Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Ils sont les hommes et les femmes de l’ombre. Ils donnent près de 40 week-ends par an au karaté français, avec la pression d’un lieu à transformer pour l’heure H et un fastidieux travail de manutention. D’eux dépend la réussite de chaque événement, de la pesée à la remise des médailles en passant par le tirage au sort et l’affichage. Ils ne le font pas pour qu’on parle d’eux. Ils le méritaient quand même.
Palais des Sports de Lille. Plus de soixante personnes pour tout mettre en place pour l’heure H. / Photo : Denis Boulanger / FFKDA
9h17, samedi 3 décembre, Palais des Sports Saint-Sauveur de Lille, la catégorie des -60kg lance la coupe de France combat. La seconde consécutive dans la ville phare des Hauts de France, comme l’on dit maintenant. Didier Perrin, responsable du tapis n°1 donne le Hajime du premier combat de la journée entre Mhani Ziane (US Créteil) et Guilaume Lacava (KC Joeuf)… Une énième compétition pour la plupart de ces combattants et les 44 arbitres qui vont officier ce week-end. Presque normal. Septime Hounkpatin, responsable de la commission sportive adresse un clin d’œil discret à Mireille Bertuzzi assise à quelques mètres à la table centrale. « On se comprend. La compétition est lancée, tout est en place pour les combattants et nous avons tous relevé un nouveau challenge. C’est un défi à chaque fois », dit sobrement cet ancien cadre chez France Télécom avant de décrocher son téléphone pour s’assurer que le matériel est aussi arrivé à Toulouse pour un Open régional.
Contre la montre Une course contre la montre quasi chaque week-end renouvelée. « C’est exactement ça ! 40 week-ends par an en moyenne rien que pour le karaté, nous avons cette pression et cette adrénaline parce que tout doit être prêt à temps. La semaine passée, à Rouen pour la coupe de France kata, nous avons du attendre la fin du match de basket pour pouvoir commencer à nous installer », explique le chef d’orchestre qui s’appuie sur la quinzaine de bénévoles –comme lui– de la commission sportive.
Des milliers de mètres de câbles…
Photo : Denis Boulanger / FFKDA
Plus de 50 personnes tard dans la nuit H-17 et 16h, la veille. La salle vient de se vider d’un entraînement de GRS, Ils sont une soixantaine à s’affairer. Les membres de la commission sportive et 50 volontaires locaux mobilisés par Bruno Verfaillie au sein de son club de l’ASPTT Lille. Ordinateurs, écrans led, caméras pour le vidéo replay et flightcase pour les protéger, balances, box des coaches, tables, nappes, bâches de décoration, kakémonos, chemins de câbles, des centaines de mètres de rallonge électrique… On déballe, on installe. La check list est impressionnante. « Pour une compétition, c’est entre un et trois camion de 20m3 qu’il faut charger, acheminer, décharger, charger à nouveau… » explique Septime Hounkpatin, alors que Mireille et Catherine Vincent s’affairent autour des PC et de l’imprimante de la table centrale. « Cette équipe possède deux signes distinctifs : tout le monde est polyvalent et tous sont aussi arbitres, de niveau régional à mondial parce que ce sont eux qui doivent répondre aux questions réglementaires chaque week-end.»
« Pause pizza » 20h30. Bruno Verfaillie met ses deux mains en porte-voix : « Pause pizza de 20 minutes pour tout le monde, venez manger ! ». Et celui qui porte la responsabilité de l’événement pour la ligue Flandre-Artois de commenter ce ballet d’énergie : « Ce qui compte dans une aventure comme celle-là, c’est que tout le monde comprenne que l’on se met au service des autres, en prenant du plaisir, en le transmettant aussi. C’est du bénévolat, mais cela n’empêche pas la qualité de notre travail. Je les implique tous dans le projet en expliquant que chaque maillon est indispensable. On commence à travailler sur le projet au mois de mai, avec une commission de dix personnes, chacune en charge d’un secteur (restauration, sécurité, bar, gestion des compétiteurs, compétition…).»
