Les valeurs ont du sens. Elles irriguent et nourrissent la…
Décryptage
Symbolique, enjeux technologiques, processus de développement des modèles, attentes des combattants et des techniciens… Le keikogi, c’est de l’histoire, du sens et la seconde peau de notre pratique autour de laquelle s’affairent les équipementiers. Un objet du quotidien tout sauf anodin. Plongée au cœur de la toile.
Cent ans de tenue
Quand il se retrouvait tout jeune dans le jardin de son maître, l’illustre Azato, pour de longues séances de kata qui commençaient au crépuscule, Gichin Funakoshi ne portait pas le « keikogi » (tenue d’exercice) et encore moins un karategi tel qu’on le connaît aujourd’hui, pas plus que les pratiquants de sa génération et des précédentes, qui se réunissaient à quelques -uns autour d’un maître discret du côté de Naha ou de Shuri. On pratique alors avec ses habits de tous les jours, souvent torse nu ou en sous-vêtements, pour ne rien abîmer. On ne porte même pas le kimono japonais, sinon quelques-uns parmi l’élite sociale ou intellectuelle de l’île.
Gichin Funakoshi sera de ceux-là. Descendant de la petite noblesse d’Okinawa, cultivé, intelligent, ouvert sur le monde extérieur, il est l’un des diffuseurs les plus actifs du « To-De », l’un des experts dont la notoriété est la plus importante et la plus respectée par les Japonais eux-mêmes. Il est de toutes les premières démonstrations, en 1902, en 1906 devant des officiels japonais, en 1912 devant les marins de la flotte japonaise. Il paraît d’ailleurs, qu’à cette occasion, il s’est affiché en tenue japonaise, ce qui lui fut reproché par certains de ses pairs.
En 1921, le prince héritier Hiro-Hito est de passage par Okinawa. On en profite pour lui faire découvrir le système de combat de l’île. C’est encore une fois Gichin Funakoshi qui s’y colle avec d’autres experts de haute volée comme Myagi Chojun, créateur par la suite du style « goju ». À cette occasion, une photographie le révèle, ils sont tous habillés d’un pantalon traditionnel à la chinoise, et d’un maillot de corps. Ils ont tous le bandeau dans les cheveux, pour empêcher que la sueur coule dans les yeux. Seul Funakoshi, qui a déjà 51 ans, porte la veste croisée à la japonaise.
L’année suivante, il est désigné pour se rendre au grand rendez-vous des pratiques organisé à Tokyo, où il fera sensation au point d’intéresser le créateur du judo, Jigoro Kano, qui lui demande une démonstration. Elle aura lieu devant plus de deux cents experts avec comme partenaire une jeune membre du Kodokan issu d’Okinawa et pratiquant de karaté, Shinkin Gimma. C’est à cette occasion que, pour faire honneur à la puissante organisation qu’est alors le Kodokan, Gichin Funakoshi se procura un keikogi blanc à la façon des membres de cette institution qui domine alors le monde des arts martiaux japonais depuis quarante ans. Il se fait aussi prêter une ceinture noire par Gimma. Un prêté pour un rendu, puisque Shinkin Gimma deviendra la première ceinture de l’école « Shoto » de Gichin Funakoshi.
C’est donc Jigoro Kano et ses experts qui formalisent la tenue de pratique, non seulement de sa propre synthèse des jujutsu, mais aussi, incidemment, du karaté, puisque Funakoshi, sensible à la vision de Kano et au modèle proposé par le judo, adopte la tenue blanche, uwagi (veste) croisé court tenu par une obi (ceinture) étroite et le zubon (pantalon) rallongé sous le genou pour protéger les jambes. Tenue blanche ? Non, teintée plutôt, par souci d’économie et d’hygiène, par souci de sobriété. Un trait de modestie qui est aussi un trait de génie, car c’est cette sobriété immaculée qui deviendra la marque immédiatement reconnaissable, le symbole parfait non seulement du judo, du karaté, mais des budo en général, et le keikogi le parfait uniforme de ses pratiquants. Le blanc de la dignité, et en même temps de l’élégance de la dignité.
