Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Avec neuf médailles et trois titres la France boucle à Linz, le premier championnat du monde de la première olympiade du karaté mondial, l’une de ses meilleures campagnes. Un parcours d’autorité marquée par le triomphe d’Alexandra Recchia, reine doublement couronnée.
Neuf médailles ? Bercy 2012 mis à part, il faut remonter à la dernière grande année de la génération Biamonti – Baldé – Baillon, en 2004 au Mexique pour trouver mieux. Cette année-là, la France avait ramené dix médailles du voyage, mais une seule en or, celle de l’équipe masculine victorieuse de l’Espagne en finale. De Linz, la France a ramené trois titres, et c’est un événement que nous n’avions pas connu depuis 2002 (toujours Bercy mis à part), il y a près de quinze ans.
Après une première journée modeste de laquelle seul Kenji Grillon sortait avec la perspective d’une médaille en bronze, c’était ensuite l’Austerlitz français à Linz, avec au deuxième jour les mises en orbite de Lucie Ignace (-61 kg), Emily Thouy (-55 kg), Alexandra Recchia (-50 kg), mais aussi celle du trio kata masculin. Quatre finales en quelques heures. Moins heureux, les combattants masculins n’étaient pourtant pas absents de cette glorieuse journée avec les médailles de bronze potentielles de Steven Da Costa (-67 kg) et Sofiane Agoudjil (-60 kg). La suite allait être à la hauteur avec deux nouvelles perspectives de médailles le lendemain pour les équipes combats, dont une nouvelle finale pour les filles, et un dernier jour en apothéose avec deux finales perdues seulement sur cinq, un sans-faute sur les médailles de bronze. Un parcours très maîtrisé qui s’appuie sur le socle d’un groupe féminin d’exception, mais aussi une jeune classe masculine qui a l’avenir devant elle et faisait sa première expérience mondiale, Steven Da Costa champion d’Europe et médaillé mondial en tête, mais aussi le trio du kata, Lucas Jeannot, Enzo Montarello et Ahmed Zemouri.
Ce résultat aurait pu être plus impressionnant encore si la France avait, comme à son habitude (en 2004, 2006, 2008, 2012, 2014) ramené ses trois médailles minimum en kata. C’était finalement une seule médaille, en argent, que la France décrochait dans les épreuves techniques, là où l’Espagne récolte encore quatre de ses cinq médailles et où les nouveaux rivaux viennent tenter de prendre leur part, comme l’Egypte, qui emporte sa troisième médaille mondiale en kata en trois campagnes successives.
Le retour du classique
C’est le Japon qui frappe plus fort que jamais à ce niveau puisque le pays fondateur emporte quatre titres en technique… pour la première fois depuis 1988. Ryo Kiyuna et Kiyou Shimizu en sont à leurs deuxièmes titres consécutifs et ils sont encore jeunes (26 et 22 ans), prêts à envisager de durer jusqu’aux Jeux de 2020. Même la novice équipe féminine, contestée de deux drapeaux par l’Italie en demi-finale, est parvenue à s’installer dans un leadership dont il sera difficile de la déloger. Fort de ce socle d’airain, le Japon va encore chercher cinq médailles en combat, dont une finale par équipes masculine contre les Iraniens qui fut l’un des grands moments de ces championnats. Ayumi Uekusa (1re en +68 kg), déjà médaillée en 2014 et surtout le grand Ryutaro Araga (1er en -84 kg) donnent à la domination japonaise une envergure exceptionnelle. Neuf médailles, comme la France, mais six titres pour huit finales ! Le Japon n’avait pas fait mieux depuis 1994.
Face à ces deux blocs forts, la France et le Japon, seule une excellente cohorte de combattants iraniens résiste avec trois médailles d’or pour six récompenses en tout. L’Egypte, remarquable deuxième nation en 2014, s’essouffle avec cinq médailles pour un seul titre et les combattants azerbaidjanais, avec trois médailles, font honneur à leur magnifique leader, Rafael Aghayev, l’homme qu’on croyait un peu usé après plus d’une décennie de domination, et qui enquille deux nouveaux titres européens en 2015 et 2016 et renoue avec le succès mondial, pour un cinquième titre individuel vertigineux. Les autres médailles sont dispersées entre les nations (le Kosovo et le Maroc prennent leur première médaille) et certaines nations plongent carrément : avec onze médailles en 2015 et douze en 2016 au niveau continental, la Turquie ne s’attendait pas à ne ramener de Linz qu’une seule médaille de bronze, obtenue en kata. Une très mauvaise passe.
