Portrait d’arbitre : Jacques Djeddi
Récemment nommé responsable d’arbitrage pour la ligue régionale Nouvelle Aquitaine, Jacques Djeddi est un homme qui vit karaté. Professeur et président de club, il est également responsable de l’arbitrage en ligue Poitou Charentes, mais aussi responsable national du karaté carcéral. Aujourd’hui 5e dan, Jacques Djeddi se confie sur la place prédominante du karaté dans sa vie.
Quel est l’élément qui a déclenché votre envie de vous mettre au karaté ?
Quand j’étais enfant, à l’âge de 13 ou 14 ans, j’étais au centre de sélection des jeunes footballeurs du FC Nantes. Je n’étais pas du tout prédestiné à la pratique du karaté. Et puis Bruce Lee est arrivé dans les salles de cinéma, avec ses techniques de pieds/poings dans tous les sens. Ça a été une révélation : je voulais faire ça !
Les conditions n’étaient pas aisées car mon club de karaté, le karaté club d’Orvault, était, géographiquement parlant, dans le secteur de mon collège. Il fallait que je fasse 18 km en mobylette pour m’y rendre… Et puis, un jour, mon entraîneur de foot m’a demandé de choisir entre ces deux pratiques… Le résultat c’est qu’aujourd’hui, je ne suis pas joueur de football ! (rires)
Et je ne regrette pas, car grâce aux capacités que développe le karaté j’ai pu me dépasser dans des épreuves extrêmes, comme le raid Guyane-Amazonie, ou encore la traversée de l’Atlantique à la rame, en solitaire et sans assistance ! Grâce à la richesse du karaté, on peut se dépasser ailleurs !
Comment et pourquoi avez-vous rejoint l’univers de l’arbitrage ?
J’ai démarré l’arbitrage tardivement. Même si j’ai assisté à un ou deux stages afin de faire le lien avec la compétition, je n’avais jamais imaginé que je deviendrai moi-même arbitre ! Et puis, un jour, le directeur technique de la ligue Poitou-Charentes de l’époque cherchait un responsable d’arbitrage. Il m’avait repéré lors des stages évoqués, et c’est comme ça que j’ai mis un premier pied dans l’arbitrage. Je n’ai jamais quitté le poste depuis ! Cela fait aujourd’hui 16 ans.
Ensuite, j’ai voulu gravir les échelons, et un certain Raphaël Ortega est passé par là ! (rires) Il m’a envoyé à l’examen national, auquel j’ai échoué deux fois. La troisième fois était la bonne puisque, en 2005, j’obtenais mon titre national combat. Deux ans plus tard, je devenais juge national kata.
Aujourd’hui, je suis juge international combat. J’ai passé mon titre lors du championnat d’Europe des régions, en juin 2015, plus précisément le jour de mon anniversaire ! Cela reste un de mes meilleurs souvenirs !
Plutôt kata ou combat ?
Si vous m’aviez posé la question il y a cinq ans, j’aurais répondu sans hésiter le combat ! Mais désormais, je peux dire que j’aime les deux. Honnêtement, je me régale vraiment dans les deux styles, surtout depuis le nouveau système d’analyse mis en place par la Commission Nationale d’Arbitrage.
Auparavant, on pouvait considérer que le combat était physiquement plus dynamique, en raison des déplacements et des subtilités dans le combat, contrairement au kata où l’on est assis et ne votons qu’à l’issue de la démonstration. Il s’avère qu’avec ce nouveau système, instauré il y a quatre ou cinq ans, le jugement du kata est plus intellectuel et mental. Il y a une nouvelle grille d’analyse qui nous oblige à vivre le kata et être en permanence en activité pour suivre la prestation et voyager sans arrêt dans la grille des critères.
« Le karaté possède tous les atouts »
Aujourd’hui vous intervenez dans le milieu pénitentiaire, pouvez-vous nous en dire plus ?
Eh bien, je suis moniteur de sport dans le milieu carcéral depuis trente ans, à la maison centrale de Saint Martin de Ré (Charente-Maritime). Il s’agit de la plus grosse maison centrale de France, dans laquelle la moyenne des peines est de 25 ans. Depuis 2008, j’occupe la fonction de responsable national du karaté carcéral.
À travers ma fonction, j’ai développé un concept de préparation à la sortie de personnes détenues, qui commence dès leur incarcération. Il s’agit au départ d’évaluer le comportement de la personne détenue à travers l’activité et de trouver le moyen de la resocialiser car elle a quitté la société de personnes libres pour un lieu avec ses propres règles, la détention.
J’exploite ce concept avec plusieurs disciplines sportives, mais je me suis vite rendu compte que le karaté possédait tous les atouts pour ce projet de sortie et de préparation à la resocialisation. En effet, c’est une activité où les règles sont omniprésentes. Il y a une hiérarchie, par la fonction et par les grades, qui s’instaure dès l’instant où l’on entre sur les tatamis. La notion de grades est également essentielle, car cela donne au pratiquant des perspectives palpables. J’entends par là que tous les trois ou quatre mois, ils peuvent passer des grades, ce qui leur donne des repères dans le temps, un élément essentiel pour certains détenus qui sont là pour très longtemps et à qui, il semblerait impossible de se projeter.
Le karaté dépasse l’activité « occupationnelle ». On installe des projets de grades, de rencontres, par le biais de compétition dédiées, de stages avec des experts. Il y a également un système de club tuteur, un dispositif de licences… Au niveau de la maison central de Saint Martin de Ré, le karaté fêtera ses dix ans d’existence en septembre prochain. La coupe de France carcérale, a célébré pour sa part, sa huitième édition les 20 et 21 mai derniers.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J’en ai plusieurs, car je suis avide de challenges. D’abord, je souhaiterais passer mon 6e dan l’année prochaine. Je souhaiterais également évoluer au niveau de l’arbitrage, car c’est un vrai besoin qui m’anime. Aujourd’hui, mon calendrier personnel se base sur le calendrier fédéral. Ma priorité, c’est le karaté ! Cet art martial m’a tout donné, mon travail, des rencontres, des amis, des orientations professionnelles… tout !
Si vous deviez évoquer un moment d’arbitrage, quel serait-il ?
Chaque compétition est un bon moment, mais si je devais choisir, j’ai deux moments clés. L’obtention de mon titre international, à la maison (au stade Pierre de Coubertin, ndlr), le jour de mes 52 ans ! C’est un moment fort car je garde tout en tête, la préparation, le vécu et la concrétisation !
Il y a également ma toute première convocation pour un Open de Paris – Premier League. Je n’étais qu’arbitre national, alors ça m’a marqué d’être convoqué. Même s’il s’agissait uniquement d’être au dispositif des tables, cela reste un superbe souvenir, car c’était ma première sélection sur ce type d’événements !
Jacques Djeddi
Ligue régionale : Nouvelle Aquitaine
Juge B international combat
Juge national kata
Resp. National Karaté Carcéral
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