Égalité, idéal et progrès
Cette tenue, c’est le signe de reconnaissance, mais aussi la responsabilité du pratiquant. De la modestie du « non-teinté » à l’affirmation du blanc pur, il y a la création d’une histoire, d’une culture, qu’il s’agit de comprendre et de respecter, d’assumer et de faire vivre. Le karategi est une armure, que l’on aime à sa manière, claquant ou souple, ample ou étroit. Il a sa forme parfaite, que les techniciens du kata se plaisent à rendre soudain mobile et sonore, comme un instrument symbiotique du corps entraîné. Mais il est aussi, avant tout, un étendard, celui de l’aspiration idéaliste du karaté, de sa prétention légitime à former les hommes. Qui l’endosse, prend la charge de tout un univers, dans lequel une certaine rigueur minimaliste est le mode d’expression des choses les plus importantes, à la japonaise.
En plus de cent ans d’histoire, né avec le vingtième siècle, le keikogi – qui n’est devenu spécifiquement « karategi » qu’à la fin des années soixante avec les premiers fabricants spécialisés – est l’un des plus anciens vêtements spécifiques de notre époque. Depuis tout ce temps, il a contribué à symboliser une tension vers l’idéal, l’égalité des pratiquants devant l’effort et les progrès à venir, le refus d’une forme d’individualisation naïve, par l’extérieur, par la simple apparence.
Karaté, l’art de la main vide… Sur l’habit, il y a ce vide à percevoir, une absence – de couleur, de marques ostensibles – qui est une démonstration implicite, la symbolique d’une autre échelle de valeur, l’affirmation que ce qui compte est ailleurs. Non pas en surface, comme quelque chose que l’on veut donner à voir, mais à l’intérieur comme quelque chose qui mûrit.
Adidas-DoubleD d’un côté, Noris de l’autre, deux leaders dans la vente d’équipements, deux concurrents qui se connaissent bien tout en ayant deux visions distinctes du marché. Le karategi côté business et innovation.
Nicolas Poy-Tardieu
Directeur marketing Adidas-DoubleD depuis dix ans après avoir été responsable marketing à l’international chez SEK, mais aussi ceinture noire de karaté, Nicolas Poy-Tardieu dresse les grandes tendances du karategi des dernières années.
Qu’est-ce que le karatégi de 2015 a de particulier ?
N.P-T : La toile lisse du karategi supporte peu d’imperfections, contrairement à un judogi en grain de riz par exemple. Concrètement, il faut pouvoir le poser sur une table et que la toile soit parfaite. Cela rend cet équipement assez spécial, complexe notamment en terme recherche sur les matières.
Quelles ont été les grandes évolutions ?
Je citerais la dernière, intervenue en 1999 et à laquelle Adidas justement, a largement contribué. Nous sommes alors passés du 100% coton à mixte coton-polyester. En fait, cette rupture vers un équipement nouveau faisait écho à ce que voulaient les Baillon, Cherdieu, Braun, Biamonti, alors en équipe de France et qui préconisaient le kim’ le plus léger possible… En fait, pour être tout à fait honnête, le haut de gamme de l’époque ne cadrait pas exactement avec leurs attentes et nous leur fournissions et ils descendaient dans la gamme pour trouver un karategi qui leur correspondait mieux. Je me souviens même que Yann Baillon faisait coudre des karategis découpés dans des draps : il voulait un film sur la peau ! Tous cherchaient la légèreté. La mutation s’est produite là, et c’est Alexandre Biamonti qui a porté les premiers prototypes. Depuis, nous sommes sur le même registre avec des critères déterminants de légèreté, d’élasticité, de lavage/séchage rapide… Le karatégi est devenu un objet technique, qui a profité des avancées de la cellule recherches et développement d’Adidas.
« Le karategi est devenu un objet technique »
Avec, on l’imagine, une différence d’attentes entre les kumité et les kata…
Oui. Les besoins des techniciens sont presque à l’opposé : ils ont besoin d’une toile dense, lourde, qui claque et les kims restent d’ailleurs 100% coton. Cela constitue 10 à 15% des ventes, sans réelle possibilité de développement, la seule variation dans ce domaine étant la longueur des manches et du pantalon, plus courtes en Asie, plus longues chez les occidentaux. Sur la tenue de kumité, en revanche, il y a de la créativité à outrance, presque une course à l’innovation et une rivalité sur les matières. Nous, nous nous appuyons sur la technologie Climacool, pour un kim aérien mais très résistant. En 2013, un polyester étirable dans une seule direction a apporté une offre supplémentaire en élasticité qui favorise les mouvements d’extension.
La technologie est votre argument marketing principal ?