La France 🇫🇷se classe au second rang des nations à Linz, derrière le Japon 🇯🇵 et devant l’Iran 🇮🇷
Félicitations pic.twitter.com/EZ5qKBN7YI
— FFKarate (@ffkarate) 30 octobre 2016
Un classique qui ne se démode pas. Les adversaires s’élèvent et rentrent dans le rang, comment l’Angleterre, l’Espagne, ou même l’Italie (quatre médailles de bronze à Linz)… mais le Japon et la France résistent au temps qui passe, affirmant leur autorité au-delà de la bonne séquence d’une génération forte ou de la réussite d’une préparation. Une culture enracinée, un patrimoine séculaire et puissant, et un travail bien mené sur le long terme. De très bons augures pour Tokyo 2020.
La reine tient les rênes
Elle était, avec Rafael Aghayev, la star de ces championnats. Malgré le titre mondial de ce dernier, on peut dire que c’est elle qui sort par le haut de la comparaison, tant elle a dominé l’événement. Sur le plan individuel d’abord, en battant d’entrée, sans frémir, la vedette locale, sa supposée « bête noire », Bettina Plank, programmée pour l’or chez elle à Linz. Cinq points avec un mawashi final, le championnat était déjà quasi gagné. En finale aussi, en repoussant une jeune japonaise gorgée de vivacité, Miho Miyahara, qui fit tout ce qu’elle put pour être la (mauvaise) surprise du jour, adossée à l’énorme succès qui se profilait déjà pour la « team » du Soleil Levant. Miho Miyahara, l’une des deux seules finales perdues par le Japon. Il fallait être « costaud » comme Alexandra Recchia pour endiguer cette marée montante.
« La première karatéka féminine à 5 titres mondiaux »
En s’affirmant en pilier de l’équipe ensuite. Elle fut rassurante, enthousiaste et surtout invincible tout du long, malgré l’accumulation des combats et leur intensité. Comme d’habitude, il lui fallut descendre très rapidement de son podium individuel pour aller s’aligner en finale par équipes (une situation incongrue qui ne choque toujours pas les organisateurs !). Elle sort de cette aventure lessivée, blessée (notamment un énorme hématome au bras récolté dès le début de la compétition), mais « couverte d’or ». Avec deux titres à Linz, elle est cinq fois championne du monde, trois fois en équipe, deux fois en individuel en 2012 et 2016. En 2014 elle était deux fois médaillée. Sept médailles mondiales, dont cinq titres, pour une carrière mondiale commencée en 2008 à Tokyo, c’est juste monumental.
« C’est juste énorme ! »
« Je suis une capitaine extrêmement fière de son équipe. Les filles ont assuré et n’ont pas eu besoin de moi sur la finale. Nous sommes une belle équipe et j’espère que l’on va encore faire de belles choses. Pour ce qui est de mon titre individuel, je n’ai pas tellement pu savourer car j’étais déjà focalisée sur les équipes mais c’est quand même mon deuxième titre individuel, mon cinquième au total… C’est juste énorme ! Surtout que trois semaines avant la compétition, j’étais au fond du seau, avec de très mauvaises sensations, n’arrêtant pas de pleurer et de me prendre la tête après chaque entraînement… Mais Yann (Baillon) et Florian (Malguy) ont su trouver les mots justes qui m’ont permis de totalement changer d’état d’esprit et de me concentrer sur moi plutôt que sur la stratégie. Il a fallu attendre les dix derniers jours pour que je me sente bien, mais de là à me dire que j’allais ramener deux titres… »
Thouy, l’avènement suprême
