Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Suite de notre tour de France des territoires à la rencontre des nouveaux ceintures noires.
Ils (et elles) ont obtenu leur 1er dan il y a quelques semaines. Une étape importante dans leur vie de karatékas, et souvent dans leur vie tout court. Rencontres avec les nouvelles ceintures noires du karaté français à travers toute la France. Une série de témoignages avec, en creux, leurs motivations, leurs doutes, leurs espoirs, la relation à leur professeur, leur club et leur partenaire. Le karaté et eux, épisode deux de cette nouvelle rubrique du MAG’ que vous êtes de plus en plus nombreux à consulter.
Maxime Castiglia
« Trois cycles »
« L’obtention de ma ceinture noire ? Elle représente la finalité d’un cycle d’apprentissage et de découverte de la compétition, commencé il y a dix ans lorsque j’ai débuté le karaté. J’étais alors impulsif et très nerveux et la découverte du karaté a résonné chez moi. Ce cycle de pratique, de développement personnel aussi, m’aura notamment enrichi sur trois plans : la sérénité, le respect et l’humilité.
Être ceinture noire, c’est aujourd’hui avoir plus de devoirs que de droits : ceux de rester humble, conseiller les moins gradés, continuer à se perfectionner techniquement. Commence maintenant un second cycle, que je veux consacrer aux combats, à la compétition. J’ai eu quelques résultats, notamment une deuxième place aux championnats de France seniors shindokai en 2014 et ça me plairait bien d’aller gagner quelques titres. Je m’entraîne trois à quatre fois par semaine et j’ai vraiment envie de voir jusqu’où je peux aller. Faire de beaux combats, voilà comment j’imagine l’apogée de ce second cycle (sourire). Après, dans un troisième temps, je garde dans un coin dans ma tête de devenir professeur de karaté, vu que suis détenteur d’une licence STAPS.»
L’avis du prof – Jessy Santini, 40 ans, 4e dan
«Deux qualificatifs me viennent tout de suite à l’esprit pour définir Maxime : généreux et endurant.
C’est un garçon qui donne de sa personne, qui aime le partage. Il va spontanément au devant des jeunes, il est dans cette démarche d’échanger. Il a aussi de grandes qualités physiques. Il n’aime pas en parler mais, lorsqu’il est arrivé au club, on lui a diagnostiqué du diabète. Il doit donc contrôler son taux de glycémie avant et après l’entraînement. Une contrainte pas facile à gérer mais qu’il a su minimiser, notamment grâce à ses capacités physiques. Je retiens aussi de lui son assiduité et quelqu’un qui s’est confronté à la compétition pour mieux se connaître. »
Saisho Dojo Nice (Alpes-Maritimes)
22 ans, 10 ans de pratique, Master 1 MEEF (Métiers de l’enseignement de l’éducation et de la formation).
Maxence Bisch
« Intéressant de voir le regard des profanes »
« La ceinture noire ? L’aboutissement d’efforts effectués au sein de mon club, d’une persévérance et en même temps, un symbole de toute ce qu’a pu m’apporter Roger Menant, mon professeur, 7e dan depuis un an et demi et mon père. Car ce sont ces deux hommes qui ont lié ma vie au karaté et fait de ce dernier, pour moi, une philosophie de vie quotidienne. En fait, mon père avait fait du karaté lorsqu’il était enfant. Il a repris il y a cinq ans et la ferveur, la passion qu’il mettait dans sa pratique m’a intrigué. C’est ainsi que j’ai mis pour la première fois un karategi en février 2013 lors d’un stage d’initiation. Ce qui m’a plus immédiatement, c’est cette notion d’humilité, de ténacité, de persévérance et d’amitié. La pratique du karaté, même si elle n’a débuté qu’il y a quatre ans pour moi, m’a permis de mieux me connaître, de m’affirmer davantage et de partager des moments de complicité privilégiés avec mon père. Et puis, cela paraît évident, mais le karaté m’a fait un bien fou au niveau de la santé. D’ailleurs, je le ressens immédiatement quand je ne m’entraîne pas ! Après l’obtention de ma ceinture noire, j’ai ainsi pu me rendre compte de la forte symbolique de ce grade : aussi bien de mes amis karatékas que des mes patients, à mon cabinet de massage-kinésithérapie. J’ai senti une forme de respect accentuée, voire d’admiration. Il me renvoient ce que la ceinture noire évoque, chez les profanes : une forme de maîtrise, de connaissance, d’investissement. Une quête incessante qui me motive déjà à aller chercher mon 2e dan. »
L’avis du prof – Roger Menant, 56 ans, 7e dan, ancien arbitre mondial et CTD du Pas-de-Calais
« Maxence est un passionné intelligent. Il ne rechigne jamais, ne pose pas de questions bêtes, il aime apprendre. Il aussi très disponible et d’une grande écoute pour le reste du groupe. Son métier de kiné lui prend beaucoup de temps, mais il essaye de venir au mois une fois par semaine. Vu son âge et son métier, il est difficile pour lui d’envisager de faire de la compétition un objectif. Il se focalise donc sur l’aspect philosophique et traditionnel de la pratique et ne se pose pas la question de savoir jusqu’où il ira. Je lui ai dit que le plus important était d’essayer de pratiquer, de continuer le plus longtemps possible, de ne pas couper avec ce monde qui lui apporte tant. »
Shotokan Club Carvin (Pas-de-Calais)
26 ans, 4 ans de pratique, masseur-kinésithérapeute.
