Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Ils n’en sont pas toujours les pièces les plus visibles mais restent essentiels au puzzle qui constitue le karaté français. Eux ? Ce sont les clubs, à la rencontre desquels nous vous proposons de prendre le temps d’aller. Après le KC Châteauroux, l’esprit d’un club le mois dernier, direction la région Normandie et le plus gros club de France en dehors de Paris : l’Okinawa Karaté Club du Havre.
C’est en 1993 que le Havrais David Tiennot (Photo ci-dessous au centre) fonde l’Okinawa Karaté Club. Alors âgé de 27 ans, ce professeur de sport en lycée professionnel compte à l’époque une dizaine de saisons de pratique derrière lui. « Les quatre premières années, l’OKC évoluait dans une salle de fitness » rappelle le 5e dan, désormais secondé par Jérôme Prévost, Farid Draissi et Lakhdar Bensikhelifa. Il faut attendre 1997 pour voir le club investir le 6 rue du Général Sarrail, son actuel dojo de 600 m2 dont 200 de tapis. Un lieu qui assoira durablement sa renommée, le club passant sur les deux dernières décennies de 200 licenciés à 585, ce qui en fait, en juin 2017, le deuxième plus gros club de France derrière l’AAS Sarcelles.
Vitrine. Plusieurs raisons expliquent cette croissance « devenue exponentielle ces trois dernières années », comme s’en réjouit Bachir Chorfi, le président du Comité de Seine-Maritime, pour qui le l’OKC est désormais « une vitrine, non seulement à l’échelle du département mais aussi jusqu’au niveau de la pourtant très dense Ligue de Normandie. » La première raison tient au fait d’avoir su sentir l’air du temps. Dès 2008, le club ouvre sa section de combat mixte et, dès l’intégration de cette discipline à la FFKDA en 2012, sa section krav maga. Avec désormais environ 100 licenciés pour la première et 120 pour la seconde, ces deux activités sont rapidement devenues deux des trois poumons du club – le karaté regroupant pour sa part quelque 360 licenciés. La deuxième raison du succès de l’Okinawa tient à son planning. Avec six tranches d’âge dédoublées en douze créneaux enfants, le club s’est donné du champ pour pouvoir faire face à une demande considérable, David Tiennot voyant en chaque bambin le symbole « d’un éternel recommencement ». Troisième raison, enfin : l’accueil en 2012 du -60kg guinéen Mouhamat Sy, qualifié pour les championnats du monde et que David Tiennot coacha pendant trois tours en novembre de la même année à Bercy. Une dynamique dans la dynamique…
« Notre discipline l’a aidé à se construire et lui a donné l’envie de réussir. C’est cela le plus important. »
Envie. Génération spontanée ou effet boule de neige né de ce contact direct avec le très haut niveau ? Dès l’année suivante, Joachim Tiennot, le fils du fondateur, participera aux championnats du monde et d’Europe cadets, continuant même en 2014 sur un titre de champion de France dans la même catégorie d’âge et devenant, de fait, un visage bien connu des pages sports du lundi du quotidien Paris-Normandie. Études obligent – Bac S mention Assez Bien, classe préparatoire et la prestigieuse Essec de Cergy-Pontoise en ligne de mire – , l’espoir havrais a pourtant dû, depuis, mettre le karaté entre parenthèses. De quoi laisser des regrets au père, dont les troupes furent championnes de France par équipes corpos en 2007 et 2012 ? « Surtout pas. Il s’investit aujourd’hui dans ses études de commerce comme il s’investissait hier dans le karaté. Notre discipline l’a aidé à se construire et lui a donné l’envie de réussir. C’est cela le plus important. »
Effort. Conscient du caractère plus éphémère qu’avant des carrières dans le haut niveau, du besoin de valorisation et d’identification de pratiquants plus occasionnels d’une discipline « encore trop boudée par les médias », le pédagogue rappelle le rôle prescripteur des enfants dans la dynamique contemporaine du karaté français. Malgré les leviers encore perfectibles qui conditionnent la poursuite ou l’arrêt de parcours souvent prometteurs – « Ah l’impact sur la motivation des enfants mais surtout des parents lors de ces championnats de France benjamins où cinq heures s’écoulent parfois avant d’engager le premier combat, alors qu’il y a parfois école le lendemain… » –, l’enseignant poursuit l’effort engagé il y a près d’un quart de siècle. Promotion dans les écoles ou en maison d’arrêt, sérieux à l’entraînement et, de loin en loin, quelques stages animés par des invités de prestige comme les champions du monde français William Rolle et Kenji Grillon, récemment. « Ce club ne peut qu’aller loin, estime d’ailleurs ce dernier, épaté par les lieux et l’entrain des participants. En tout cas il a l’attitude pour. »
Les coups de la vie
En marge de leurs cours au club, David Tiennot et Jérôme Prévost interviennent également, depuis 2016, auprès de personnes allocataires du RSA. L’action s’intitule « Du karaté pour affronter le monde du travail ». Elle s’inscrit dans le cadre d’un appel à projet lancé par le Fonds social européen et co-financé par la Ville du Havre et le conseil départemental, a été reconduite jusqu’en 2020 et concerne des groupes de seize personnes par an, à raison de deux créneaux de deux heures chaque semaine. « Il s’agit en majorité de mères de famille de Caucriauville dans la périphérie du Havre, situe David Tiennot. L’idée est, par la pratique et le contact, d’agir sur la confiance en soi, le goût de l’effort et celui des autres. »
Anthony Diao / Sen No Sen
la rédaction