La troisième médaille d’or ? L’étonnante, l’impérieuse Emily Thouy en -55 kg. Médaillée européenne et mondiale en 2014 alors qu’elle était encore très inattendue, championne d’Europe 2015, celle qui était la petite jeune du groupe féminin champion du monde par équipes en 2012, arrivait à Linz avec le poids d’un seul accroc, mais qui lui pesait, à ce formidable parcours, un échec rapide aux championnats d’Europe 2016. Mais c’est la dynamique positive qui l’emporte, comme si rien ne pouvait vraiment l’atteindre. La solide Espagnole Cristina Ferrer-Garcia, deux fois médaillée continentale en 2015 et 2016, battue de quatre points d’entrée, puis la Norvégienne Bettina Alstadsaether sur le même score, puis la dangereuse combattante de Taiwan Tsu-Yun Wen, qui menait encore d’un point à vingt secondes de la fin, avant que Thouy n’aille la chercher et lui planter le point décisif sur le gong. La demi-finale ? Contre la Malaisienne Syakilla Salni Jefry Krishnan, première à Dubai, deuxième à Salzbourg, troisième à Istanbul, deuxième à Hambourg cette année… Du solide ! La Française menait 2-0 et résistait à la pression pour l’emporter 3-2. En finale, c’est une Brésilienne qui se présentait. Ancienne championne du monde juniors 2005, Valéria Kumizaki avait marqué l’année 2015 avec huit sorties majeures pour sept médailles, dont trois d’or et encore deux victoires en 2016. Le combat était stressant avec notamment trois pénalités contre la Française et une grosse pression adverse, mais Emily Thouy se souvenait de 2014 et n’allait pas lâcher la victoire cette fois-ci. La France compte une nouvelle championne du monde. Elle a 23 ans.
« Peur de revivre Brême »
« J’avais une grosse pression en arrivant en Autriche car j’avais annoncé que je n’y allais pas pour une belle prestation, mais juste pour l’or. Quand je me suis qualifiée pour la finale, j’ai de suite pensé à ma finale de Brême (Défaite contre l’Italienne Cardin, NDLR) et j’ai eu peur de revivre la même chose. Heureusement que mon coach était là et qu’il me connaît par cœur, pour me canaliser et me dire qu’on allait le faire, car c’était mon jour et mon destin. Et après, je suis juste allée la chercher. »
Quatre finales successives pour trois titres
Championne du monde par équipes féminines combat 2010 et 2012, finaliste en 2014, la France a renouvelé progressivement son groupe féminin sans cesser de dominer les débats. Cette fois, autour d’Alexandra Recchia, on retrouvait Lucie Ignace, Leila Heurtault dans un rôle leader et Alizée Agier.
Tandis que Lucie Ignace faisait match nul avec Vanesca Nortan, deux médailles mondiales et deux titres européens en +68 kg, c’est Leila Heurtault qui apportait au premier tour la victoire décisive sur les Néerlandaises. Les Iraniennes étaient redoutables au second tour, mais Heurtault faisait encore la décision en battant l’immense Hamideh Abbasali, une +68 kg troisième à Paris et première à Rotterdam en 2016, mais surtout finaliste mondiale en 2014 et médaillée en 2016. Lucie Ignace battue, Recchia surprise par un gros ura-mawashi dans la dernière minute, tout était réuni pour un mauvais karma. Mais Alexandra redressait la barre sans paniquer et concluait ce tour difficile. Tandis que l’Egypte se faisait battre par les Espagnoles, qui sortaient aussi les Russes et les championnes d’Europe azerbaidjanaises, la France expédiait les Etats-Unis par Heurtault et Recchia pour s’offrir une demi-finale inhabituelle face aux Equatoriennes, victorieuses des grandes rivales turques. Elles ne tenaient pas longtemps face aux deux mêmes, avec une victoire par 8-0 de Recchia sur son adversaire Jacqueline Factos. Il restait une finale à gagner contre les dangereuses Espagnoles, finalistes malheureuses en 2004, 2006, 2008 et 2010, qui entendaient briser ce signe indien. Mais Leila Heurtault ne lâchait pas un pouce de terrain : elle dominait la médaillée mondiale 2014 Rocio Sanchez-Estepa et mettait la France en bonne posture. La responsabilité passait à la jeune Alizée Agier face à Cristina Vizcaino-Gonzalez, une grande -68 kg deux fois médaillée européenne en 2014 et 2015. Elle est dominée d’un point jusqu’à vingt secondes de la fin… avant de trouver l’ouverture pour un coup de pied au corps ! La France retrouve son titre de championne du monde, comme en 2010 et 2012. Un bail qu’on souhaite ne jamais voir cesser.
