Objectif ceinture noire, épisode 6
Suite de notre tour de France des territoires à la rencontre des nouveaux ceintures noiresJean-Luc Ducours
(Lot-et-Garonne)
Élise Raia
(Haute-Loire)
Castel Secondino
(Dordogne)
Frédéric Apparailly
(Deux-Sèvres)
Ils (et elles) ont obtenu leur 1er dan il y a quelques mois. Une étape importante dans leur vie de karatékas, et souvent dans leur vie tout court. Rencontres avec les nouvelles ceintures noires du karaté français à travers toute la France. Une série de témoignages avec, en creux, leurs motivations, leurs doutes, leurs espoirs, la relation à leur professeur, leur club et leurs partenaires. Le karaté et eux, épisode six de cette rubrique du MAG’ que vous êtes de plus en plus nombreux à consulter.
Jean-Luc Ducours
« J’en ai pleuré ! »
« Mon premier souvenir de karaté, lorsque j’avais seize ans à Paris et avec Hiroo Mochizuki est extrêmement fort : son père, en tenue d’aïkidoka, était assis là, à regarder le cours sans dire un mot. La rigueur et le respect imprégnaient chaque entraînement. On pouvait entendre les mouches voler. Il était interdit de toucher le corps de son partenaire lors des frappes sous peine de se faire rappeler à l’ordre. Un jour, j’ai eu une envie subite de vomir. Je sors précipitamment du tapis sans saluer quand, d’un coup, Hiroo Mochizuki me rattrape par le karategi et me dit : « Quand on sort du tapis, on salue ». Une leçon simple, mais qui m’a beaucoup marqué pour la suite de ma vie, et même encore maintenant, malgré quarante-cinq années sans pratiquer après mon déménagement à l’âge de dix-huit ans avec ma famille dans le Lot-et-Garonne. Car j’ai toujours eu, dans un coin de ma tête, l’idée de reprendre un jour ou l’autre. Ce qui m’a fait sauter le pas ? Le besoin de me défouler, tout en faisant un sport différent de la course à pied que je pratique depuis longtemps. J’ai donc repris à l’Albret Karaté Club en 2010, avec trois professeurs : Gérard Massiani, Thierry Rivière et Gérard Bouguet. Je suis reparti totalement de zéro, mais avec une très grosse envie d’apprendre. Le problème ? J’avais de gros soucis de souplesse (rires). Mais j’en voulais et je me suis entraîné trois à quatre fois par semaine. Je suis devenu ceinture marron en 2014. Puis la ceinture noire a été un objectif qui m’a obsédé ! Je l’ai préparée durant une année et demie, avec quatre entraînements par semaine : deux dans mon club de l’Albret et deux au sein du club de Pascal Signat, qui m’a proposé un nouvel éclairage technique, et que j’ai rejoint depuis peu. Je me suis totalement mis dedans. Tous les soirs, je lisais un petit manuel avec le nom des techniques que m ‘avait donné Martine Signat, la femme de Pascal. Pendant six mois, j’ai eu une vie de moine. Le jour de l’examen, à Bordeaux, j’étais hyper concentré. Après l’annonce de la bonne nouvelle, on est resté une demi-heure avec un copain dans les vestiaires à rire et à pleurer de joie.
En améliorant ma posture, j’ai même modifié ma façon de marcher grâce au karaté ! Désormais, place au diplôme d’animateur fédéral (DAF), tout en continuant de me faire plaisir lors des compétitions kata. Et lorsque je ne pourrai plus trop pratiquer, je tâcherai de devenir arbitre kata, car je suis convaincu que ça me plairait beaucoup. »
MFK Tonneins (Lot-et-Garonne)
64 ans, 10 ans de pratique, chirurgien
L’avis du prof – Pascal Signat, 7e dan
« Un discours humaniste »
« Jean-Luc est quelqu’un qui, à travers son grand vécu social et professionnel, s’avère être un vrai humaniste. Il aime le dialogue et le challenge. De mon côté, j’ai essayé de lui apporter de la technique d’abord, en insistant sur la précision et le relâchement, mais surtout une aide mentale en cherchant à lui donner confiance en lui. Je me rappelle l’entendre dire : « Je ne vais jamais y arriver », tandis que je lui répétais qu’essayer constituait déjà une étape sur le chemin de la réussite. L’obtention de sa ceinture noire est donc une grande satisfaction car Jean-Luc est à l’image du message que j’essaie de transmettre dans notre dynamique club de soixante licenciés, le premier créé dans le Lot-et-Garonne : le karaté aide à structurer, aussi bien la tête que le corps, grâce à des valeurs morales simples mais essentielles comme le respect et la fidélité. »
Élise Raia
« Le karaté m’a aidé à m’ouvrir »
