Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Y. Baillon : «Maintenant, on peut se projeter»
Un mois après les mondiaux de Linz, l’enthousiasme demeure intacte dans le décryptage du responsable de performance combat, déjà rivé vers les prochaines échéances jusqu’aux Jeux de Tokyo en 2020, avec la conviction d’avancer dans la bonne direction depuis les championnats d’Europe de Montpellier.
Que retenir d’un championnat du monde comme celui de Linz ?
Tout d’abord un bilan plus que positif. En ne prenant en compte que la partie combat, nous terminons première nation, devant le Japon et l’Iran. Malheureusement, vu la telle avance que possèdent les Japonais en kata, ça ne nous permet pas de passer devant au bilan global. L’autre donnée intéressante, c’est le maintien de notre domination chez les féminines, qui sont nos pourvoyeuses de médailles et de titres en général et qui n’ont une nouvelle fois pas failli. Au-delà des quatre médailles décrochées sur six possible -en incluant le titre par équipes-, nous avons pu voir qu’à côté Anne-Laure Florentin, championne d’Europe en titre qui disputait ses premiers mondiaux, et Alizée Agier, tenante du titre pour sa part, n’ont pas réalisé de mauvaise compétition.
Les garçons ont également su répondre aux attentes…
Effectivement, Sofiane Agoudjil va nous chercher une médaille dans une catégorie (-60kg) où l’on n’en avait pas eu depuis longtemps (2002 et la finale perdue de Cecil Boulesnane, NDLR), Steven Da Costa se positionne déjà comme un prétendant au titre mondial même s’il manque encore d’expérience, et Kenji Grillon a prouvé qu’il était bien revenu après ces deux dernières années marquées par les blessures. En équipes, battre l’Égypte qui s’était classée devant nous sur les trois derniers mondiaux valide le travail effectué et le cap suivi depuis plusieurs mois. Après, nous constatons quand même que nous possédons encore quelques manques, mais nous voyons dans le même temps que nous avons les garçons à former pour l’avenir.
En quoi la préparation portait-elle les germes de ces performances en Autriche ?
Cette année, nous avons d’abord axé notre préparation sur les championnats d’Europe de Montpellier. Réussir à domicile était important pour tout le monde. Ce fut le véritable point de départ, car il a fallu assurer comme nous l’avions fait à Bercy en 2012, réussir là où l’Allemagne s’était par exemple écroulée à Brême en 2014.
Nous avons su être à la hauteur de l’événement, et la performance de Montpellier nous a donné à tous énormément de confiance. S’est alors posé le questionnement suivant : Devons-nous remettre en concurrence les athlètes des catégories sans médaille, au risque de mettre à mal la cohésion ? Après réflexion, nous avons décidé de reconduire tout le groupe de Montpellier, avec une annonce des sélections survenue dès la fin du mois d’août, en insistant beaucoup sur l’état d’esprit et la notion d’équipe. Nous n’avons pas hésité à sortir du cadre du karaté, avec des activités annexes, des moments que nous avons partagés. Lors du stage d’Orléans début septembre, nous leur avons par exemple fait vivre de l’intérieur un derby de rugby amateur. Ils étaient dans le vestiaire, ils ont procédé à la remise de maillots, ils ont senti la tension, la force collective. Ils se sont sentis valorisés aussi : ils représentaient l’équipe de France de karaté.
Nous avions besoin de tout ça car, avant, chacun tirait peut-être un pue trop dans son sens. Et tous ont bien compris le message, en jouant le jeu. Cela nous a permis de vivre une belle préparation dans une bonne ambiance, comme celles que j’ai pu connaître athlète et dont nous nous sommes simplement inspirés. À l’époque, même si nous étions sûrs d’en baver, nous débarquions tous sur ces stages avec la certitude de prendre du plaisir ensemble.
Quel a été le mot d’ordre donné entre les entraîneurs pour y parvenir ?
