L’ES Vitry-sur-Seine Karaté, comme une deuxième famille
Apprentissage et proximité en Val-de-MarneIls n’en sont pas toujours les pièces les plus visibles mais restent essentiels au puzzle qui constitue le karaté français. Eux ? Ce sont les clubs, à la rencontre desquels nous vous proposons de prendre le temps d’aller. Après le KC Châteauroux, l’Okinawa Karaté Club du Havre, le Shito Ryu Karaté Do Tarentaise, le club de Saint-Pierre et Miquelon, le Shaolin Toulouse, le Dojo Lantonnais, le KC Vauréen et l’AMAO Karaté d’Oléron, place cette fois à l’ES Vitry Karaté, qui fait la part belle à la jeunesse.
En cette fin d’après-midi de juillet, il règne comme un parfum de grandes vacances du côté de Vitry-sur-Seine, ville du sud de la banlieue parisienne. Guère surprenant, l’année scolaire est sur le point de s’achever, alors que la saison sportive est déjà terminée. La chaleur, enfin, est accablante. À première vue, le complexe sportif Georges-Gosnat semble donc logiquement désert. Une impression trompeuse, car le dojo est en pleine ébullition. Et pour cause : un cours de karaté y est donné. « Pour nous, les vacances n’ont pas encore commencé », déclare, amusée, Maryse Berret.
L’accès à la compétition, un tournant
Membre du bureau depuis vingt-deux ans, Maryse est, en quelque sorte, la « mémoire » du groupe. Si l’Entente Sportive de Vitry est née en 1924, la section karaté de ce club omnisports a, de son côté, vu le jour en 1976. Pendant de longues années, la pratique est presque exclusivement tournée vers le loisir. Cela change toutefois avec le passage de Jérôme Frigout entre 2004 et 2008. Ce professeur impulse une nouvelle dynamique en mettant l’accent sur la compétition. « Avant, seulement quelques adultes s’alignaient sur ce genre d’événements, raconte Maryse. Jérôme a démocratisé l’accès à la compétition, en insistant sur le fait que ce n’était pas réservé aux plus forts et aux plus gradés. » À partir de là, le nombre de licenciés augmente de manière significative. « J’étais dans un autre club, et j’ai voulu venir ici parce que j’ai entendu dire que l’on pouvait se préparer au mieux pour les compétitions, » précise d’ailleurs Loris, 16 ans, cinquième de l’Open de France cadets en janvier 2018 (+70kg).
Un rôle social
Comme Loris, de très nombreux jeunes garnissent aujourd’hui les rangs de l’ESV Karaté. Quasiment tous habitent à Vitry-sur-Seine, une commune populaire où le taux de chômage est nettement supérieur à la moyenne nationale. « Nous ne voulons surtout pas que l’argent soit un frein pour les parents, c’est pour cela que le niveau des cotisations est bas, » souffle Maryse. Selon elle, le club joue même un rôle social de premier plan auprès de ces jeunes. « Beaucoup d’entre eux vivent dans des quartiers défavorisés, explique la trésorière. Certains de ces gamins sont en situation d’échec scolaire. Ils manquent de repères. Venir s’entraîner leur permet de s’aérer l’esprit, mais ce n’est pas tout. Ici, ils évoluent dans un cadre strict, où on leur impose un code d’honneur à respecter. Et ça, c’est très important pour eux. » Avant d’ajouter : « Il est même arrivé que des parents, désemparés face aux difficultés rencontrées par leur enfant à l’école, soient venus nous demander des conseils ! » Le simple cadre sportif est bien loin en pareille occasion…
À l’écoute des jeunes
« Les jeunes peuvent compter sur un professeur très à l’écoute, » précise par ailleurs Maryse. Ce professeur, justement, qui est-il ? Âgé de 45 ans, Stéphane Walch est arrivé à l’ESV Karaté en 2009. Sa méthode ? Proximité et fermeté. « Ce qui est paradoxal, c’est qu’à titre personnel, j’ai besoin d’être dans un contexte très calme pour m’entraîner correctement, analyse ce 6e dan. Pourtant, je ne cherche pas à reproduire cela dans les cours que je donne. Je suis proche de mes élèves, je les taquine parfois, mais, en même temps, je leur fais comprendre qu’il y a un minimum de règles à respecter et que ce n’est pas négociable. » Désireux de tout mettre en œuvre afin que ses protégés brillent en compétition, Stéphane les incite aussi à ne pas négliger les passages de grades. « Mes objectifs, ce sont les leurs, insiste-t-il. Cette année, plusieurs de mes élèves ont eu envie de passer leur ceinture noire. Nous nous sommes donc mis au boulot afin qu’ils atteignent leur but. »
Un air de famille
Actuellement, la section karaté du club val-de-marnais compte 190 licenciés. « Et encore, j’ai dû mettre une cinquantaine de personnes sur liste d’attente, » soupire Maryse. Faute de créneaux suffisants, impossible en effet d’accueillir tout le monde. « Avant, il y avait un roulement, ajoute la trésorière. Les jeunes étaient inscrits pendant deux-trois ans, puis ils passaient à autre chose. Maintenant, ils restent. » Une fidélité parfaitement illustrée par Louison, jeune fille qui a noué sa première ceinture à l’âge de huit ans. « Avec une copine, nous nous étions inscrites pour apprendre à nous défendre en cas d’embrouilles avec des personnes de la cité, se souvient-elle. Je ne fais plus de compétition mais je viens toujours aux entraînements. Je veux continuer à progresser. » Désormais âgée de 17 ans, Louison est titulaire d’une attestation fédérale d’assistant (AFA), qui lui permet de s’occuper des plus jeunes. Elle s’implique également au sein du bureau, que sa mère a fini par rejoindre. « C’est un club familial, et cela se ressent, sourit Maryse, dont le fils a longtemps été licencié à l’ESV Karaté et dont le mari, lui aussi membre du club, est récemment devenu arbitre. C’est peut-être pour ça que les gens restent. Nous sommes un peu leur deuxième famille. »
« Continuer à tracer notre route »
Cet esprit de famille s’entretient tout au long de l’année, lors de rassemblements fédérateurs comme, par exemple, le repas de Noël. « Ce côté familial n’empêche pas d’avoir de réelles ambitions, assure Stéphane. Ce n’est pas parce qu’il y a une bonne ambiance et que les anciens ont un comportement un peu paternaliste vis-à-vis des plus jeunes que l’on ne peut pas effectuer un travail de qualité. » « Nous sommes un club simple mais qui offre à tous la possibilité de progresser, résume Maryse. Ce serait parfait que nous puissions continuer à tracer notre route de cette manière. » Ça, ce sera pour la rentrée. Après des vacances bien méritées.
Raphaël Brosse / Sen No Sen. Photos : Arthur Demontfaucon