« J’ai commencé à faire du sport à quatre ans. J’ai essayé le judo, mais je n’ai pas accroché alors que cela a été tout de suite le cas avec le karaté, où il y a beaucoup moins de corps-à-corps. Et puis le professeur m’a fait bonne impression (rires) ! Une passion qui ne m’a plu quittée, d’autant que je la partage avec le même groupe de copains depuis sept-huit ans. On est une superbe équipe et on a beaucoup de plaisir à se retrouver sur et en dehors du tapis. On se déplace tous ensemble sur les compétitions. Personnellement, j’ai atteint une fois les quarts de finale en championnats de France, lorsque j’étais minime. J’ai commencé, il y a deux ans, à préparer ma ceinture noire. Un travail de longue haleine qui m’a permis de ne pas trop stresser le jour de l’examen car, dès que je suis montée sur le tatami, je me suis sentie confiante, grâce à tout le travail effectué en amont. Lorsque j’ai obtenu ma ceinture noire, cela m’a fait bizarre car je suis devenue la plus jeune 1er dan du club. C’est un cap et, en même temps, une étape, puisque je me projette déjà sur le deuxième dan. J’aimerais aussi renouer au niveau national en compétition. Mais au-delà de la compétition et des grades, j’aime cette discipline car elle m’a aidé à m’ouvrir. Les premières années, ne sortaient de ma bouche que les mots « bonjour », «au revoir » et « merci ». Puis, peu à peu, grâce au karaté, j’ai pris confiance en moi et je me suis davantage ouverte aux autres. C’est surtout cela que je retiens de mes onze premières années de pratique. »
Karaté Club Beauzacois (Haute-Loire)
15 ans, 11 années de pratique, lycéenne en seconde générale
L’avis du prof – Jean-Louis Lombard, 2e dan
« Élise a appris le sens de l’échange »
« Les premières années, c’est simple, je n’entendais jamais le son de sa voix ! Et puis, petit à petit, j’ai vu Élise prendre de l’assurance. Je pense que le karaté lui a appris le sens de l’échange, bien qu’elle n’ait jamais eu un mot plus haut que l’autre. Maintenant, elle sert de relais, prend des initiatives et des responsabilités : elle m’assiste depuis plusieurs années sur les cours des petits et elle est aussi en charge de l’initiation à l’arbitrage au sein du club. Une activité dans laquelle, j’espère, elle continuera à s’investir. Il lui arrive même de faire le clown parfois ! Tout en restant studieuse et travailleuse quand même… Ce qu’elle a démontré lors de la préparation de sa ceinture noire lui a permis d’être plus sereine le jour de l’examen. Un exemple pour notre club qui a vu le jour il y a douze ans, avec un nombre de licenciés qui oscille désormais entre soixante et soixante-quinze, très axé sur la compétition en kumité et avec une dominante féminine. J’aime l’idée que les gens repartent avec un sourire encore plus grand que lorsqu’ils arrivent. Nous cultivons aussi un fort esprit de club, avec beaucoup de déplacements pour les compétitions ou l’organisation de stages, comme celui de l’été dernier qui avait pour thème le karaté d’Okinawa.»
Castel Secondino
« Apprendre la profondeur du karaté maintenant »
«Je dois mon retour sur les tatamis à mes enfants car, si j’avais fait du karaté petit, pour me permettre de m’extérioriser à l’époque, j’ai arrêté pour diverses raisons. Lorsque mes enfants ont eu l’âge de faire du sport, nous les avons inscrits au karaté et, lors de leur première année de pratique, j’étais sur le bord à les regarder. Peu à peu, l’idée de reprendre a fait son chemin. Plutôt que d’être assis, autant pratiquer avec eux ! J’ai donc renfilé mon karatégi avec ma ceinture orange et, très vite, j’ai eu du plaisir à retrouver une gestuelle, notamment dans la pratique des katas. J’ai repris deux fois par semaine, avec l’ambition de passer ma ceinture noire avec ma fille. Malheureusement, lors du passage de grade, elle l’a eu alors que j’ai échoué. Je suis tombé sur un jury exigeant, ce qui m’a poussé à me remettre en question dès que je suis revenu sur le tatami du club. Je n’avais, sans aucun doute, pas tout à fait le niveau à ce moment-là. J’ai donc préparé encore plus sérieusement mon examen, et comme nous étions plusieurs à vouloir devenir ceinture noire, cela a augmenté ma motivation. La deuxième fois, je suis donc arrivé plus serein, sachant à quoi m’attendre, lors de l’examen. Ce fut beaucoup de fierté mais, maintenant que je suis ceinture noire, j’ai l’impression de commencer à véritablement apprendre la profondeur du karaté. Au-delà du tatami, cela m’a apporté une espèce de « sagesse » car, avant de reprendre, j’avais tendance à m’agacer très vite. Dorénavant, je suis plus calme, plus posé. En attendant de me présenter au deuxième dan dans deux-trois ans… avec mon fils (actuellement ceinture verte-bleue) ! »
Samouraï Karaté Club Terrasson (Dordogne)
46 ans, 11 ans de pratique, chauffeur
L’avis du prof – Zekariya Borr, 5e dan
« Patience et assiduité »
« Castel est quelqu’un d’assidu qui a la particularité de pratiquer en famille. Il est impliqué dans le club et dans le karaté, puisqu’il vient de devenir assistant départemental en arbitrage. À terme, j’espère vraiment le voir continuer dans ce domaine. Il est aussi de tous les stages à l’extérieur du club. L’obtention de sa ceinture noire lui a clairement donné davantage de confiance en lui puisqu’il hésite de moins en moins à conseiller les plus jeunes, sur des points précis comme les blocages ou les attaques. C’est un pratiquant qui a progressé à son rythme, pas à pas. Mais il a réuni les deux qualités qui, en tant que professeur, me paraissent fondamentales pour apprendre et progresser : patience et assiduité. Selon moi, on prépare la ceinture noire dès que l’on commence le karaté. Il a abordé les choses comme ça.»
