Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Dans le cadre de Journée Internationale des Femmes qui a lieu cette semaine, la FFKDA a voulu mettre en valeur les femmes du karaté français. Elles sont professeur, cadre technique, présidente de club ou de département, arbitre… Elles se livrent sur leur pratique, leur parcours, leur relation au karaté, leur engagement et sur la place des femmes au sein de la discipline.
Françoise Paoletti, 60 ans, 4e dan
Présidente du comité des Alpes de Haute-Provence depuis 2000 (644 licenciés)
« Faire bouger les choses »
« Cela fait trente-trois ans que je foule les tatamis de karaté. Un art martial que j’ai commencé alors que je pensais qu’il n’était pas fait pour moi. Puis, j’ai pris des responsabilités : présidente d’une antenne de mon club, l’arbitrage, un domaine qui m’intéressait, puis un engagement au sein du Comité départemental pour « donner un coup de main ». Au bout d’un an, la présidente a démissionné. J’ai pris la suite non pas pour gérer les affaires courantes mais pour aller de l’avant, faire bouger les choses. Mon principal objectif ? Fédérer et faire du Comité départemental un outil au service des clubs. Actuellement, j’essaie, avec mon bureau, de multiplier les échanges entre les disciplines de notre Fédération. Quand je suis devenue présidente, les interrogations n’ont pas duré longtemps : j’étais déjà présente et connue par les karatékas du département, notamment pour ma rigueur. Finalement, les plus surpris ont été les organismes publics (Conseil départemental, CDOS) qui n’imaginaient pas forcément, malgré ma prédécesseure, une femme présidente pour le karaté, une discipline qu’ils ne voyaient qu’au masculin. Je suis fière d’avoir 43% de femmes licenciées dans le département.»
Véronique Mesnil de Vido, 49 ans, 6e dan
Directrice technique départementale des Yvelines depuis septembre 2016
« Il y a une féminisation continue du karaté français »
« La compétition a tenu une grande place dans ma vie de karatékate puisque j’ai arrêté… l’année dernière. J’ai donc connu toutes les catégories d’âge, de minime à vétéran ! Je pense avoir été nommée à ce poste pour mon expérience et sans doute aussi dans le cadre d’une politique de développement de la prise de responsabilités des femmes. Le département des Yvelines est d’ailleurs un bel exemple puisque la présidente et l’entraîneur kata sont des femmes. C’est pareil pour l’arbitrage – dont j’ai été responsable précédemment – puisque le département compte 50% de femmes arbitres. Sans doute le fait d’avoir une femme responsable a-t-il joué car je pense que cela a levé quelques appréhensions chez certaines autres femmes voulant se lancer dans cette voie. Au-delà, je pense que le karaté français, depuis les années 2000, avec la médiatisation de la pratique féminine dans les arts martiaux, connaît une vraie féminisation : avec la mise en place du « body karaté » ou la présence croissante de dirigeantes au sein de notre discipline.»
Sophie Sorrente, 38 ans, 3e dan
Présidente du comité départemental de la Martinique depuis novembre 2016 (1365 licenciés)
« J’ai fait le choix de ne pas être égoïste »
« Mon engagement dans le karaté martiniquais est ancien : secrétaire générale pendant deux olympiades, responsable de la commission « enfants » et « femmes » je suis devenue présidente il y a quelques mois. Pourquoi cet engagement ? Car j’avais envie de rendre au karaté ce qu’il m’a apporté. Plus jeune, j’ai été contente de trouver un club et une structure autour de notre discipline. Or, sans bénévole, les structures meurent. J’ai fait le choix de ne pas être égoïste. J’ai toujours été encouragée et félicitée par mon courage pour ma persévérance, le fait d’assumer cette responsabilité alors que beaucoup de gens la refusent de nos jours. En tant que présidente, mes axes de travail sont la valorisation du bénévolat, le développement de l’activité, la formation et le haut niveau. Être à l’écoute des besoins, fonctionner en symbiose avec les clubs est primordial. Une singularité ? En tant que femme dirigeante, je pense que nous n’avons pas, contrairement aux hommes, besoin de prouver notre force, notre supériorité. Nous sommes sans soute naturellement plus empathique et donnons peut-être plus d’attention à l’accomplissement qu’à la recherche d’un résultat brut et immédiat. »
Lucie Bonnet, 34 ans, 1er dan
Présidente du comité départemental du Finistère depuis 2014 (1948 licenciés)
« Être une femme n’a pas d’influence sur les axes de développement du comité »
« Je suis tombée dans le karaté il y a peu (en 2010). Très vite, j’ai été passionnée et j’ai voulu m’investir dans la discipline. Je suis donc devenue trésorière du département à un moment où les candidats ne se bousculaient pas et car mes compétences professionnelles – j’ai un Master 2 de management des organisations – me permettaient de faire face à la tâche. Lorsque je suis devenue présidente, je me suis rendu compte qu’être femme et non ceinture noire (j’étais alors ceinture marron) me rendait illégitime pour certains. Ce qui est beaucoup moins le cas maintenant, notamment parce que ce que j’ai essayé d’impulser à la tête du département commence à porter ses fruits sur les questions de gestion, de logistique et de communication et même en nombre de licenciés. Et puis je me sens soutenue et reconnue au sein d’une Fédération qui ne fait pas de différence entre dirigeants.»
À (re)lire : Femmes & combattantes, Témoignages 1/2)
Propos recueillis par Thomas Rouquette / Sen No Sen
la rédaction