Oui, c’est notre spécificité et notre travail autour de la fibre intelligente. Attention, restons mesurés : on ne parle pas de kevlar dans un avion de chasse, mais la technologie fait complètement partie de notre démarche d’équipementier, à l’image de notre modèle Adizéro, 100% polyester, qui est le plus léger du marché.
Quel est le processus de développement d’un kimono ?
Comme nos concurrents, nous procédons évidemment à une veille technologique et nous sommes à l’écoute du marché, grâce à nos ambassadeurs de l’élite mais aussi des pratiquants de clubs qui font partie de notre panel, en nous appuyant également sur un réseau de revendeurs implantés dans 65 ans. Clairement, ce sont les karatékas qui créent la gamme. Ensuite, à nous de « brainstormer », d’établir nos fiches techniques, de contacter nos usines pour sélectionner les matières et définir les coûts avant de passer à la phase de conception des prototypes. Ils sont testés par nos ambassadeurs, à l’aveugle pour obtenir des retours objectifs. Cela nous permet d’affiner, de rectifier et de finaliser. Un 2e test de validation précède d’ailleurs la fabrication en nombre. Il faut comprendre que mettre un nouveau modèle sur le marché –nous en avons une dizaine pour le karaté, qui y restera deux ans, cela demande entre 18 à 24 mois.
Jacques Noris
Figure du milieu des arts martiaux, champion d’Europe de judo en 1963 et 8e dan de la discipline, Jacques Noris est au cœur des équipementiers depuis près de 40 ans. Interview sans langue de bois avec un habitué du genre dont plusieurs générations ont déjà enfilé les kimonos.
Le karategi que vous vendiez au début des années 1980 n’a plus grand-chose à voir avec celui de vos catalogues d’aujourd’hui…
J.N : C’est vrai et en même temps, je revendique ce karategi assez traditionnel, que ce soit en combat ou en kata. On est un peu entré dans une course à l’armement avec ces kimono ventilés de partout. Il y aura bientôt plus de ventilations que de toile ! Je ne suis pas convaincu que la demande vienne systématiquement des compétiteurs, mais bien des marques. Alors, tout le monde est un peu obligé de suivre y compris celles qui sont plus traditionnelles comme Takaido, le pionnier et surtout Shureido, de très loin le n°1 mondial sur les karategi, qui reste d’ailleurs l’un des seuls à fabriquer au Japon. Mais on parle là du haut de gamme, pas accessible à tout le monde et qui, de toute façon, ne produit pas assez. Ce que je vois, moi, c’est qu’équiper un jeune karatéka, ça revient, entre les coquilles, le casque, le plastron, les protections de pied et de poing dans les deux couleurs, les deux ceintures, autour de 150-200 Ä. Alors je considère que l’offre autour du karategi, un produit simple, qui doit rester sobre, doit, elle, rester raisonnable.
La légende du milieu raconte que tout le monde fabrique au même endroit, au Pakistan…
Ce n’est pas une légende, nous fabriquons tous dans la région du Penjab. C’est moi qui ai mis sur pied la première usine là-bas en m’associant à une famille locale il y a trente cinq ans. J’y ai fait venir les machines, mis des procédures en place… et j’ai fabriqué les modèles de tous les autres pendant plusieurs années. Tout est parti de là. Aujourd’hui, je ne suis plus associé qu’avec l’un des quatre frères de la famille, les trois autres fabriquent pour les autres marques, y compris les modèles distribués par Décathlon, Go Sport, Sport 2000…
Justement, comment résister face aux grandes enseignes, en se positionnant comme un spécialiste ?
Une marque comme la mienne a longtemps connu le soutien des professeurs, prescripteurs des produits et intéressés à la vente au sein de leur club. Nous sommes passés dans une autre époque et il est illusoire de vouloir rivaliser avec les centaines de points de vente de Décathlon. Mais je remarque tout de même que leur rayon arts martiaux s’est considérablement restreint ces derniers mois, au profit des boxes, et que les karategi à 10Ä des débuts ont augmenté (11,95Ä pour l’entrée de gamme, NDLR) et sont par ailleurs bas de gamme. Moi, je propose mon premier modèle à 14Ä (en 100 cm)… le conseil en plus, chez moi ou chez l’un des revendeurs de mon réseau dont c’est le métier, la spécialité.