Le Stade Poitevin dirigé par Michel Beuzot.
Igor San Millan
« Mes relations professionnelles sont devenues plus franches »
« Les arts martiaux ont eu une place importante dans ma vie. Avant de débuter le karaté en 2010, j’avais pratiqué le judo et le taekwondo. En me mettant au karaté, je voulais voir autre chose. Très vite, j’y ai trouvé ce que mes pratiques précédentes ne m’avaient jamais apporté : une complexité, une recherche perpétuelle fondée sur la biomécanique. Une façon de connaître son corps en somme, son potentiel. Dans cette optique, être devenu ceinture noire n’est pour moi qu’une étape. Vu mon âge, mon objectif n’a jamais et ne sera jamais d’être un champion. Ce grade, très symbolique, je le prends surtout comme la reconnaissance de sept années de travail, de recherche, de rigueur et comme une marque d’encouragement, de motivation à développer mon karaté, à l’adapter à mon corps, le karaté offrant des possibilités quasi illimitées de progrès ! Pour être franc, je n’ai pas envie de lâcher dans les dix prochaines années. Car le karaté m’a transformé : il m’a permis d’avoir confiance en moi-même. Ce qui est paradoxal, c’est que, plus je prends d’assurance grâce au karaté, plus je connais mes limites ! Il m’a aussi fait évoluer dans mes relations professionnelles : elles sont devenues plus franches, plus directes tout en respectant énormément les autres. Mon objectif désormais ? Il reste en fait toujours le même : prendre du plaisir, m’amuser ! »
L’avis du prof – Hassan Mastass, 63 ans, 7e dan.
« Igor, c’est le type-même du bon karatéka : sérieux, appliqué et qui donne son maximum sur le tatami. Il n’est pas passif, il n’attend pas qu’on lui dise quoi faire, quoi ressentir, etc. il est demandeur, pratique vraiment pour lui. Il est aussi investi dans le club car, quand son emploi de temps professionnel le lui permet, il peut nous accompagner lors des cours « enfants ». Depuis qu’il est devenu ceinture noire, je le sens encore plus confiant en lui. Il a déjà en ligne de mire le deuxième dan, car monter en grade quand on est pas compétiteur est un bel objectif. J’ai l’habitude de dire : « la préparation de votre 2e dan commence dès qu’on est ceinture noire 1er dan, même si il ne faut pas courir après ». Igor est complètement dans cet état d’esprit qui continuera, je pense, à faire du karaté tant que sa santé le lui permettra. »
Zanshin Karaté Do Saint-Sever
(Landes)
42 ans, 7 ans de pratique, Chef de production agroalimentaire
Xavier Precigou
« Une responsabilité »
« Être devenu ceinture noire me donne un devoir, une responsabilité. Surtout qu’étant professeur depuis peu, j’ai maintenant un rôle de transmetteur et cela me donne des challenges. Je m’occupe d’enfants de six à dix ans qui sont ceinture jaune ou orange. Lors des cours, je leur enseigne les katas et le kihon. Et je me montre aussi exigeant avec eux que j’essaye de l’être avec moi-même. Parfois, ils râlent. Mais, lorsqu’il y a des compétitions et qu’ils ramènent une médaille, ils me disent que ça valait le coup de répéter souvent les mêmes mouvements (rires) ! Devenir prof, je n’y pensais pas vraiment. En fait, le directeur technique du club m’a un jour demandé de l’assister, puis une seconde fois… Puis, finalement, j’ai passé le diplôme d’assistant-professeur. Sur un plan personnel, je me suis spécialisé dans le kata, depuis quatre-cinq ans, pour la recherche de la perfection, de la précision du geste juste. Une quête permanente qui me plaît d’autant plus qu’il y a de nombreux katas et que c’est donc un apprentissage varié. L’année prochaine, je vais devoir mettre en parenthèse le karaté car je vais faire une “ prépa ” militaire. Mais je sais que les valeurs que le karaté m’a apporté vont aussi m’aider lors de cette formation.»
L’avis du prof – Michel Bezot, 63 ans, 7e dan.
« Xavier est le genre d’élève dont on se dit : « ah ,si tous étaient comme lui ! » : il est très appliqué, sérieux, réceptif et mature avant l’heure. Il dégage, sans l’air d’y toucher, une force tranquille même si c’est un gamin qui n’a jamais été branché compétition. C’est un garçon qui avance doucement mais sûrement. Il y a quelques années, on lui a proposé de s’investir dans l’école d’arbitrage et il a dit oui. Idem quand on lui a suggéré de devenir assistant. Maintenant qu’il est diplômé, je lui confie le cours du mercredi. Et je le fais les yeux fermés ! »
Stade Poitevin Karaté (Vienne)
18 ans, 14 ans de pratique, lycéen en Terminale SES (sciences économiques et sociales)
Propos recueillis par Thomas Rouquette / Sen No Sen
la rédaction