L’enseignement pour ADN
Rencontre avec Christophe Brondy, professeur, directeur technique et sportif du Karaté Fontenay Shotokan (Vendée)PAROLES DE PROF… Il s’est d’abord imaginé prof de mathématiques ou instit’, avant de suivre pleinement sa passion pour devenir prof… de karaté. Christophe Brondy, 42 ans en novembre, est un enthousiaste qui s’investit jusqu’à la démesure. L’enseignement dans le sang.
« Pas un vrai métier ? »
« Tu ne veux pas qu’on essaie de te tuyauter pour avoir un vrai métier ? » En racontant l’anecdote, Christophe Brondy éclate d’un rire communicatif. Lorsque, jeune adulte, il décide pour de bon de devenir professeur de karaté, ses parents tentent de l’en dissuader. Ils ne sont pas les seuls. « À l’époque, tout le monde me disait que ce n’était pas possible financièrement ». Mais celui qui a découvert le karaté sur le tard (13 ans), s’accroche à sa passion. Motivé par les enfants qu’il trouve « formidables » et qu’il commence à entraîner dès ses seize ans. C’est à cette époque, sur le tatami du Fontenay Karaté Shotokan (FKS), qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme, Sandrine. « Il était déjà comme un adulte », rembobine-t-elle. « Quand on est ado, on a souvent autre chose à faire qu’encadrer des jeunes, mais lui c’était déjà sa fibre. » Après le lycée, le jeune couple jongle entre la fac d’histoire et le pôle France, au Mans. Mais alors qu’elle se dirige vers les concours qui la mèneront à une carrière de professeur d’histoire, lui passe ses diplômes d’entraîneur et devient en 1997 l’un des tous premiers emplois jeunes de Vendée, détaché auprès des clubs du département.
Professeur dans l’âme
Avant d’être professeur de karaté, Christophe Brondy voulait être professeur tout court, dans le sillage de M. Mazzella, prof de mathématiques au collège qui fit office de déclic pour Christophe. « Je trouvais ce type absolument génial », explique-t-il. L’adolescent est turbulent, mais plutôt doué, poussant l’enseignant à passer son élève de la 4e D à la 3e A, « où ça travaillait plus ». « Il a été le premier à me dire qu’il avait décelé un potentiel en moi et qu’il était décidé à me prendre en main ». Un personnage et une philosophie qui vont le marquer durablement, jusqu’à rapidement s’imaginer prof de mathématiques, avant de pencher vers l’histoire, puis le professorat des écoles. « Instituteur, ça lui aurait plu », sourit sa femme. « Parce que tout est à construire avec les gamins. D’ailleurs, c’est quelque chose qu’il a toujours en tête… » Mais parallèlement, sa passion pour le karaté a grandi et fini par l’éloigner du tableau noir. Sans regret puisqu’il trouve dans la discipline un formidable outil pédagogique. Mieux même que l’école. « Avoir les élèves tous les jours mais seulement sur un an, ça m’aurait frustré. Là, je peux faire grandir quelqu’un, je peux le voir évoluer. »
Un élève = Un projet
Tout comme son prof de mathématiques lui a donné sa chance, il met tout en place pour que ses élèves puissent se développer. Petit ou grand, compétiteur ou non. On le décrit comme généreux, tourné vers les autres, du genre à prendre du temps pour chacun. C’est ce qu’il appelle « avoir une vision, un projet partagé avec l’élève ». Projet qui peut être de passer un grade, de rester simplement en bonne santé, ou de décrocher un titre mondial. Comme pour Manon Spennato, couronnée en kata par équipes chez les juniors en 2015, avec Lila Bui et Perrine Mortreux. L’intéressée confirme. « Toute petite, je lui ai dit que je voulais être championne du monde. Et on l’a fait. Quand on a un objectif, il fait tout pour qu’on l’atteigne. Avant les échéances, il n’hésite pas à sacrifier un week-end en famille pour nous entraîner. » Pour nombre de ses élèves, le rôle de Christophe Brondy va au-delà du karaté. « Je peux tout lui confier, même au niveau personnel. Il sait beaucoup de choses sur moi », poursuit la jeune technicienne. Mais le professeur a beau y mettre toute son énergie et son enthousiasme débordant, la méthode ne fonctionne pas toujours. Quand il en parle, c’est le seul moment où son ton s’assombrit, où sa voix baisse. « Pour certains, je n’arrive pas à trouver le truc, je n’arrive pas à savoir où je les emmène. Et souvent, ces personnes là arrêtent. » Une minorité, puisque, notamment sous son impulsion, les effectifs sont passés de soixante licenciés dans les années 1990 à près de trois cent cinquante aujourd’hui.
Les choses en grand
À l’image de la croissance du nombre de ses licenciés, Christophe Brondy est du genre à voir toujours plus grand. Dans absolument tous les domaines comme tient à le préciser sa femme. « Si on part pour une randonnée de 2h, il y a de grandes chances qu’elle dure 4h. » Elle confesse les difficultés de son homme avec les quantités. « S’il m’annonce qu’il invite quelques gamins à la maison, je peux m’attendre à voir arriver trente-cinq licenciés ! » Jusqu’à la démesure, comme pour le spectacle organisé par le club tous les deux ans. En 2013, les quelques spectateurs des débuts sont devenus 1 300 personnes poussant les murs de la salle pour pouvoir tous rentrer. Manon Spennato éclate de rire : « Christophe n’est pas du genre à faire les choses à moitié ».« Mais il ne fait pas ça par ambition, poursuit son épouse. C’est simplement son caractère. Il part tout le temps sur de grands projets complètement fous, et il a besoin de beaucoup de liberté. » La salle de la ville étant trop petite, il a décidé… de faire encore plus grand. En étalant le spectacle sur deux soirées, devant 750 personnes à chaque fois, et en organisant 24h d’animations autour. Prochain rendez-vous fin mars 2018.
Faire rayonner le karaté
Ce spectacle bi-annuel, c’est définitivement l’une des plus grandes fiertés de Christophe Brondy. Son bébé dont il parle avec passion. Un spectacle pour faire connaître le karaté sous toutes ses formes et y amener de nouveaux adhérents, pour mettre en lumière auprès des médias la discipline qu’il aime tant. Il les énumère joyeusement : « Ouest France, TV Vendée… France 3 vient régulièrement parler du club, vous , etc. ». Organiser ce festival, c’est aussi une manière de rendre à sa ville. « Si on touche des subventions en tant qu’association, c’est parce qu’on apporte quelque chose, non seulement à nos adhérents, mais aussi au territoire. On a ce devoir de créer de l’évènement localement. » Dans une ville de 14 000 habitants, le karaté a su se tailler une place de choix – juste derrière l’indéboulonnable football – grâce à la force de ses dirigeants. « Ça me plaît de faire en sorte que le karaté soit un sport qui compte ici », savoure Christophe Brondy. Si avec tout ça, ce n’est pas un vrai métier…
Gaëtan Delafolie / Sen No Sen