Le conseil du commerçant comme dans d’autres secteurs…
Avec cette spécificité qui m’étonne un peu mais qui fait des karatékas ma clientèle numéro un, je dois l’avouer : les compétitions étant accessibles à un âge de plus en plus jeune, les parents leur achètent des karatégis plus haut de gamme dès 8-10 ans, notamment le modèle Senshi de chez Kaiten, autour de 60Ä, ce qui n’est pas un investissement anodin. C’est un phénomène assez récent que ces gamins d’un mètre trente qui portent des kimono de combat avec aération dans le dos et entre les jambes… comme les grands ! Il faut observer ce phénomène, mais aussi garder en tête que le volume des karategi vendu dépend directement du turn-over d’une population très volatile qu’il est difficile de fidéliser jusqu’à un certain âge. Personnellement, j’ai choisi de distribuer Kaiten ou Kamikaze tout en ne multipliant pas moi-même les modèles. J’en ai quatre : un d’entrée de gamme, un kumité très traditionnel 100% coton (Miyasaki classique) et un pour le kata (Miyasaki kata) pour l’entraînement régulier et, enfin, un kimono combat plus souple, et je crois que c’est très bien comme ça.
Combattants, techniciens … ils attendent tous des choses différentes de leur karategi. L’occasion aussi d’évoquer certaines anecdotes sur leur seconde peau.
Yann Baillon
« Pendant longtemps, j’ai fait faire mon kim sur mesure »
« On avait les Shureido et les Tokaido, et on avait vu arriver les Kamikaze rouges, beaucoup plus légers. Certains allaient s’équiper en Turquie où on trouvait des fabricants qui faisaient des kims très légers. Plus tard, les Décathlon ont aussi été à la mode. Mais pour moi, tout cela était lourd, et même le Kamikaze était encore trop lourd. J’avais l’impression de porter du carton quand ils étaient gorgés d’eau. Alors j’ai pris les choses en main, j’ai trouvé un tissu spécial très léger dans un magasin d’Orléans et je l’ai amené chez un petit tailleur du centre-ville avec une coupe personnelle, très ouverte sur les côtés pour ne pas que ça accroche. J’avais aussi déjà intégré l’élastique. En fait, j’ai fait de la recherche et développement sans le savoir. J’aurais dû me lancer dans la production ! J’en ai déchiré des dizaines et ça m’a couté assez cher. Après, mes premiers sponsors en équipement, je leur ai demandé de me faire des kimonos spécifiques, en fonction de mes besoins. Désormais les derniers développements nous ont amené les kims dont je rêvais il y a vingt ans. »
Jean-Pierre Lavorato
« La forme traditionnelle, mais léger ! »
« À mon époque, on avait tous la même chose et c’était des kimonos lourds et claquants qui plaisaient à certains. Mais moi, la rigidité, je n’aimais pas ça, même à cette époque. Quand on commence à transpirer, c’est gênant, cela bride le mouvement. On s’équipait en Shureido, il y avait l’étiquette noire et l’étiquette bleue. L’étiquette noire en théorie plus haut de gamme, mais moi je voulais l’autre ! Et puis, ils ont arrêté de faire le bleu. Ce sont les Espagnols qui m’ont expliqué que c’était une affaire de grammage et qui m’ont procuré le kim que je souhaitais, un Mugen de Shureido. C’est-à-dire léger comme j’aime, mais avec une forme traditionnelle, parce que je ne suis pas fan des formes longues de la génération suivante. Tous mes copains ont fini par adopter le même. »
Alizée Agier
« Je rêvais du kimono de championne du Monde ! »
« Le kimono c’est important pour nous les pratiquants de karaté. C’est la première image qui vient à l’esprit quand on pense à nous. Un combattant dans sa belle tenue blanche, en posture. C’est classe ! C’est ce qui nous rassemble, et c’est aussi ce qui nous rassemble avec les autres pratiquants des grands Budo. Nous on voit les différences de matière, de forme, d’épaisseur, mais pour le grand public, c’est le kimono. Judo, aikido, karaté, c’est la tenue qui nous réunit. Quand j’étais petite je n’étais pas concernée bien sûr. C’est venu progressivement. On aime bien avoir le beau kim. Ça compte.