Nous avons été beaucoup à l’écoute des athlètes, qui ont besoin de l’équipe de France et de ses stages sans pour autant avoir besoin de karaté. Selon moi, s’est avant tout le rôle des clubs, avec qui nous avons beaucoup discuté, et des pôles, où évolue 80% de l’équipe de France. Le stage équipe de France doit être perçu comme un lieu de regroupement, et nous avions un peu perdu ça ces dernières années. Nous avons donc diminué les entraînements personnalisés pour accentuer le collectif. Nous ne pouvons pas tout faire lors de ces quelques jours de rassemblement, au risque de faire n’importe quoi. Nous nous sommes donc davantage focalisés sur la technique, plus que d’habitude, car cela reste la base de tout. Avec une bonne technique, tout devient plus facile.
Depuis fin juin, pas une séance ne s’est déroulée sans une partie technique. Car, là encore, nous savons que la préparation physique, les combats et la tactique sont déjà beaucoup travaillés en club. Nous avions donc davantage besoin qu’ils s’améliorent techniquement. Et sur les compétitions de préparation, comme les championnats méditerranéens ou l’Open d’Allemagne, nous avons seulement souhaité que tout le monde donne le maximum, teste et règle les détails techniques, sans aucune pression quant aux résultats. Seul Linz comptait.
« J’ai vu à Lille de l’envie, de l’ambition technique. Cela promet une belle saison ! »
Il s’agissait de la première grande compétition à se tenir depuis l’annonce de l’intégration du karaté au programme olympique en 2020 à Tokyo. De ce fait, y a t-il eu des changements d’approche visibles ?
Je n’y ai pas vu grande différence puisque que le processus de qualification était déjà enclenché et que le plateau n’a pas évolué suite à l’annonce de Rio. En revanche, sur l’Open d’Allemagne, nous avons pu voir une quantité de jeunes lancés dans le grand bain du haut niveau, du côté du Japon et de l’Egypte notamment. De nouvelles nations arrivent, tout le monde va se mettre au travail et le niveau va inéluctablement monter. Maintenant que les mondiaux sont passés, on peut se projeter. Les années 2018 et 2019 vont être une époque charnière et 2020 va constituer l’aboutissement. Mais il ne faut pas oublier 2017, avec les Jeux mondiaux pour lesquels nous avons beaucoup de qualifiés, et les championnats d’Europe où il faudra confirmer.
Personnellement, comment appréhendez-vous cette première « véritable » olympiade ?
Je ne me mets aucune pression là-dessus car je suis conscient qu’il s’agit d’une véritable chance pour les athlètes, mais aussi pour les entraîneurs, la fédération et même le karaté dans sa globalité. Nous avons quatre ans devant nous pour travailler dur, et il n’y a pas de raison que ça se passe mal. Notre priorité actuelle va être de conserver notre capacité à qualifier un maximum de catégories pour ces Jeux. Après, nous ferons tout pour placer les athlètes sur les podiums. J’attaque cette période avec beaucoup de confiance et de plaisir. Ce n’est seulement qu’après que nous ferons les comptes.
Comment allez-vous fonctionner durant cette période ?
Nous allons intégrer un effectif plus large sur les rassemblements, où seront aussi conviés les espoirs. C’est déjà le cas pour certains, comme Lou Lebrun ou les frères Da Costa, et cela va permettre de gonfler le groupe pour lui donner du volume. Nous envisageons un groupe senior de vingt à vingt-cinq athlètes, où chaque personne intégrée aura l’opportunité de se montrer. Car aucune place n’est acquise pour personne. Ce fut d’ailleurs le sens d’un message que j’ai envoyé à tous les athlètes après Linz : il fallait être présent à coupe de France, la première étape du parcours de sélection. Tout le monde l’a bien compris. J’ai vu à Lille que le message irrigue bien les clubs. J’y ai vu de l’envie, de l’ambition technique. Cela promet une belle saison et un beau championnat de France.
La limitation du nombre de catégories aux Jeux olympiques* change-t-il la donne ?
Pour le moment, nous souhaitons que tout le monde performe dans sa catégorie de poids. Il faut avant tout qu’ils deviennent les plus forts possibles « chez eux ». Après, si nous avons deux Français leaders de leurs catégories, nous nous poserons la question. Nous avons déjà quelques idées mais, pour l’heure, pas de changement de catégorie à prévoir.
*Formule retenue par le CIO : six catégories en kumité (3 chez les hommes et 3 chez les femmes) et deux en kata (individuel homme et individuel femme).