Ce lundi 20 mai 2019, la Fédération Française de Karaté dévoile son nouveau site internet ffkarate.fr «relooké» et restructuré afin…
Deux nations, une passion
La France et le Japon main dans la main pour un stage enfants inéditQuelques jours après l’Open de Paris où elles se sont taillées la part du lion (six titres sur les quatorze en jeu), les équipes nationales japonaise et française se sont retrouvées sur les tatamis de l’Institut du Judo. Deux heures passées au beau milieu d’un demi-millier de karatékas en herbe, repartis des étoiles plein les yeux, le Pays du Soleil Levant dans un coin de la tête et le karaté plus que jamais chevillé au corps.
Cinéma, spectacle vivant, arts, gastronomie, musique… Depuis juillet dernier, les amoureux du Japon s’en sont donné à cœur joie grâce à Japonismes 2018, saison culturelle soutenue par les gouvernements nippon et français pour célébrer dans tout l’Hexagone le cent-soixantième anniversaire de leurs relations diplomatiques et les cent-cinquante ans du début de l’ère Meiji, marquant l’ouverture de l’archipel sur l’Occident. Huit mois de festivités (derniers événements en ce mois de février, en savoir plus sur www.japonismes.org) lors desquels le karaté avait forcément sa place et son mot à dire.
Six profs champions du monde
Dans l’écrin bondé de l’Institut du Judo, ce sont plus de cinq cents poussins, pupilles et benjamins qui ont bravé la neige et le froid mercredi 30 janvier pour un stage hors norme, avec rien de moins que six champions du monde en éducateurs d’un jour. Escortés par Gwendoline Philippe et Ken Nishimura, tout frais vainqueurs de l’Open de Paris, et de jeunes internationaux des deux pays, les Japonais Kayo Someya et Ryutaro Araga et les Français Alizée Agier, Jacques Tapol et Steven Da Costa n’avaient qu’à se laisser emporter par l’enthousiasme de Thierry Masci, parfait Monsieur Loyal dans son survêtement « Japan » tout indiqué pour l’occasion. À quelques mètres de cet alignement d’excellence, Enzo, neuf ans, trépignait d’impatience alors que les tambours japonais résonnaient dans les enceintes pour battre le rappel. « C’est incroyable de réunir tous ces champions sur le même tatami, glissait-il en tortillant sa ceinture verte. Ça va sûrement être l’entraînement le plus dur de toute ma vie, car je crois qu’on va vraiment terminer fatigué. » Pour Anne-Isabelle Bolvin, professeure du Neuilly-Plaisance Karaté Club en Seine-Saint-Denis, cette expérience s’annonce comme une formidable occasion « pour ouvrir les yeux aux jeunes, à même d’échanger quelques moments de complicité avec des sportifs qu’ils reconnaissent puisqu’ils viennent de les suivre à la télévision ».
Le karaté pour seul langage
Placés en miroir pour l’échauffement, apprentis et champions ne firent vite plus qu’un par un jeu d’ateliers sur les huit surfaces de l’enceinte de la Porte de Chatillon. Redoublement de yoko-geri, travail autour d’ura-mawashi avec des pattes d’ours, enchaînement kizumi-gyaku/mawashi-geri sur bouclier… À une mère qui proposait gentiment ses services d’interprète, Thierry Masci répondait instinctivement et dans un large sourire que « la langue n’est pas nécessaire en karaté pour faire passer les messages ». L’universalité d’un art martial comme le karaté en pleine action, évidente sur les tapis comme dans les travées. « Contrairement aux autres évènements inscrits dans le programme de Japonismes 2018, il y a dans ce stage une dimension supplémentaire du fait de l’approche corporelle que permet le karaté, analysait Tomoaki Shimane, vice président de la Maison de la Culture du Japon à Paris et à l’origine de Japonismes 2018. Nous sommes pleinement dans notre concept « d’âmes en résonance », avec l’art martial comme formidable porte d’entrée, pour tous ces jeunes enthousiastes, vers la culture japonaise. »
« De futurs citoyens-passerelles »
« Le sport s’avère un facilitateur de relations puisqu’il permet rapidement de connaître l’autre, poursuit Takeshi Ikkanda, premier secrétaire de l’ambassadeur du Japon à Paris en charge des sports. Plus que d’autres disciplines, le karaté est vecteur de valeurs fortes, qui coïncident avec celles qui codifient la société japonaise, et ses pratiquants sont tous appelés à devenir des citoyens-passerelles entre nos deux nations. » Les sourires et les photos souvenirs comme ciment de cette alliance, mais aussi les petits secrets de champions, inimaginables au siècle dernier pour Jacques Tapol. « Si on m’avait dit il y a trente ans que l’équipe du Japon viendrait ici pour nous apprendre quelque chose, je ne l’aurais jamais cru, souriait le champion du monde 1986. À mon époque, les Japonais ne voulaient pas partager leur secrets d’entraînement… Ils se gardaient toutes les techniques ou modes d’entraînements pour eux. Maintenant, ils sont ici sur Paris pour partager leurs connaissances. C’est génial pour les enfants, qui apprennent énormément tout en s’amusant. » Du propre aveu de Ken Nishimura, la réciproque semblait aussi vraie, « avec un échauffement différent du quotidien et une réactivité des jeunes qui faisait plaisir à voir » insistait le -75kg, quand Imai Kenichi, responsable de l’équipe nationale jeunes, saluait « la ferveur et le respect qui se dégageaient de cette masse de pratiquants unis par le même désir d’apprendre ». La nuit tombante aura beau séparer les chemins de chaque protagoniste, les liens tissés en karatégi plus tôt ne sont pas prêts d’être rompus.
Alba Gutierrez Calero et Antoine Frandeboeuf / Sen No Sen
Photos Denis Boulanger / FFKaraté