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Décryptage
Testé pour la première fois à l’Open de Paris 2014, le vidéo replay fait désormais partie intégrante des grandes compétitions nationales et internationales. Salué par les arbitres comme par les athlètes, le carton vidéo est devenu un élément important du combat. Et son utilisation implique une bonne dose de stratégie de la part des entraîneurs.
La scène se passe aux derniers championnats du monde, en Autriche. Sur le tatami de Linz, Logan Da Costa fait son entrée en lice face au Japonais Daisuke Watanabe. Malmené, le Français court après le score. À quelques secondes de la fin, Watanabe porte une nouvelle estocade, validée par les quatre arbitres. 2-0, le match semble plié. C’est le moment choisi par Ludovic Cacheux pour sortir son carton vidéo. « Le point du Japonais est clair, raconte l’entraîneur tricolore, sauf qu’avant que l’arbitre ne dise yame, Logan sort un mawashi et lui met pleine tête. Aucun juge ne donne la jambe de Logan mais je n’hésite pas et je demande vidéo. » Au replay, la technique du Français est nette. Mawashi geri accordé, l’aîné des Da Costa remporte le combat 3-2 et passe au tour suivant.
À l’image de cette intervention décisive de l’ancien médaillé européen désormais sur la chaise, le carton vidéo confère un rôle plus important aux entraîneurs durant le combat. Grâce au replay, des points peuvent en effet être donnés à un combattant qui touche en deuxième, si et seulement si sa technique fait mouche avant le yame. Charge à l’entraîneur de voir l’action de son athlète et de lever le carton. « Il faut savoir se servir de cette règle, même si je n’y suis pas favorable », souligne Gérald Maître, cinquième dan et entraîneur au club de Combs-la-Ville auprès de Sofiane Agoudjil notamment. « Même si l’on est marqué, il faut continuer d’attaquer, c’est une chose que je n’arrête pas de répéter.»
« Ce qui compte, c’est la décision juste » Franck Chéreau, arbitre mondial
L’entraîneur acteur du combat Si le carton peut être utilisé dans ce cas particulier du double point, il est aussi levé dans des situations plus classiques, lorsqu’un coup échappe aux arbitres mais pas au coach. Et c’est toujours l’entraîneur qui réclame la vidéo, l’athlète pouvant, rappelons-le, être averti s’il le fait lui-même. Les combattants ont-ils néanmoins tendance à adresser un signe discret à celui qui est sur la chaise pour demander la vidéo ? « Non, chacun son boulot, réplique Ludovic Cacheux. Un athlète qui quémande auprès de son entraîneur, ça peut le faire sortir de son combat. Et puis, il n’est pas forcément le mieux placé pour juger.» En équipe de France, les karatékas ont interdiction formelle de réclamer. En club, où la relation entre athlètes et coaches est différente, ces derniers peuvent être influencés « par un regard ou un geste, même inconscient, explique Gérald Maître. Mais ça reste l’entraîneur qui décide, parce que la perception doit venir de l’extérieur.»
Quand l’utiliser ? Ce principe posé, à quel moment utiliser le carton ? Tous les coaches vous diront que c’est instinctif, qu’il n’y a pas de stratégie pré-établie. Mais tous possèdent tout de même quelques petites règles. D’abord, il faut toujours savoir si l’action se déroule bien dans l’angle de la caméra. « Si on voit la technique mais qu’elle arrive dos à la caméra, on prend le risque de perdre le carton bêtement », avertit Gérald Maître. Ensuite, chaque coach a son moment fétiche pour dégainer cet atout de sa manche. « J’ai plutôt tendance à le conserver pour les combats difficiles, explique Olivier Beaudry, entraîneur de l’équipe de France. Notamment sur les combats à médailles, car je pense que c’est dans ces moments-là que l’athlète en a le plus besoin et qu’il faut savoir être décisif.»
Adopter la bonne stratégie Une utilisation de la vidéo qui doit aussi composer avec les acteurs, les arbitres. Nombre d’entraîneurs s’appuient ainsi sur les juges avant de lever le carton. « Je l’utilise quand je suis persuadé que mon combattant a marqué et quand il bénéficie d’au moins un drapeau pour son action, détaille Olivier Beaudry. Les arbitres eux-mêmes sont assez positifs sur cette évolution de leur périmètre de compétence. « Parfois, tu lèves le drapeau parce que tu as vu la technique, tu en es sûr, mais tu es tout seul parce que les autres juges, eux, ne l’ont pas vue. C’est frustrant », souffle Franck Chéreau, arbitre international depuis 2012 et mondial depuis les derniers mondiaux de Linz. « Si le coach lève son carton vidéo et que la technique est accordée, non seulement le compétiteur n’est pas lésé, mais tu es toi aussi conforté dans ton rôle d’arbitre, celui de la décision juste ».
Rappel de la règle
Un carton « VR » (VideoReplay) est donné à chaque coach en début de combat. Un entraîneur peut seulement demander vérification pour une technique réalisée par son combattant. Il lève alors son carton et le remet à l’arbitre superviseur. Le combat est interrompu, le temps pour l’opérateur vidéo de vérifier les images, et le chef de tatami donne ensuite sa réponse. Si la demande est acceptée, des points sont attribués et le carton est rendu au coach. Si elle est refusée l’entraîneur perd son carton jusqu’à la fin de la compétition, et ne le récupère qu’en cas de combat pour une médaille.
Gaëtan Delafolie/Sen No Sen
la rédaction