Tandis que Lucie Ignace faisait match nul avec Vanesca Nortan, deux médailles mondiales et deux titres européens en +68 kg, c’est Leila Heurtault qui apportait au premier tour la victoire décisive sur les Néerlandaises. Les Iraniennes étaient redoutables au second tour, mais Heurtault faisait encore la décision en battant l’immense Hamideh Abbasali, une +68 kg troisième à Paris et première à Rotterdam en 2016, mais surtout finaliste mondiale en 2014 et médaillée en 2016. Lucie Ignace battue, Recchia surprise par un gros ura-mawashi dans la dernière minute, tout était réuni pour un mauvais karma. Mais Alexandra redressait la barre sans paniquer et concluait ce tour difficile. Tandis que l’Egypte se faisait battre par les Espagnoles, qui sortaient aussi les Russes et les championnes d’Europe azerbaidjanaises, la France expédiait les Etats-Unis par Heurtault et Recchia pour s’offrir une demi-finale inhabituelle face aux Equatoriennes, victorieuses des grandes rivales turques. Elles ne tenaient pas longtemps face aux deux mêmes, avec une victoire par 8-0 de Recchia sur son adversaire Jacqueline Factos. Il restait une finale à gagner contre les dangereuses Espagnoles, finalistes malheureuses en 2004, 2006, 2008 et 2010, qui entendaient briser ce signe indien. Mais Leila Heurtault ne lâchait pas un pouce de terrain : elle dominait la médaillée mondiale 2014 Rocio Sanchez-Estepa et mettait la France en bonne posture. La responsabilité passait à la jeune Alizée Agier face à Cristina Vizcaino-Gonzalez, une grande -68 kg deux fois médaillée européenne en 2014 et 2015. Elle est dominée d’un point jusqu’à vingt secondes de la fin… avant de trouver l’ouverture pour un coup de pied au corps ! La France retrouve son titre de championne du monde, comme en 2010 et 2012. Un bail qu’on souhaite ne jamais voir cesser.
« Une grosse cohésion qui a aidé »
« Ce format de compétition, avec la finale le lendemain des éliminatoires, reste quelque chose de compliqué. Mais les filles ont vraiment su me remobiliser et me déstresser alors que j’avais vraiment peur d’être crispée. Et derrière, ça a déroulé ! Quand on a une cohésion aussi forte que la nôtre, vraiment, ça aide. Et pour moi qui ai toujours du mal à réaliser quand je gagne en individuels, de voir les filles super heureuses m’a fait donné un énorme plaisir.»
Ignace au rendez-vous
Sur le moment, la défaite de Lucie Ignace en finale des -61 kg était une déception. La championne du monde 2012 (dans la catégorie inférieure) avait commencé sa journée de qualification doucement, avec une victoire aux drapeaux contre la Tchèque Lucie Veithova, sans même faire l’unanimité des juges, puis une toute petite victoire sur la Mexicaine Merrillela Arreola. Et c’est finalement le combat suivant, contre l’Ukrainienne Serogina, vaincue 2-0, qui lançait sa compétition. C’était en effet cette combattante, championne d’Europe 2013, médaillée en 2014, qui l’avait sortie du championnat du monde 2014. Son quart l’opposait à la Serbe Jovana Prekovic, vice championne d’Europe espoirs et déjà troisième des championnats d’Europe seniors cette année. Encore une fois entraînée vers le match nul, elle claquait le mawashi sur le gong. La Chinoise Xiaoyan Yin allait être une formalité en demi-finale. Mais la finale l’opposait à l’invincible Egyptienne Giana Lotfy, championne du monde espoirs 2013, championne du monde seniors 2014, invaincue depuis deux ans. Et Ignace, qui craignait cette adversaire, ne parvenait pas à l’empêcher de marquer le premier point et de gérer sa finale. Lucie Ignace battue, mais finaliste mondiale pour la première fois en -61 kg après deux titres successifs européens en 2015 et 2016, la tendance n’est pas si mauvaise. Et la Réunionnaise n’a toujours que 23 ans…
« Je ne vais pas cracher dessus »
« Il faut relativiser car cela reste quand même une finale mondiale, qui arrive après mon sacre européen. Deuxième sur soixante-dix, je ne vais pas cracher dessus et je me dis que si ce n’était pas pour cette année, ce sera pour la prochaine fois. Je vais garder le cap et continuer à travailler pour la suite, pour trouver les solutions à l’avenir. Ça s’est joué à vraiment pas grand-chose, parce que j’ai réussi à moins stresser contre cette adversaire (L’Égyptienne Lotfy, NDLR) que je redoutais fortement auparavant. C’est du très haut niveau, tout se joue à quelques fractions de seconde et, si ça a encore basculé pour elle, je sais que mon moment arrivera. J’y crois très fort en tout cas ! »