Six mois de préparation « À partir du mois de juin, nous sollicitons les bénévoles du club en leur présentant le projet. Les relances se font jusque dans les cours jusqu’en octobre.» Le point clé ? L’accueil. On n’est pas dans le Nord pour rien ! « Le sourire, le plaisir de recevoir, ce sont des attitudes qui en disent beaucoup. Après, on fait des réglages, notamment sur le tri plus en amont des compétiteurs cette année pour qu’ils attendent le moins possible, que ce soit plus fluide au bord du tapis.» À quelques mètres, Thierry, Patrick, Marie-Laure, Laurent, Alexandre, Molly et les autres sont déjà repartis au charbon. Une équipe bien rodée qui bientôt pourrait se voir confier un championnat de France seniors.
Un sacerdoce assumé « Avec Bruno, nous travaillons bien ensemble depuis deux ans, souligne Septime Hounkpatin. Pour nous, je crois que c’est une forme de compétition, un combat même. On reçoit parfois des critiques de la part de certains spectateurs ou combattants, mais ils sont très rares. C’est un sacerdoce, mais assumé, voulu et quand on vient nous remercier, que l’on voit ce que nous avons été capables de faire à Bercy en 2012 et que nous avons été associés au succès de l’équipe de France, c’est notre récompense. Pourquoi nous faisons ça ? Parce qu’e nous aimons simplement le karaté, les combattants et que leur mettre ça à disposition, c’est notre plaisir. Moi-même, j’ai une nature qui m’empêche de dire bravo aux gens, mais ils savent que je leur fais confiance et que je suis heureux, humainement, de partager ça avec tous ceux que tu vois ce soir.»
Une coupe de France
en chiffres
500 spectateurs
400 à 500 m2 de tatamis
388 compétiteurs
50 bénévoles Ligue Flandre-Artois
15 bénévoles permanents
10 écrans
4 surfaces de tapis
2 bâches de 4m x 14m
…
« Le goût des autres » Entré à la commission sportive en 1987, Patrick Hai, ancien arbitre continental, est de ceux-là. Cet homme très discret passe ses week-ends de gymnases en gymnases. Plus encore depuis 2004 quand il a pris sa retraite de commerçant. « J’ai tenu un bar-brasserie pendant 36 ans. Disons que cette première vie m’a donné le goût des gens. Ici, j’ai l’expérience, mais je ne suis pas là pour faire le gendarme. Nous sommes une équipe, alors il faut parler avec beaucoup de respect aux autres. Il vous le rende toujours.En trente ans, l’organisation est passée des tirages au sort manuels écrits au stylo et au gong – c’est à peu près tout ce qu’il nous fallait–, à de plus en plus de matériel et de compétiteurs. Sur le dernier Open Adidas par exemple, ils étaient 1300… » Paroles d’un 6e dan passionné qui s’entraîne encore au KCVO Villepinte et a même monté un autre petit club à la rentrée à Nantouillet, en Seine-et-Marne.
Un combat « C’est sûr que ce n’est plus de la petite bricole. Les podiums, les écrans de leurs caisses, les milliers de mètres de câble, les tentes d’accueil… c’est beaucoup de manutention. Mais j’aime cette ambiance. Pour moi, la compétition commence dès que je reçois ma convocation, dans la semaine. J’arrive le vendredi sur le lieu de compétition et je repars le dimanche, parfois tard dans la nuit pour aller décharger le matériel à la fédération. C’est un engagement, mais un vrai plaisir pour moi. Je coupe à Noël et deux mois l’été, le reste du temps, c’est pour le karaté.»
Minuit. Les lumières s’éteignent au Palais des sports. L’arène est prête. Demain, tout (re)commence.
Vivez les dessous de la dernière coupe de France combat à Lille en images ci-dessous :
Les membres de la commission sportive
Mireille Bertuzzi, Martial Bervin, Véronique Bourban, Valérie Chambi, Jack Corroyer, Jean-Claude Gaslonde, Pascal Goule, Véronique Goule, Patrick Hai, Hassan Koudali, Jean-Claude Lescalier, Roger Molina, Laurence Ormancey, Dominique Roux, Catherine Vincent.
Olivier Remy