps et qu’on fait des sorties ensemble. Il y a aussi la sélection de Nouvelle-Calédonie dont je fais partie. Grâce au karaté, j’ai eu la chance de voyager aux Fidji, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en France… Quand on part en compétition, c’est génial, il y a une vraie cohésion. C’est l’école du partage, entre nous et avec des adversaires avec qui j’aime discuter après le combat. »
Association Karaté Auteuil (Nouvelle-Calédonie)
17 ans, 11 ans de pratique, étudiante en BTS tourisme
Cyprien Grunblatt
« Je voulais prouver à mes frères que j’en étais capable »
« J’ai débuté le karaté à l’âge de quatre ans pour faire comme mes deux grands frères. Passer la ceinture noire, c’était mon rêve depuis tout petit. Quand je voyais mon professeur avec sa ceinture noire je me disais “ Un jour, je serai là ”. J’ai obtenu ma ceinture marron tôt, à l’âge de 12-13 ans, et, tout de suite, mon professeur a commencé à me préparer pour le 1er dan. À partir de 14 ans c’est devenu intensif. Mes deux frères sont eux aussi ceinture noire. Je ne pouvais donc pas être le dernier et ne pas l’avoir. Ils me charrient tout le temps parce que je suis le plus petit, mais ça m’a motivé encore plus. Pour moi, cela s’est beaucoup joué là-dessus. Je ne voulais pas être le plus petit, je voulais être comme eux. Je voulais leur prouver que, moi aussi, je pouvais l’avoir. Quand on a sa ceinture noire, au début on se la pète un peu, ça impressionne les copains. C’est incroyable, je réalise que quand j’ai commencé le karaté j’étais tout au bout, le plus petit, ceinture blanche. Et là, je me retrouve de l’autre côté, un peu comme si je devenais “ le grand ” du karaté. C’est un sport qui me permet de prendre confiance en moi. Par exemple, quand j’ai un contrôle je n’ai pas de mauvais stress, juste un stress positif qui me dit que si je suis sous pression, je vais y arriver. C’est le karaté qui m’a appris ça. »
KC Lacroix-Sampigny (Meuse)
15 ans, 11 ans de pratique, lycéen en classe de seconde
Propos recueillis par Gaëtan Delafolie / Sen No Sen
la rédaction