La confirmation mondiale
Ils sont spectaculaires. Trois jeunes étoiles, les deux Franciliens de Villepinte dans le 93, Lucas Jeannot et Ahmed Zemouri, et le Marseillais de l’Estaque, Enzo Montarello, qui brûlent ensemble comme des tisons de Noel depuis leur réunion il n’y a pas si longtemps, à l’open de Paris 2016. Depuis ils ont gagné le championnat d’Europe et se hissent à Linz en finale du championnat du monde, preuve collective que tout est possible dans le kata, les longues patiences frustrées comme les intrusions rapides, pour peu qu’on y mette l’enthousiasme et le talent. Le trio français battait l’Allemagne au premier tour, et surtout la redoutable Italie, qui ne s’inclinait que d’un drapeau, éternelle bataille entre le dynamique « Unsu » français et le majestueux Gankaku transalpin.
Déstabilisée par la blessure d’Ahmed Zemouri à la cuisse juste avant la finale, le groupe France donnait pourtant son meilleur, mais ce n’était pas suffisant pour contester la suprématie d’une formidable triplette japonaise emmenée par le double champion du monde individuel Ryo Kiyuna. Le Japon est désormais inaccessible à l’adversité en kata pour les trois ans qui viennent et c’est une donnée à intégrer. Avec leurs 23 ans de moyenne d’âge face à des rivaux trentenaires, les Français confirment qu’ils sont la meilleure équipe d’Europe. D’excellent augure en vue de Tokyo 2020.
© Denis Boulanger / FFKDA
« On va rester soudés »
On a un peu de mal à savourer cette médaille même si cela reste dans l’ensemble une très belle compétition. Il ne faut rien regretter car on a tout donné dans nos kata et nos bunkai, et ce dès les premiers tours. On vit les émotions à trois, dans les victoires comme dans les défaites, et on va rester soudés derrière. On sait qu’il y a des choses à faire pour nous améliorer, et on va repartir au boulot. C’est beaucoup de frustration car, au début de l’échauffement pour la finale, Ahmed s’est fait une déchirure musculaire au niveau de l’ischio-jambier droit. Du coup, il n’a pas eu l’impression d’être allé à la « guerre » avec toutes ses armes. Nous avons donné ce que nous avons pu mais les Japonais ont été largement meilleurs, c’est le jeu de la compétition et il faut savoir accepter la défaite.
Un tir groupé
Si les filles sont en or, les garçons sont de bronze. Un métal qui pèse déjà son poids d’assurance et de solidité. Ni l’expérience de Kenji Grillon, battu par l’Azerbaidjanais Aykan Mamayev, vice champion d’Europe 2015, ni le brio de Steven Da Costa ne parviennent à emporter le morceau. Steven Da Costa en particulier regrettera longtemps une accession en finale ratée contre le Franco-hongrois Yves-Martial Tadissi, un adversaire de coupe de France, mené de deux points et finalement vainqueur par 4-2… Le Hongrois est ensuite largement dominé en finale par le champion d’Europe 2014, l’Anglais Jordan Thomas. Somme toute, une compétition qui était faite pour l’éclosion mondiale du champion d’Europe de 19 ans. Une occasion manquée… Sofiane Agoudjil (-60 kg) épatait tout le monde avec un parcours formidable dans lequel il écartait tout simplement le Brésilien Douglas Brose, champion du monde 2010 et 2014, médaillé en 2008, finaliste en 2012 (!), un homme au sommet de son art, sorti sept fois à haut niveau, pour cinq médailles d’or dont deux titres continentaux depuis son dernier titre mondial. Mais au sortir d’un marathon escarpé, le Français devait s’incliner devant l’Iranien Amir Medhizadeh, l’autre homme fort de la catégorie, champion du monde 2012 et médaillé 2014, avant de prendre un nouveau titre à Linz. Trois frustrations, mais aussi et surtout trois réactions. Kenji Grillon battait sur le gong dans un combat acharné – qui avait commencé par un balayage contre lui – le champion du monde en titre, le Géorgien Arkania Gogita, Steven Da Costa surclassait son rival désigné, et bête noire affirmée, le Turc Burak Yugur, vice champion d’Europe 2015. Quant à Sofiane Agoudjil, il concluait sa fantastique aventure autrichienne par une victoire sur Lucas Maresca, l’Italien champion d’Europe 2015, qui menait encore à vingt secondes de la fin de deux points dans un combat terrible. Trois belles fins pour des médailles très convaincantes.