Frédéric Apparailly
« La ceinture noire en couple »
« Un ami de mes parents était professeur de karaté lorsque j’étais adolescent. Du coup, à treize ans, j’ai commencé. Avec l’idée de faire un sport déjà, mais surtout un art martial, une discipline qui me donnerait la capacité de me défendre. Avec le recul, je pense que j’idéalisais un peu (sourire), même si le karaté m’a très vite permis d’acquérir de la discipline et de la rigueur. En fait, un certain état d’esprit. Autant que je me souvienne, j’ai toujours voulu pratiquer. Malheureusement, cela n’a pas toujours été facile à cause de mes contraintes professionnelles de gendarme. Avant de reprendre à Parthenay, avec Martial Roux, que nous avions rencontré avec ma femme lors d’un stage départemental, j’avais arrêté six ans. Dès que nous avons repris, l’objectif était de passer notre ceinture noire ensemble car le karaté en couple, c’est plus motivant (rires) ! Nous nous sommes ainsi astreints à trois-quatre entraînements par semaine. Le jour de l’examen, nous avons fait du covoiturage avec des amis, avec une seule consigne : ne pas parler de karaté ! On a réussi à « dépolluer » notre esprit et tout s’est finalement très bien passé. Lorsqu’on nous a annoncé que nous étions ceinture noire, nous nous sommes dits : « ça y est, le karaté commence ! ». Pour l’instant, je ne pense pas au deuxième dan. Par contre, nous avons décidé de nous impliquer à fond dans le club. Nous avons toujours aimé l’engagement bénévole. Du coup, je suis devenu président du club et je suis en train de passer le diplôme d’animateur fédéral (DAF) et le diplôme d’instructeur fédéral (DIF). Ma femme est également membre du bureau directeur du club. Car le karaté est une passion partagée et quotidienne : nous en reparlons à la maison, nous avons pas mal d’amis dans le milieu, une sorte de petite famille avec qui nous allons souvent en stage. Le karaté fait partie intégrante de notre vie. Et puis, les déplacements pour le karaté nous permettent de faire de la moto, une autre passion commune (sourire).»
Karaté Club Cerizay (Deux-Sèvres)
54 ans, 15 ans de pratique, retraité
L’avis du prof – Martial Roux, 4e dan
« Quelqu’un qui connaît le karaté et le monde associatif »
« Lorsque j’ai connu Frédéric, j’ai tout de suite eu la sensation qu’il connaissait à la fois le milieu du karaté et le monde associatif, son efficacité et son dynamisme étant vite devenus évidents. Mais on ne peut pas parler de lui sans évoquer sa femme Chantal. Le club était en sérieuse difficulté et ils ont gentiment apporté leur expérience, leurs compétences et leur temps. Leur examen, ils l’ont préparé pendant une année. Ils avaient de bonnes bases, ils étaient sérieux et motivés. Je n’ai eu qu’à leur expliquer le contenu car ils avaient arrêté pendant plusieurs années. Les faire rentrer dans le cadre de l’examen en somme. Ce qui a été plutôt réussi puisque, outre leur succès, Chantal a eu les meilleures notes de son groupe. Désormais, ils ont d’autres objectifs individuels… tout en pensant au reste du club. En effet, ils sont toujours très engagés, et cela se voit ! Il y a eu une vraie redynamisation du club, avec l’organisation de stages pour enfants et une communication plus active.»
Pour (re)lire les cinq premiers épisodes d’ « Objectif ceinture noire », cliquez ici.
Propos recueillis par Thomas Rouquette / Sen No Sen