LE SHAOLIN GUAN, UNIQUE EN SON GENRE
À la découverte du sanda à la sauce mancelleIls n’en sont pas toujours les pièces les plus visibles mais restent essentiels au puzzle qui constitue le karaté français. Eux ? Ce sont les clubs, à la rencontre desquels nous vous proposons de prendre le temps d’aller. Ce mois-ci, direction Le Mans pour y découvrir le Shaolin Guan, l’unique club de sanda des Pays de la Loire.
Il est 18h30 précises. Posée sur un banc, l’enceinte portable diffuse une version remixée d’Eye of the Tiger, tube phare du groupe Survivor et bande-son emblématique du film Rocky 3. Sur le tapis, les pratiquants s’emploient à suivre la cadence de cet échauffement pour le moins dynamique. Les retardataires s’acquittent discrètement de leur pénitence – une série de pompes – avant de rejoindre leurs camarades. Certains, déjà éprouvés, commencent à tirer la langue. Attention aux apparences : il ne s’agit pas d’une séance de fitness, mais bien d’un cours de sanda, boxe issue des arts martiaux chinois. « C’est sûr qu’en Chine, vous n’assisterez jamais à des exercices de ce type, » s’amuse Basile Dagron. « Le wushu est profondément attaché à ses traditions, auxquelles nous restons bien évidemment fidèles. En tant que jeune professeur, j’essaie toutefois d’apporter une vision plus moderne, surtout en ce qui concerne les méthodes d’enseignement. Cet échauffement en est l’exemple. »
Croissance régulière
Tombé amoureux des arts martiaux chinois à force de regarder des films d’action, Basile Dagron enseigne d’abord au Samouraï 2000, club phare de la Sarthe et de la région. Mais désireux de créer sa propre structure de wushu, le jeune éducateur sportif fonde l’école Shaolin Guan en 2011. Celle-ci s’établit à la fois au Mans et à Sillé-le-Guillaume, petite commune rurale du nord du département. En cumulé, le club compte alors quatre-vingts licenciés. Ils sont près de cent cinquante aujourd’hui. « Nous n’avons pas cessé de grandir, se félicite Basile. À chaque rentrée, nous avons l’habitude d’accueillir une dizaine de nouveaux membres. Pas d’augmentation soudaine et difficile à gérer. » La place viendrait d’ailleurs presque à manquer dans le petit dojo municipal où les cours sont dispensés. Des plots sont posés au sol afin de matérialiser les espaces de travail des uns et des autres.
Dans un coin, deux adultes répètent méticuleusement leurs gammes. Et pour cause : l’examen de leur diplôme d’instructeur fédéral (DIF) approche à grands pas. « Je leur ai transmis ce que je savais et, maintenant, ce sont eux qui me donnent un coup de main salutaire, affirme leur professeur. J’espère qu’ils resteront aussi longtemps que possible, et que ceux qui le souhaitent pourront faire de cette activité leur métier. »
Absence de rivalité régionale
Le Shaolin Guan accueille des élèves de tous âges, des enfants aux vétérans en passant par les adolescents. Quelques étudiants, de passage au Mans dans le cadre de leur cursus, viennent aussi garnir les rangs du club. Provisoirement, du moins. « Chaque année, je vois débarquer des jeunes qui ont déjà pratiqué le sanda dans d’autres écoles, explique le Sarthois. Leur présence à nos côtés permet d’instaurer une ouverture d’esprit, nécessaire aux arts martiaux. Le seul problème, c’est que ces étudiants repartent en général un ou deux ans plus tard ! » Parmi eux se trouve Nathan, champion de France classe Élite et membre de la délégation tricolore qui a participé aux championnats du monde universitaires à Macao, en 2018. « Basile est quelqu’un de très ouvert, reconnaît l’étudiant en Master de management des PME-PMI. Quand je suis arrivé, je lui ai présenté mes objectifs et il a fait en sorte de m’aider à les atteindre. Je continue de progresser à son contact, grâce à sa motivation, son dynamisme et ses connaissances importantes. »
Au total, ils sont une vingtaine au sein du club à prendre part à des compétitions. Mais la concurrence est inexistante au niveau régional, puisque le Shaolin Guan est la seule structure de sanda dans tous les Pays de la Loire. « Nous tournons un peu en rond, regrette Basile. Les combattants se connaissent déjà par cœur, ceux qui sont seuls dans leur catégorie de poids doivent être surclassés… C’est dommage, car affronter d’autres adversaires représenterait une réelle source de motivation pour nos compétiteurs. »
« Le sanda est un jeu d’échecs »
Le cours touche à sa fin. Sur le tapis cependant, l’intensité des coups portés ne faiblit pas. Mais pourquoi, au fond, ces pratiquants se sont-ils tournés vers le sanda, également connu sous le nom de boxe chinoise ? « Ce n’est pas une boxe, c’est un jeu d’échecs, corrige Nathan. Les combattants disposent d’une large palette de possibilités : coups de pied, coups de poing, projections… La place de la stratégie est primordiale. Depuis que j’ai compris tout cela, je ne boxe plus. Je réfléchis. » Inscrite au Shaolin Guan depuis trois ans, Rose avoue qu’elle ne connaissait rien au sanda avant de prendre sa licence. « Je savais malgré tout que Basile était un bon professeur, à l’écoute de ses élèves, précise la lycéenne de 18 ans. Je voulais apprendre à me défendre et, au début, je pensais me tourner vers la boxe thaï. Finalement, le sanda me convient très bien. C’est moins agressif, les coups sont moins violents. Nous sommes peu de pratiquantes adultes au club, mais les hommes avec lesquels nous nous entraînons s’adaptent à nous et ne se comportent pas comme des brutes. » Âgé de 39 ans, Jean-François est quant à lui présent depuis la création du club. « Je ne pensais pas pouvoir m’épanouir dans une discipline individuelle, indique celui qui a joué au football pendant plus de vingt ans. Lorsque j’étais à l’étranger, j’ai testé la boxe anglaise, le jujitsu, le judo… sans vraiment accrocher. Quand je suis revenu au Mans, j’ai suivi Basile et j’ai immédiatement été séduit par le sanda. C’est une pratique très complète à tous points de vue et qui, à mon sens, permet une redécouverte de son espace personnel. Impossible, pour moi, de m’en passer désormais ! » Autant de témoignages montrant que le Shaolin Guan s’appuie sur un solide socle d’élèves passionnés par leur discipline. Et ce même si Basile les met à rude épreuve dès les premières minutes de l’échauffement.
Raphaël Brosse / Sen No Sen
Photos Shaolin Guan