Créer un club, du rêve à la réalité
Le quotidien de deux nouveaux clubs fondés en 2017Créer son propre club est souvent une sacrée aventure. Attendue, complexe… Des obstacles à franchir, des compagnons de quêtes à fédérer pour relever les défis, et une mission : faire vivre le karaté dans un coin où il n’existe pas encore. Expériences mêlées de deux fondateurs de clubs tout neufs.
« La première difficulté, c’est d’avoir une salle. On ne parle même pas d’un dojo, on parle d’un lieu sans équipement, d’une salle vide et disponible », avertit d’entrée Gérald Perraut, président du tout jeune Karaté club de Beffes (KCB, photo de droite), né en septembre dans le Cher. Lorsque ce ceinture noire 1er dan a commencé à chercher un lieu, il a fait le tour des environs avec un impératif : que l’endroit soit central pour son professeur et les adhérents qui le suivent. Cours-les-Barres, Torteron, La Guerche-sur-l’Aubois, Cuffy : autant de jolis coins de campagne, non loin de Nevers, mais autant de refus faute de salle ou de créneaux disponibles. C’est finalement à Beffes, un village de 700 âmes sur la rive gauche de la Loire, que le projet a trouvé son refuge. Et tant pis si le sol est en PVC. Au moins, son club a un lieu où s’installer et entamer son existence.
À 300 kilomètres au sud-ouest, en Dordogne, Geoffrey Eybert s’est retrouvé face au même problème. Le professeur, dont le club a fêté sa première année d’existence en janvier, aurait bien aimé s’installer près de Périgueux, pour son vivier d’habitants, mais ça commençait à faire loin de son domicile. Dans cette région à la nature magnifique, mais à la densité de population faible, « des dojos, il n’y en a pas des masses », note-t-il avec le sourire. Avec ses 1 200 habitants, mais aussi une riche vie sportive (foot et rugby, escalade, boxe) et surtout son dojo, déjà occupé par un club de judo, le bourg d’Excideuil s’imposait comme une évidence. Et a accueilli le nouveau venu avec plaisir (photo de gauche).
« Un rêve de gamin »
Après avoir mis la main sur leur lieu d’entraînement, il a fallu les mettre les mains dans le cambouis administratif. « C’est beaucoup de recherches sur Google, de patience et de lecture des différentes réglementations et de la législation », explique Gérald Perraut, du KC Beffes. Avec internet, les informations pratiques et juridiques sont devenues plus facilement accessibles, mais il faut être bien organisé. Les coups de fil au Comité départemental ont aussi permis de répondre aux questions. En Dordogne, Geoffrey Eybert a fait le choix de se rendre à Périgueux pour visiter un centre sportif et « se renseigner sur les démarches à faire pour créer un club ». Ensuite ? « Il faut ouvrir un compte en banque au nom de l’association, faire les dossiers d’assurance, demander d’éventuelles subventions, inscrire les adhérents auprès de la Fédération. Rien d’énorme, rassure le premier, mais c’est un petit boulot quand même ».
« C’est énormément de contraintes de se lancer, pointe tout de même Geoffrey Eybert, 33 ans, qui travaille en usine. Mais j’ai commencé le karaté à 5 ans. Le professeur était mon voisin, il m’a pris sous son bras et m’a emmené jusqu’à un certain niveau. J’ai toujours voulu lui montrer que j’étais capable de faire quelque chose, d’évoluer sans lui grâce à ce qu’il m’avait appris. Transmettre à mon tour, c’était un rêve de gamin. » La passion, celle qui permet de se lancer, de tenir et d’y croire, surtout lors de premiers temps parfois durs, où le nouveau club peine à trouver son public. « Bien sûr, ça a été très très difficile les débuts, confesse ce ceinture noire 2e dan. Certains élèves de mon ancien club m’ont suivi, mais dans certains cours adultes, je n’avais qu’un ou une seule élève… Il faut l’accepter et donner le meilleur de soi. » Son club revendique aujourd’hui 10 licenciés enfants et 6 adultes, et son professeur l’assure « la machine est lancée ».
Geoffrey Eybert, fondateur du Dragons Club d’Excideuil en Dordogne
La voie de l’équilibre… financier
Attirer de nouveaux licenciés, c’est tout l’enjeu pour ces nouveaux clubs qui doivent patiemment se faire connaître après avoir démarré l’activité sur un socle de copains et de connaissances, le premier cercle. « On n’a pas d’objectif chiffré ni de rentabilité, explique Jean-Pierre Desmesure, ami de dix ans du professeur d’Excideuil et qui a accepté de devenir président du Dragon Club Karaté Do pour épauler son copain. L’objectif est mesuré, et essentiel, celui en fait de toute structure associative : pouvoir vivre, pouvoir être pérennisé, et avoir un nombre suffisant de licenciés pour assurer un roulement aux entraînements. Mais on n’est pas là pour devenir le super club de Dordogne ou pour concurrencer le club de judo d’à côté. Nous souhaitons faire notre petit bonhomme de chemin et se faire plaisir le plus longtemps possible. Créer l’adhésion, susciter l’envie de nous rejoindre, ça passe forcément par-là, nous en sommes convaincus. »
Attirer de nouveaux licenciés, le Karaté Club de Beffes y est vite parvenu, puisqu’aux nombreux élèves de l’ancien club de Gérald Perraut, qui ont suivi le président dans cette nouvelle aventure, se sont ajoutés des curieux des villages environnants, venus par la force du bouche-à-oreille. Résultat : la trentaine de licenciés a été dépassée dès les premiers mois d’existence de ce club ouvert en septembre. Pour ce qui est du côté financier, la jeune association n’a pas encore le droit aux subventions – il faut un an de bilan comptable pour y prétendre, mais son président se réjouit largement de la gratuité de la salle mise à disposition par la commune. Et va personnellement plus loin pour mettre du beurre dans les épinards. « Je suis électricien et j’interviens souvent dans les entreprises. J’ai de bons contacts avec les dirigeants, alors j’en profite pour leur demander une petite subvention sous forme de dons », développe-t-il. Une démarche qui lui a permis de déjà récolter quelques centaines d’euros à droite et à gauche. Pour le KCB, de quoi, envisager de s’équiper d’ici quelques mois de tatamis pour transformer sa salle polyvalente en véritable dojo le temps des cours de karaté. Tout juste nés, mais couvés avec soin par leurs géniteurs, les deux clubs entament tout juste leur croissance. Nous ne manquerons pas de la suivre.
Le dojo du KC Beffes, dans le Cher
Créer un club, mode d’emploi
Le dojo, la constitution de l’association, pourquoi s’affilier, les démarches, les étapes clés, le fonctionnement, la relation au comité et à la ligue, les documents indispensables…
Tout est disponible ici : http://www.ffkarate.fr/espace-clubs/affilier-un-club/
Gaëtan Delafolie / Sen No Sen