Quand j’ai fait mon premier championnat du monde junior, j’ai eu mon Adidas avec le coq sur la poitrine, c’était quelque chose d’énorme. Mais pour l’entraînement j’avais aussi un Arawaza standard, un fabricant qui classe ses modèles par couleurs, et j’ai découvert justement à l’occasion de ces championnats qu’il y avait le “gold”… qui n’est en théorie accessible qu’aux champions du monde ! En tout cas, ils sont les seuls à pouvoir les mettre officiellement en tournois. Je l’avoue, j’en ai un peu rêvé de ce kimono que je n’avais pas le droit d’utiliser ! Alors quand je suis devenu championne du monde… ma mère est allée le chercher pour moi. Je ne le porte pas sur les championnats, mais c’est un petit délire comme ça. Et je sais que Lucie Ignace l’a aussi ! »
Alexandre Biamonti
« Le kim de mon père, quand j’étais cadet »
« Je devais être cadet deuxième année et j’avais fait le championnat de France avec le kimono de mon père, un vieux Tokaido rappé. Cela avait été une très grande fierté de l’amener en finale. J’en ai été très fier et c’est un bon souvenir aujourd’hui. Cela dit, après la compétition, quand je l’ai posé par terre, il tenait debout tout seul, comme une armure. Je me demande encore comment on faisait pour porter des trucs aussi lourds et combattre avec des kims aussi durs. Quand j’ai été juniors, j’ai découvert le Kamikaze rouge, et je l’ai adopté tout de suite avec son tissu léger et sa coupe particulière avec la jupe très longue. Je l’ai ramené dans la ligue de Provence et j’ai été effaré de la vitesse avec laquelle on peut lancer une mode ! En un an nous sommes passés de trois ou quatre excentriques à tout le monde. Par la suite j’ai eu la chance d’avoir la confiance d’Adidas pour pouvoir faire le Kimono que je souhaitais, à mon niveau d’exigence. Ample et fluide bien sûr, et même avec une petite poche à l’intérieur pour mettre le protège-dent qu’on perdait tout le temps. Ça a été mon privilège de pouvoir faire ça.»
Sandy Scordo
« Comme un préparateur de formule un »
« Je me rappelle quand on m’a acheté mon premier kimono de marque. C’était un Shureido Tournament, ça remonte ! Aujourd’hui c’est plus facile, mais quand j’étais plus jeune, c’était encore quelque chose d’avoir un kimono comme ça. C’était cher et pas simple à trouver. Il était hyper-lourd et un peu grand pour moi, mais c’était le premier. Après je me suis fait acheter le même que celui de Michaël Milon dont j’étais totalement fan. J’avais pu l’approcher, voir la coupe le tissu. C’était un Kamikaze Monarque, un compromis très confortable que je retrouve dans les Kimono Venum avec qui j’aime bien travailler aujourd’hui.
En karaté, mais en kata en particulier, le kimono c’est essentiel. Il n’y a rien d’autre que le kim et notre corps. Ce n’est pas une armure, c’est une seconde peau. Il doit épouser votre corps, ne pas bouger dans les mouvements, en plus de nous montrer à notre avantage. Si le pantalon n’est pas pile-poil à votre taille, trop long, trop haut à l’entre-jambe, etc. Tu es tout de suite gêné. Si la forme ne tombe pas bien, cela te tasse ou te fait paraître comme ci ou comme ça. Quand tu fais du haut-niveau en kata, le minimum, c’est le sur mesure ! Et c’est très spécifique. Par exemple entre les “Shotokan” et les “Shito-ryu” qui ont des positions plus hautes, la forme va être différente.
Les Shito vont être plus large en bas et plus près du corps en haut, c’est une question d’harmonie corporelle. Pour moi le plus important, c’est d’abord le confort. Il faut que le Kim te suive sans te freiner tout en se tenant parfaitement. C’est un équilibre subtil. Avec l’expérience tu connais les points forts des meilleures marques. Certains sont légers et confortables, mais supportent mal quand ils sont mouillés. Et nous on est de plus en plus souvent en débardeur et parfois la sudation est abondante. Certains sont plus “claquants” que d’autres… mais du coup vont être pénalisant si la règle dit qu’il ne faut pas faire du bruit en frappant le kim !
La forme de mon kimono évolue constamment. Je me fais un peu l’effet d’être comme un préparateur de formule un. En compétition, à l’œil, tu repères les adversaires qui ont fait ce travail et tu sais déjà qu’ils peuvent être dangereux. Cela dit, il y a des pays qui n’ont pas les moyens de faire du sur-mesure et tu peux avoir des surprises…
Mon kim parfait ? Sans doute celui de Bercy en 2012. J’ai adoré la coupe et je voudrais la retrouver. »
la rédaction