Performants individuellement, les masculins français ont su l’être aussi en équipe. En difficulté d’entrée contre les Biélorusses, recadrés, les Français réajustaient le tir contre le Brésil et l’Afrique du Sud, écartés par 3-0, et réussissaient un coup d’éclat en sortant les Egyptiens grâce à Kenji Grillon, Marvin Garin et Logan Da Costa, vainqueur du champion du monde 2012 et finaliste 2014 Magdy Hanafy. Mais les champions du monde iraniens allaient marquer leur autorité sur cette jeune équipe championne d’Europe en les balayant par 3-0, dont un terrible 9-1 de Sajad Ganjzadeh sur Jessie Da Costa. Comme en individuel, cette équipe masculine allait montrer son tempérament en assumant d’affronter les champions d’Europe 2014, médaillés en 2015, les féroces azerbaidjanais regroupés autour d’Aghyaev. Mais si le maestro parvenait à maîtriser Steven Da Costa, Corentin Séguy avait mis l’équipe dans le bon axe avec un 6-0 d’entrée, Kenji Grillon, en patron, battait Asiman Gurbanli (3-1) avant que Marvin Garin ne balaie d’entrée le vice champion du monde et vice champion d’Europe poids lourd, Shahin Atamov (5-2).
Quatre médailles masculines ? On n’avait pas réussi ce tir groupé depuis 2004.
Linz ne leur a pas souri…
L’impeccable championne d’Europe Anne-Laure Florentin (+68 kg) perdait d’entrée sur la championne continentale, l’Equatorienne Valeria Echever. La championne du monde en titre Alizée Agier (-68 kg), réussissait l’exploit de sortir la Suissesse Elena Quirici, vice championne d’Europe 2015 et championne d’Europe 2016, puis l’Equatorienne Carmen Harrigan, première du championnat
continentale 2015 et victorieuse du « Premier League » du Brésil, mais elle était surprise par la Monténégrine Marina Rakovic, troisième du championnat d’Europe 2015, mais aussi 2012 et 2013.
Salim Bendiab (+84 kg) s’inclinait largement au premier tour face au jeune Estonien Tanel Paabo, ancien champion cadet et junior médaillé européen et mondial en 2012 et 2013. Logan Da Costa (-75 kg) parvenait jusqu’en quart en battant le Japonais de sa catégorie, mais se faisait surprendre par l’Arménien Seryozha Sargsyan, sans référence en senior, mais médaillé mondial espoir en 2015.
En kata, Alexandra Feracci se hissait jusqu’en quart en écartant l’Emirati Alakrawi Salama, l’Azerbaidjanaise Neda Rezei, la Croate Vlatka Kiuk, puis la championne d’Europe espagnole Sandra Jaime-Sanchez qui se faisait battre en demie par la Japonaise. William Geoffray rencontrait dès le premier tour le Vénézuélien Antonio Diaz, constamment médaillé depuis 2002 et champion du monde 2010 et 2012, lequel perdait aussi dans le tableau face au Japonais. Enfin, le trio féminin passait la Grèce et prenait un drapeau à l’Espagne, championne d’Europe en titre, mais s’inclinait en repêchages face aux Égyptiennes par quatre drapeaux.
Emmanuel Charlot