Léo Benouaich, chercheur d’or
Titre historique pour le wushu françaisSacré champion du monde de xingyiquan le 3 octobre à Kazan (Russie), Léo Benouaich a décroché le premier titre planétaire seniors de l’histoire du taolu français. À 29 ans, le Francilien a atteint le sommet de son sport à force de passion, de sérieux, mais aussi de stratégie. Portrait d’un champion à l’insatiable soif d’apprendre.
Depuis qu’il est rentré de Russie avec une médaille d’or mondiale autour du cou, Léo Benouaich n’est plus exactement le même homme. Aux yeux de certains amis et proches, d’abord, qui comprennent mieux ses innombrables d’heures passées à l’entraînement. De ses élèves du lycée de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), ensuite, qui ont dignement fêté son retour en classe. Des autres pratiquants français, enfin, conscients de l’exploit historique accompli par le fondateur et président du club de kung-fu wushu de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne). « La France n’a pas souvent obtenu de médailles en championnats du monde. Cela change un peu la donne, se réjouit le nouveau champion du monde. Ce titre récompense tous les efforts fournis par les athlètes français en wushu. »
« Il y a une continuité entre le sport et les études. La base de rigueur est la même. »
Amoureux de son sport
Amateur de films de kung-fu depuis l’enfance, Léo Benouaich a débuté le wushu à l’âge de 13 ans, après avoir assisté à un spectacle des moines Shaolin. L’adolescent effectue alors ses premières séances, qui le séduisent par la variété des pratiques et la polyvalence qu’elles exigent. « Ce serait dur de trouver des points négatifs, sourit-il. D’un point de vue physique, il n’y a pas beaucoup de qualités qui ne sont pas utiles en wushu : cardio, souplesse, coordination, sauts, équilibre… J’aime aussi la dimension artistique. Il faut construire ses enchaînements pour qu’ils soient impressionnants et jolis à regarder pour le jury. C’est une discipline très complète. Il y a toujours un nouveau truc à apprendre : une arme, un style, des mouvements, des sauts… Il n’y a pas un moment où on se dit : « Je suis assez fort, j’arrête !« » (Rires)
Une recherche sportive et universitaire
Dès sa deuxième année de pratique, il se tourne vers la compétition, y trouve rapidement un équilibre physique et intellectuel. Excellent élève, il intègre l’École Normale Supérieure de Rennes puis réalise un doctorat en biomécanique du sport à Arts et Métiers ParisTech. Un cursus de haut niveau, qui ne l’empêche pas de décrocher le titre européen en sabre en 2012 ainsi que deux places de finaliste mondial (quatrième au sabre et sixième au bâton) en 2015. Après une année consacrée à la recherche en biomécanique, l’agrégé de SVT accepte un poste de professeur de lycée à la rentrée 2016. « Le wushu m’a sûrement aidé dans les études par sa dimension culturelle : réflexion et concentration sont nécessaires pour bien réaliser les mouvements et apprendre de nouvelles techniques, souligne-t-il. Il y a une continuité entre le sport et les études. La base de rigueur est la même. La pratique de la compétition permet de se concentrer sur des objectifs, de savoir ce que l’on veut. Ce sport m’a aussi changé dans ma façon d’être. Je suis plutôt calme parce que je dépense assez d’énergie à l’entraînement ! »
Un choix stratégique payant
Déterminé à monter sur un podium planétaire, Léo Benouaich a tout de suite vu l’entrée du xingyiquan (traditionnel) au programme des championnats du monde comme une opportunité à saisir. Quitte à mettre de côté ses ambitions dans les catégories-reines du sabre et du bâton. « J’ai changé de catégorie pour des raisons assez stratégiques, admet l’intéressé. Dans ce nouveau style, les nations professionnelles n’ont pas encore un énorme avantage puisqu’elles ont appris sa création en même temps que nous. C’est très technique. La composante physique intervient beaucoup moins. En général, on est assez bons sur la technique en France. Ce qui nous fait défaut par rapport aux meilleurs, ce n’est pas tant la technique que la condition physique, qui s’explique par le nombre d’heures d’entraînement. En termes de cardio, [le xingyiquan] est beaucoup moins fatigant que les styles que je pratiquais avant. Les taos sont plus courts, une minute au lieu d’une minute vingt. » Pour apprendre à maîtriser ce style interne, Léo Benouaich s’est rapproché de Xie Han, professeure diplômée de l’université des sports de Pékin. « Avec l’expérience qu’il avait accumulée en kung-fu, cela n’a pas été très difficile pour lui de s’adapter à ce nouveau style, témoigne-t-elle. C’est un garçon extrêmement sérieux, très déterminé. Il sait ce qu’il veut et se donne tous les moyens pour atteindre son objectif. » Comme Xie Han, Hou Lin, entraîneur de l’équipe de France, n’a pas été surpris par le succès du Français, qu’il accompagne depuis sept ans. « J’étais sûr qu’il toucherait une médaille ! », confie-t-il.
« C’est quelqu’un qui ne laisse rien au hasard. Quand il est lancé dans quelque chose, il va jusqu’au bout. »
Passionné par la culture traditionnelle chinoise
Entouré d’entraîneurs chinois, Léo Benouaich ne compte plus les séjours en Chine, dont il apprend aujourd’hui la langue. Chaque été, ce féru de médecine et de traditions chinoises y passe un mois de préparation intense. Teoman Malcok, son coéquipier en club et en équipe de France, l’a suivi lors de ses trois derniers stages dans la patrie du wushu. « Léo s’intéresse vraiment à la culture chinoise. Il a d’ailleurs appris la langue pour mieux s’entraîner et s’intégrer davantage, explique-t-il. Lors de mon premier séjour là-bas, il m’a un peu pris sous son aile et m’a expliqué plein de choses. J’ai beaucoup de bons souvenirs avec lui. C’est quelqu’un qui ne laisse rien au hasard. Quand il est lancé dans quelque chose, il va jusqu’au bout. Mais il sait aussi rigoler et se lâcher en dehors des entraînements. »
La vocation de transmettre
Quand il ne s’entraîne pas le soir à la salle ou « tôt le matin dans le parc en bas de chez lui », Léo Benouaich se consacre à son métier de professeur de SVT, qu’il exerce à plein temps. L’enseignement et la transmission de connaissances est une telle vocation chez lui qu’il donne également des cours de soutien scolaire aux sportifs de l’Insep et entraîne un groupe de jeunes au club de Lagny-sur-Marne. « Je ne suis plus tout jeune, concède-t-il (29 ans, NDLR). J’ai pour objectif de faire progresser des jeunes Français pour qu’ils puissent être reconnus mondialement dès leur passage en juniors et que leur transition vers les seniors se passe bien. C’est assez dur de s’imposer en seniors quand on commence la compétition internationale dans cette catégorie, comme ce fut mon cas. Cela m’a quand même pris six championnats du monde pour y arriver ! » Une longue mais fructueuse recherche, dont le champion veut aujourd’hui faire partager les enseignements.
Camille Vandendriessche / Sen No Sen