Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Kenji Grillon, les secrets de Linz
Histoires d’entraînement. Aux championnats du monde de Linz, en Autriche, la France a décroché neuf médailles, terminant deuxième meilleure nation. Un succès construit bien en amont, au fil notamment des différents stages de préparation. Comment s’est passée cette prépa ? Nous avons posé la question à Kenji Grillon, champion du monde 2012 et bronzé à Linz à quelques jours de l’Open de Paris. « Ce groupe, c’est un bon groupe, motivé et soudé pour gagner, énumère l’athlète. On se charrie et on rigole beaucoup. » Récit en trois épisodes qui ont marqué le natif de Bondy.
Le plus dur : Des combats à rideaux tirés. Une préparation, ce sont d’abord des moments de travail intense. Des entraînements effectués les dents serrées, pour repousser ses limites et progresser. « Au début de la prépa, on a morflé », confirme Kenji Grillon. Fin juillet notamment. Les Bleus sont au Centre National d’Entraînement (CNE) de Castelnau-le-Lez, dans la banlieue montpelliéraine. « Je me rappelle d’une journée, et je pense que, chez les garçons, nous nous en souvenons tous. Tôt le matin, on a commencé par faire une grosse séance de CrossFit. L’objectif, c’était de ne surtout pas lâcher mentalement, de tenir tous ensemble. Une fois terminé, nous sommes vite rentrés. Nous avons à peine eu le temps de récupérer, et nous sommes repartis pour une grosse séance de combat.»
Ce jour-là, tout le monde se donne à fond et même un peu plus. Les garçons sont dans une période de sélection. Il faut dégager une équipe en vue des championnats du monde, et chacun veut prouver sa valeur. Après le CrossFit, l’équipe masculine file donc au dojo pour combattre, dans une ambiance toute particulière.
« Les coaches avaient décidé de descendre les rideaux. C’était la première fois qu’ils faisaient ça. On était tout surpris et ça nous a marqué. On en parlait encore le jour de la compétition, à Linz. Le but, c’était de nous isoler dans une coquille. » Un cocon de souffrance, puisque les karatékas vont enchaîner les oppositions jusqu’à ne plus pouvoir. « On était divisé sur deux tatamis et on tournait tous. On s’est tapé dessus toute la matinée. Physiquement, c’était très éprouvant, mais personne ne devait lâcher. On a tenu le contrat, le staff était satisfait. »
« Je note tout ce que les coaches me disent dans un carnet. Pendant les compét’, je l’emmène avec moi. C’est très utile : aux Monde, j’ai pris deux athlètes que j’avais étudiés donc ça m’a vraiment beaucoup servi. »
Le fou rire : Un foot en aquaplaning. Pour le tout dernier rassemblement avant de s’envoler pour Linz, retour au CNE pour trois jours de stage cohésion. Garçons, filles, kata, kumité : ils sont tous là. Quand on évoque cet épisode, le pensionnaire de l’AS Sarcelles s’enthousiasme tout de suite : « Ah oui, c’était vraiment bien ! L’ambiance était super bonne. » Au programme : du quad, un laser-game, un passage en thalasso, mais aussi un peu de karaté, tout de même, « pour peaufiner les réglages ». Un épisode a particulièrement marqué le capitaine, et son rire sonore et communicatif vient régulièrement entrecouper cette histoire.
« On a fait un petit foot entre garçons, mais c’était au moment des intempéries et le terrain était super glissant… Du coup, on a passé plus de temps parterre que ballon au pied. Notre buteur, c’était Amin (Bouazza). Bon, il a pas mal vendangé mais il a quand même mis ses buts. Et celui qui a pris les plus grosses gamelles… bah, c’est moi ! (Rires) J’avais des baskets et du coup je n’avais aucun appui. Dès que je courais, je tombais ! À un moment tout le monde rigolait parce que j’essayais de me rattraper, mais c’était encore pire et je retombais aussitôt. Il faut savoir que je suis mauvais perdant, au foot comme ailleurs, donc il fallait absolument que je gagne. Et ça m’énervait de tomber ! Et plus j’étais énervé, plus je prenais des gamelles. » (Rires)
Si ces moments de détente sont très importants pour souder un groupe à la veille d’une compétition, ils sont aussi très appréciés des athlètes. « La prépa a été bonne mais on a bouffé du karaté. Donc ce dernier stage nous a permis de penser à autre chose, de nous amuser, histoire d’être frais mentalement pour le jour J. »
La botte secrète : Les carnets de Kenji. Miné par les blessures, le champion du monde 2012 avait un peu perdu son karaté ces derniers mois. « Je suis passé à côté de plusieurs compétitions, je ne retrouvais pas mes sensation et ça commençait à m’énerver ». Sur conseil de son coach Olivier Beaudry, il a commencé il y a quelques mois à travailler avec H&N Smart Motion, une agence qui propose du coaching basé sur l’Intelligence Motrice Sensorielle et Cognitive (IMSC). La méthode consiste à libérer mouvements et gestes préférentiels. Une méthode qui paye selon l’athlète. Il affirme retrouver petit à petit son vrai niveau.
L’équipe s’est également mise à étudier avec minutie les adversaires potentiels du Tricolore. « On regarde des vidéos avec les coaches, on analyse leurs points forts et leurs points faibles, et je note tout ce qu’ils me disent dans un carnet. Pendant les compét’, je l’emmène avec moi. Et quand je connais mon adversaire, je me replonge rapidement dans les notes. Les adversaires je les connais déjà un peu parce que j’ai bossé sur ces profils à l’entraînement. Mais dès que je sais qui je vais prendre au prochain tour, je relis et tout me revient en tête, je sais ce que je dois faire. C’est très utile : aux Monde, j’ai pris deux athlètes que j’avais étudiés donc ça m’a vraiment beaucoup servi. Bon par contre Mamayev (l’Azéri qui l’a battu en demi-finale), c’est un peu de ma faute. (Rires) C’est un karaté que je n’aime pas trop donc je ne l’ai pas trop analysé.» Pas moyen de savoir plus précisément en quoi consistent ces notes. « C’est top secret », réplique-t-il en riant.
Ce qui est sûr, c’est que les feuilles du carnet encore vierges devraient se noircir rapidement. « Je n’ai commencé ces notes que très récemment. Linz, c’était ma première véritable compétition avec. Je vais continuer bien sûr ! Parce que ça marche, et plus on a des donnés sur l’adversaire, mieux c’est. »
Gaëtan Delafolie / Sen No Sen